OUVERTURE DE L’ÉCOLE SECONDAIRE SPÉCIALISÉE IRÉNÉE-LUSSIER

Après deux années de construction, l’école secondaire spécialisée Irénée-Lussier accueille ses premiers élèves ce mardi 29 août. Ce nouvel établissement, situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, est spécialement adapté aux besoins des élèves de 12 à 21 ans présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère, dont la majorité possède un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et autres troubles associés. 

Vendredi dernier, des dizaines d’ouvriers apportaient les dernières finitions à un chantier phénoménal de 77 millions de dollars, sans dépassement arrivés à terme. Au cours de la visite, le directeur Rhéal Lauzon, présente une école moderne, spacieuse et  disposant d’espaces adaptés pour ses 227 élèves qui seront encadrés par 170 enseignants et autres membres du personnel. Le but de cette école est d’amener « les jeunes vers l’autodétermination, pour qu’ils fassent les choses par eux-mêmes, qu’ils apprennent à faire des choix pour eux » indique le directeur. 

L’un des partenaires de l’école est la Fondation Les Petits Rois qui aide quelque 500 enfants et leurs familles dans la région de Montréal. Sa présidente et fondatrice, Vânia Aguiar, est mère d’un jeune homme de 27 ans qui a une déficience intellectuelle modérée à sévère. Elle fait partie des initiatrices du projet de cette école : « C’est un objectif qui a pris toute l’énergie de l’équipe de l’école, des parents et de la direction. Normalement, les jeunes s’adaptent au bâtiment. Nous proposons un concept futuriste où l’école est adaptée à nos jeunes » développe la mère d’élève. De 2008 à 2016, le projet était en discussion et c’est en 2021 qu’ont débuté les premiers travaux. Mme Aguiar révèle qu’en 2008, « on savait qu’il y avait une explosion des diagnostiques des TSA et qu’on manquait d’espace. »

Vânia Aguiar, présidente et fondatrice de la Fondation Les Petits Rois (photo : Sophie Gauthier/EMM).

Rhéal Lauzon, directeur de l’école secondaire spécialisée Irénée-Lussier (photo : Sophie Gauthier/EMM).

Au Québec, 1 personne sur 150 environ possède un TSA selon la Fédération Québécoise de l’autisme. La demande est donc plus forte que les places disponibles dans l’école. Le processus de recrutement est caractérisé d’abord par une démarche de signalisation : « Les parents doivent avant tout inscrire leur enfant à l’école de quartier même si l’on sait d’office que le jeune a des besoins particuliers. Nos CPAS (Conseiller Pédagogique en Adaptation Scolaire) reçoivent des dossiers ou des recommandations venant d’écoles. Ces derniers étudient le dossier, rencontrent les parents et organisent l’admission de leur enfant dans une classe spécialisée dans une école régulière ou directement dans une école spécialisée » explique le directeur. 

La grande majorité des jeunes viennent de l’île de Montréal car l’école possède un mandat régional. M. Lauzon précise : « En plus des élèves du CSSDM, nous en avons aussi qui viennent du CSSPI (Centre de services scolaire de la Pointe de l’Île) et Marguerite-Bourgeoys. Certains de nos élèves viennent aussi de foyers d’accueil.»

Des salles conçues pour des besoins particuliers 

Comme beaucoup de classes «normales», celles d’Irénée-Lussier possèdent un tableau blanc, des tables, des chaises ou encore une palette infinie de feutres et crayons de couleurs. Mais celle-ci est dotée d’un dispositif qu’appelle le directeur le « coin noir ». Il s’agit d’une petite pièce située à l’intérieur de la classe, dans laquelle l’élève, qui a besoin de se calmer ou seulement de se retrouver seul, peut se réfugier en toute sécurité. « L’élève peut y régler l’intensité de la luminosité en fonction de ses besoins tout en restant sous l’oeil de l’équipe, composée au minimum de deux adultes, d’un enseignant et d’un éducateur » explique Rhéal Lauzon. 

L’une des employées s’active dans la bibliothèque afin que tout soit prêt pour la rentrée (photo : Sophie/EMM).

L’école possède également une grande cour intérieure et un potager grâce auquel les jeunes vont apprendre à cultiver des fruits et légumes pour ensuite les cuisiner. Les équipes de l’école ont précautionneusement « choisit des plants non toxiques car certains élèves sont susceptibles de mettre des choses dans leur bouche » rapporte le directeur. Les plus sportifs pourront profiter du terrain de soccer, situé à l’arrière de l’école. 

