ÉLECTIONS : FRONT COMMUN D’ÉLUS CONTRE LA DISPARITION D’ANJOU–LOUIS-RIEL
La proposition de redessiner la carte électorale à Montréal et de retirer la circonscription d’Anjou–Louis-Riel est loin de faire l’unanimité chez les élus de l’est. La plupart d’entre eux craignent qu’ainsi, la métropole perde son pouvoir de représentation à l’Assemblée nationale.
La Commission de la représentation électorale (CRE) du Québec déposait le 19 septembre son rapport préliminaire sur la délimitation des circonscriptions électorales. Dans ce document, la elle proposait entre autres d’éliminer une circonscription dans l’est de Montréal, celle d’Anjou–Louis-Riel, territoire qui serait alors séparé avec les circonscriptions avoisinantes. Ainsi, selon cette recommandation, la circonscription de Camille-Laurin hériterait de la portion « Anjou », tandis que la circonscription de Rosemont se verrait octroyer le secteur Louis-Riel, essentiellement situé entre la rue Lacordaire et l’autoroute 25.
Une recommandation qui ne passe pas
Tous les élus de l’est qui ont été interrogés à ce propos ont rejeté catégoriquement la recommandation telle que formulée par la CRE.
La députée qui occupe présentement le siège dans Anjou–Louis-Riel, Karine Boivin Roy, se dit « résolument contre » cette idée. « On se pose de sérieuses questions [sur les démarches de la CRE] parce qu’on les voit créer un nouveau comté de Rosemont–Louis-Riel qui serait composé de trois arrondissements, Rosemont–La Petite-Patrie, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et Anjou. Le nom d’Anjou disparaît complètement de la carte électorale, car il ne serait pas conservé dans Camille-Laurin, circonscription qui, par ailleurs, s’étendrait du fleuve jusqu’au boulevard Henri-Bourassa. C’est une composition électorale tout à fait éclectique », souligne la députée caquiste.
Celle-ci remet en doute la logique suivie par la CRE pour justifier sa décision. En effet, si l’arrondissement d’Anjou a bel et bien connu une baisse du nombre de ses résidents votants, notamment en raison du vieillissement des citoyens, sa population totale n’a cessé de croître, surtout grâce à l’immigration. « On ne demande pas de changer les règles du jeu concernant les citoyens aptes à aller à voter, pas du tout, mais ce qu’on dit c’est qu’il faut absolument considérer le poids du nombre de résidents. On ne peut pas simplement se fier au nombre d’électeurs », plaide l’élue. Cette dernière souligne que les résidents d’Anjou, qu’ils soient inscrits sur la liste électorale ou non, prennent une part active à la communauté et y contribuent. « Il y a à peu près 200 000 personnes qui vivent dans l’est qui ne sont pas aptes à voter. Il ne faudrait pas que celles-ci passent sous le radar en retirant une circonscription à Montréal », insiste Mme Boivin Roy.
Même son de cloche de la part du député d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, qui voit une « mauvaise nouvelle pour Montréal et pour l’est » dans la disparition éventuelle de la circonscription d’Anjou–Louis-Riel. « Au lieu de retirer des sièges à l’Assemblée nationale, il faudrait plutôt en ajouter. Depuis 35 ans, on a 1,5 million d’électeurs de plus au Québec, alors on pourrait bien viser 127 ou 129 [sièges] au lieu des 125 actuels », souligne l’élu de Québec solidaire.
Si pour sa part ce dernier affirme toutefois ne pas être dérangé par l’idée de voir les limites de la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve redessinées pour intégrer une partie de Camille-Laurin, son comparse et député de Rosemont n’est pas du même avis. « C’est un exercice de peinture à numéro que de redessiner la carte ainsi pour trouver un équilibre dans le nombre d’électeurs », s’insurge Vincent Marissal. Selon lui, on viendrait ainsi complètement « dénaturer » les circonscriptions de l’est en repoussant entre autres les frontières de Rosemont « jusqu’au parking des Galeries d’Anjou ».
M. Marissal et Mme Boivin Roy ont soulevé à plusieurs reprises que la CRE avait pour mandat de prendre en considération la « communauté naturelle » qui devait régner dans les circonscriptions afin que leurs populations soient bien représentées à l’Assemblée nationale. Les deux élus concluent que la proposition de la CRE irait à l’encontre de ce principe.
Pour sa part, le député de Camille-Laurin et chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, se dit lui aussi contre la refonte avancée par la CRE. Dans une publication sur sa page Facebook le 2 novembre, celui-ci rappelle que « l’est de Montréal a été historiquement délaissé et négligé par les gouvernements en termes d’investissements et de développement à travers notre histoire et l’idée d’y diluer encore davantage son pouvoir politique en y abolissant une circonscription est inacceptable ». « [L]’est de l’île est composée d’une grande diversité de citoyens et de quartiers. Les réalités sociologiques et économiques de Mercier-Est/Ouest et d’Anjou sont bien différentes. La proposition actuelle va à l’encontre du principe de communautés naturelles », poursuit le chef du PQ dans sa publication.
La CRE a lancé ses audiences publiques concernant sa révision de la carte électorale du Québec le 10 octobre et ces dernières se poursuivront jusqu’au 15 novembre. La plupart des élus interviewés par EST MÉDIA Montréal ont émis des opinions défavorables à la proposition de la CRE, et la députée d’Anjou–Louis-Riel affirme avoir déjà obtenu une trentaine de lettres d’appui de la part d’acteurs de l’est partageant sa position. Avant d’être adoptée, la révision de la carte électorale de la CRE devra être débattue à l’Assemblée nationale, et ce, à une date pour l’instant indéterminée.