Photo tirée de la page Facebook de l’État-Major

MAIS OÙ SONT PASSÉS LES DÎNERS ?

Dur dur de dîner tranquille au restaurant dans l’est de Montréal ces jours-ci! Depuis la pandémie et avec la pénurie de main-d’œuvre, peut-être l’avez-vous aussi remarqué, plusieurs restaurants ont choisi de fermer leurs portes le midi ou encore d’offrir seulement la livraison ou les commandes pour emporter. EST MÉDIA Montréal s’est penché sur le sujet en allant à la rencontre de certains commerces de la rue Ontario.

Il n’y a pas seulement au centre-ville que les bureaux, les commerces et les restaurants se sont vidés. Rue Ontario, dans Hochelaga-Maisonneuve, plusieurs enseignes affichent leur pancarte « fermé » sur l’heure du dîner. C’est le cas de l’État-Major, un apportez votre vin ouvert depuis 2013. Par manque de personnel et peut-être aussi d’achalandage, le propriétaire, Vincent Châtelais, a pris cette décision. « C’est un petit peu le mélange de tout ça. Quand on a rouvert les restaurants, il y avait un gros manque de personnel. C’était déjà très compliqué d’ouvrir le soir, alors je me voyais mal prendre un autre mandat pour le midi », explique-t-il. À cela s’ajoute l’augmentation des coûts. « En restauration, le coût de la main-d’œuvre a explosé. Je pense que c’était un bon moment pour qu’au moins le salaire de la restauration monte, mais c’est vrai que l’aspect rentabilité, le midi, devenait plus ou moins présent », poursuit-il.

À la Société de développement commercial (SDC) Hochelaga-Maisonneuve, on abonde dans le même sens. « On entend beaucoup parler de leur difficulté à recruter et garder le personnel. Tu rajoutes à ça l’explosion des coûts de la nourriture, qui n’aide pas non plus, et tous les investissements qu’ils ont eu à faire pendant la pandémie pour s’adapter aux nouvelles mesures, tout ça a joué un rôle important chez les restaurateurs dans la transition après la pandémie », souligne Patrick Legault, directeur général de la SDC Hochelaga-Maisonneuve.

Patrick Legault, directeur général de la SDC Hochelaga-Maisonneuve (crédit photo : Mélanie Dusseault).

On le sait, les différentes vagues de COVID-19 ont aussi eu comme effet de garder les employés plus souvent à la maison avec le télétravail. Et la grande popularité de cette option crée moins d’occasion de dîner à l’extérieur, ce que ressentent aussi les restaurateurs d’Hochelaga-Maisonneuve. Aussi derrière la pizzéria Heirloom, le propriétaire de l’État-Major a toutefois choisi d’y poursuivre le service de repas du midi. « On reste ouverts le midi à la pizzéria parce que, oui, on a une clientèle en salle, mais on a aussi beaucoup de livraisons et de commandes pour emporter. Les gens n’ont pas arrêté de consommer au restaurant, mais ils consomment différemment », note Vincent Châtelais.

Quoi de neuf, boulangère?

Chez Arhoma, à la fois boulangerie, fromagerie, épicerie fine et café, la pandémie a peut-être eu un impact moindre. Certes, les places assises à l’intérieur ont été remplacées par de nouvelles étagères pour l’épicerie et on réfléchit à l’implantation du service de livraison à travers les différentes plateformes, mais l’entreprise a somme toute poursuivi sa mission en s’adaptant chaque fois aux mesures sanitaires. « Le café, c’est une partie importante de notre entreprise, mais ça reste que ce n’est pas vraiment la restauration, notre job », mentionne Ariane Beaumont, copropriétaire et fondatrice. « Alors, c’est sûr qu’il n’y a pas grand-chose qui a changé avec la pandémie. On s’est vite rendu compte que le côté restauration, c’était plus fragile que le côté épicerie parce que les gens n’arrêteront pas de manger demain matin. » La propriétaire, qui n’a pas vraiment changé son offre alimentaire, note toujours autant d’affluence le midi, mais remarque néanmoins qu’une tendance végétarienne se dessine depuis la pandémie. « C’est sûr qu’on a beaucoup de produits végétaliens chez nous, ça fait qu’on attire cette clientèle. Mais c’est plutôt le végétarisme qui a augmenté dans les derniers mois. C’est plus présent encore qu’avant. Il y a une tendance qui nous semble vraiment prendre de l’ampleur. Les ventes sont encore plus importantes qu’avant, ça croît tout le temps. »

À la rescousse des restaurateurs

Avec comme mandat principal de dynamiser le quartier Hochelaga-Maisonneuve sur les deux artères commerçantes que représentent les rues Ontario et Sainte-Catherine, la SDC, avec ses 300 membres, a pour but de les soutenir. Elle est à même de voir toutes les difficultés que les restaurants, notamment, ont dû traverser avec la pandémie. « On a mis en place un projet de sociofinancement pour favoriser l’achat local. Tu pouvais encourager les commerces en achetant des bons. C’est pratiquement 750 000$ de ventes qu’on a faits avec ce projet et qu’on a redistribués aux restaurants et aux commerces de détails », raconte Patrick Legault. « On a organisé toutes sortes de concours et d’événements. Et on va pouvoir reprendre cette année les compétitions culinaires, qui mettent en lumière nos restaurateurs. » La SDC leur apporte aussi son aide pour remplir des demandes de subventions municipales et pour obtenir des permis de terrasses, des enveloppes pour l’aménagement extérieur, etc. « On les aide à toutes sortes de niveaux pour qu’ils s’adaptent mieux aux nouvelles réalités. »

Car la réduction des heures d’ouverture et l’adaptation de l’offre alimentaire sont des tendances qui semblent être là pour rester. « Le midi, les profits étaient quand même un petit peu moins présents que le soir », dit Vincent Châtelais. « Pour dîner, les gens ont beaucoup moins de budget et avec raison. C’est aussi un peu pour ça qu’on n’a pas trop insisté pour trouver du personnel le midi. » Le propriétaire de l’État-Major et du Heirloom croit que la situation actuelle influencera même les nouveaux restaurants. « Les nouveaux projets qui vont sortir, ils ont besoin d’intégrer d’emblée la livraison ou les commandes pour emporter, donc d’avoir un menu qui se transporte bien chez les gens. » Même son de cloche à la SDC : « Ils doivent s’adapter au nouvel enjeu de livraison, à cette réalité qui a explosé depuis la pandémie », indique Patrick Legault.

La fameuse pizzéria Heirloom, sur Ontario, est quant à elle toujours ouverte le midi (photo tirée du site Web du restaurant).

On voit aussi poindre de nouveaux concepts de restauration, comme les commerces qui se présentent comme des cafés le jour et des bars à vin nature le soir, tels que le SUPERNAT, dans Hochelaga-Maisonneuve. « Ça permet d’avoir plusieurs cordes à son arc pour essayer de maximiser le local, parce que sinon, le midi, il n’y a rien. Alors, autant faire quelque chose », constate Vincent Châtelais.

Même si la pandémie les a bien malmenés, tout n’est pas gris au pays des restaurateurs! Peu ont fermé définitivement leurs portes dans le secteur et de nouveaux joueurs continuent d’apparaître. « C’est encourageant! Les restaurateurs font une grosse job, c’est un milieu qui est vraiment en transition. J’ai un énorme respect pour le travail qu’ils font et leur degré de résilience et d’adaptation de dernière minute. C’est impressionnant de les voir aller », termine, sur une note positive, le directeur général de la SDC Hochelaga-Maisonneuve.