Les phytotechnologies sont accessibles au public au Jardin botanique (Courtoisie Mathieu Rivard / Espace pour la vie)

ESPACE POUR LA VIE : ACTEUR DE LA BIODIVERSITÉ GRÂCE AUX PHYTOTECHNOLOGIES

Espace pour la vie regroupe le Biodôme, la Biosphère, le Jardin botanique, l’Insectarium et le Planétarium. Ensemble, ils forment le plus grand complexe muséal en sciences de la nature au Canada. Espace pour la vie agit activement en faveur de la protection de la biodiversité et d’une transition socio-écologique plus juste et inclusive, notamment grâce à son volet de recherche. Chacun des musées mène ainsi une pléiade d’activités de recherche en lien avec ses collections et son champ d’expertise.

Le Jardin botanique, fondé en 1931, détient le plus long historique en termes d’activités de recherche. L’équipe se constitue de 8 chercheurs botanistes auxquels s’ajoutent 13 chercheurs qui relèvent du département de Sciences biologiques de l’Université de Montréal. Ce groupe de 21 chercheurs œuvrent et collaborent au sein de l’Institut de recherche en biologie végétale, une corporation créée pour faciliter le travail de ces scientifiques.

En plus de ses activités de recherche sur la biodiversité, le Jardin botanique est un acteur important dans le domaine des phytotechnologies, une science qui fait appel à l’utilisation des plantes pour aborder des problèmes environnementaux. Les phytotechnologies permettent par exemple de traiter « des eaux ou des sols contaminés, de combattre les îlots de chaleur ou encore de créer des murs anti-bruit grâce à des murs vivants faits à partir de plantes », explique Michel Labrecque, conservateur et chef de division en recherche et développement scientifique au Jardin botanique de Montréal et spécialisé dans le domaine des phytotechnologies.

Dans le contexte actuel de réflexion sur le développement durable et sur la transition écologique, les institutions d’Espace pour la vie « ont le rôle important de sensibiliser, d’éduquer et de faire des actions concrètes. C’est une fierté de travailler pour eux », confie le chercheur.

Pour la végétation, le Jardin botanique est un lieu de présentation et d’accès qui désire montrer toutes les facettes des plantes aux visiteurs. Le public peut aussi découvrir les phytotechnologies grâce à des stations de démonstration, dont celles situées près du jardin aquatique et de l’étang de la Maison de l’arbre Frédéric-Back, toutes deux sur le site du Jardin botanique.

Le chercheur Michel Labrecque, spécialisé en phytotechnologies (Courtoisie Mathieu Rivard / Espace pour la vie)

De multiples avantages et beaucoup de patience

Les phytotechnologies peuvent être utilisées à plusieurs fins, notamment pour la décontamination des sols, un processus appelé phytoremédiation. Les plantes ont cette faculté de nettoyer les sols et de faire renaître la vie là où elle avait disparu. Les avantages de la phytoremédiation sont multiples. Cette approche est appréciée entre autres parce qu’elle est nettement moins onéreuse que d’autres moyens de dépollution conventionnels. Dans la méthode traditionnelle de dépollution des sols, des ouvriers creusent le sol à la pelle mécanique, mettent les quantités de sols récoltés dans un camion et les transportent ailleurs. « L’excavation, le transport et l’enfouissement de ces sols représentent des coûts astronomiques », explique Michel Labrecque.

En plus de l’aspect économique, la phytoremédiation s’inscrit dans une démarche de développement durable, contrairement aux procédés traditionnels : « Quand on fait l’excavation suivant les moyens conventionnels, cela signifie qu’on n’a pas traité le sol, mais qu’on l’a déplacé ailleurs où il risque encore de poser des problèmes », soutient le chercheur.

La phytoremédiation permet de placer des plantes dans un milieu souvent très anthropisé et très minéralisé. Par ce biais, la verdure permet de générer de la biodiversité, car les plantes amènent des oiseaux, des insectes, etc. « Les sols que l’on doit dépolluer sont souvent des sols pratiquement morts. Grâce à la phytoremédiation, on y amène des microorganismes, de la biodiversité et de la vie », insiste Michel Labrecque.

Ce processus permet, dans un premier temps, de décontaminer les sols, mais aussi de générer d’autres bénéfices comme celui d’améliorer la qualité de l’air, les plantes absorbant les gaz à effet de serre. D’un point de vue social, ce travail favorise également la création d’espaces beaucoup plus agréables pour les citoyens.

Les avantages ne s’arrêtent pas là, selon le spécialiste : « En fauchant les plantes, on peut récolter leurs parties aériennes, qui ne sont pas forcément très chargées en contaminants. Certains de nos partenaires récupèrent cette biomasse pour créer des biocombustibles et des bioproduits », déclare Michel Labrecque. Ce type de projet permet donc de réaliser une réelle boucle environnementale et participe ainsi à l’économie circulaire.

Si la phytoremédiation représente une approche intéressante à plusieurs niveaux, ce procédé nécessite du temps : « Tout dépend du type de contaminant, mais il faut attendre une dizaine d’années pour constater des effets notables et significatifs », affirme le chercheur. La phytoremédiation offre des solutions prometteuses, mais possède aussi ses limites. Par exemple, quand la contamination est très profonde dans le sol, le travail des plantes peut soit prendre beaucoup de temps, soit être inefficace car les racines ne peuvent pas descendre à des dizaines de mètres de profondeur. La phytoremédiation peut tout de même représenter une solution alternative potentielle aux pratiques traditionnelles lorsque les conditions le permettent.

De la théorie à la pratique

Voyant une possibilité de décontaminer les sols de l’est de la ville, le Service du développement économique de la Ville de Montréal a confié le projet du banc d’essai de phytoremédiation à l’équipe de Michel Labrecque. Cette initiative, qui a débuté en 2016 et qui couvre quatre hectares de terrain dans l’est de Montréal, représente le plus grand projet de phytoremédiation en milieu urbain du Canada. « Grâce aux plantes, on étudie différentes approches afin de voir, au fil du temps, comment elles contribuent à améliorer l’état de santé des sols. On suit l’évolution à l’aide de relevés de plantes, de sols, et en étudiant les différents dispositifs mis en place au cours des années », explique le chercheur.

Le projet de phytotechnologie dans l’est de Montréal (Courtoisie Michel Labrecque / Espace pour la vie)

Les données et résultats sont parfois complexes à étudier. Les sols sont très hétérogènes et la contamination n’est pas uniforme : elle peut parfois être en profondeur, parfois en surface, et elle peut être due au plomb, au cuivre ou encore à des hydrocarbures… Ces variations représentent un véritable défi pour les équipes de recherche. Il faudra encore du temps pour que la décontamination des sols soit totale, mais « on observe des baisses de contamination, grâce à nos analyses, dans plusieurs secteurs des sites qui sont en traitement depuis plusieurs années », termine le chercheur.

La phytoremédiation pourrait représenter une réelle solution pour dépolluer les villes à long terme, surtout lorsque plus de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain.

Pour plus de renseignements sur le Jardin botanique de Montréal et son volet de recherche, suivez ce lien.


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