L'un des deux appartements présents au sein de l'école. (Photo : Sophie/EMM).

L’un des deux appartements présents au sein de l’école. (Photo : Sophie/EMM).

L’établissement détient plusieurs salles davantage spécialisées telles qu’une  salle de psychomotricité, des salles d’apaisement et d’isolement ou encore une salle de soins pour répondre aux besoins spécifiques en terme d’hygiène et de médications de certains élèves. Mais la grande valeur ajoutée de l’école réside dans leurs deux locaux appartements. Ces derniers possèdent tout le matériel nécessaire pour vivre en complète autonomie : frigo, cuisine, lavabo, TV, espaces de rangement, micro-ondes… Les jeunes peuvent y faire leur vaisselle, leur lit, leur lessive, etc. Cette pratique est nécessaire à leur apprentissage des gestes du quotidien.

L’équipe de l’école est particulièrement fière de la salle «snoezelen» qui vise à stimuler les jeunes au niveau visuel, olfactif et sensoriel dans une ambiance sécurisante. Cette salle est entièrement financée par l’un des partenaires de l’école, la Fondation Les Petits Pois. Vânia Aguiar explique : « Beaucoup de jeunes ont des problèmes de motricité dus à leurs problèmes cognitifs. Cette salle possède par exemple des bulles d’eau qui émettent une vibration au toucher, ce qui permet de recentrer le jeune dans l’espace. C’est également une salle où l’aromathérapie –  utilisation des huiles essentielles à des fins thérapeutiques – et la musique sont mis à l’honneur. C’est comme un mini spa sensoriel. » Les jeunes y sont accompagnés par un ergothérapeute, un professionnel qui surpervise des activités pour des personnes atteintes d’une incapacité physique, psychologique ou mentale. Les jeunes sortiront de cette salle beaucoup plus concentrés, reposés et ainsi, plus aptes à entamer une tâche par exemple. 

Une journée type à l’école Irénée-Lussier

M. Lauzon affirme que « c’est une grande responsabilité d’avoir des élèves vulnérables dans notre école.» Pour garantir une sécurité optimale, les élèves sont pris en charge dès le matin par un service de transport, une berline ou un bus, qui les dépose à l’établissement scolaire. Les enseignants ou éducateurs les attendent dans les salles de classe. La journée est ensuite rythmée par « trois périodes de 50 minutes le matin et trois périodes de 50 minutes l’après-midi » raconte le directeur. Les élèves passent donc l’ensemble de la journée avec leur classe, comme dans n’importe quel établissement secondaire. Les groupes peuvent parfois se mélanger pour un projet commun. Puis les jeunes rentrent chez eux en transport, un coût entièrement pris en charge par le gouvernement du Québec. 

En fin de semaine, l’école organise les danses du vendredi soir. Cette tradition offre un moment de fête et de partage entre les jeunes, les familles et aussi les employés qui donnent de leur temps personnel pendant deux heures. Le directeur ajoute avec émotion : « J’assiste à des moments extraordinaires. Souvent, on a l’impression que la différence, l’handicap, est négatif mais ce n’est pas vrai. Je vois de belles choses ici. »

Une enseignante mentor encadre les nouveaux professeurs lors de rencontres régulières (photo : Sophie Gauthier/EMM).

L’après 

À 21 ans, les jeunes quitteront l’établissement. Ils entameront ainsi leur passage vers la TEVA (Transition École Vie Active). « Certains vont aller sur les plateaux de travail proposés par la Fondation Les Petits Rois. D’autres vont aller dans des centres de jour. Le centre Champagnat au CSSDM – situé au 5017 rue St-Hubert – offre une scolarisation continue de 5 ans », explique le directeur. Les jeunes peuvent donc bénéficier d’un cadre scolaire jusqu’à l’âge de 26 ans. Rhéal Lauzon confie que son rôle ainsi que celui des ses équipes est avant tout d’écouter : « Nous offrons l’information mais le choix revient aux parents ou au tuteur légal. Une maman m’a déjà raconté qu’elle préfère s’occuper intégralement de son enfant à partir de ses 21 ans et que lorsqu’elle et son mari ne seront plus là, la soeur prendra le relais. » L’ADN de l’établissement réside dans l’accompagnement, l’échange et l’écoute. 

Selon la majorité des intervenants de ce milieu spécialisé, l’école Irénée-Lussier représenterait une réelle avancée pour le Québec. Pour plus de renseignements sur cet établissement, vous pouvez consulter le site de l’école ICI.