Dieudonné Ella Oyono (photos : EMM).

DIEUDONNÉ ELLA OYONO : UN POINTELIER AUX MULTIPLES CHAPEAUX

Chargé de cours en économie à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, chef d’équipe au développement économique du territoire à la Ville de Montréal et président du Parti québécois (PQ) : Dieudonné Ella Oyono ne chôme pas. Rencontre avec un fier Pointelier qui porte de multiples chapeaux.

C’est au tournant des années 2000 que Dieudonné Ella Oyono dépose ses valises en terre québécoise afin d’y entamer un doctorat en économie. Dans le but avoué de retourner enseigner au Gabon, son pays natal, il complète une propédeutique puis des études de troisième cycle. « Puisqu’on se parle aujourd’hui, ça veut dire que mes plans ont changé pas mal! » En effet, bientôt vingt ans plus tard, Dieudonné est toujours là, ayant fait le choix de non seulement faire carrière au Québec, mais d’y fonder sa famille.

De Woleu-Ntem à Pointe-aux-Trembles

À son arrivée, il habite d’abord Côte-des-Neiges−Notre-Dame-de-Grâce puis emménage rue René-Lévesque, au centre-ville, afin de se rapprocher de l’université. Quand vient le temps d’acheter une maison, un ami lui conseille de quitter la grande ville afin de profiter d’une cour et de dénicher une propriété plus grande et moins chère. « Mais moi, j’avais un attachement particulier [à Montréal]. » Dieudonné commence alors à magasiner les maisons. « Je suis un gars de village. Je souhaitais retrouver un peu ce calme et cette tranquillité. Et quand j’ai visité le Sud-Ouest, Saint-Léonard, Anjou, il y avait beaucoup de mouvement, d’activité. Ça bouge! » Et c’est à Pointe-aux-Trembles qu’il découvre finalement ce petit « noyau villageois » paisible qui lui plaît tant. « Et en plus, ça parlait français! »

À l’époque, on le met en garde sur le fait qu’il y a peu d’immigrants dans ce secteur, mais c’est justement ce que Dieudonné recherche : la mixité. « On ne déménage pas dans un pays pour être avec les gens qu’on côtoyait déjà, pour baigner dans ce qu’on connaît. Moi, j’aime ça, découvrir des nouvelles choses. Et ce coin correspondait à ce que je souhaitais pour élever mes enfants. » Dieudonné aime, à Pointe-aux-Trembles, la proximité des parcs, des écoles, de la nature, des commerces. « Ça a changé depuis ce temps-là. Le quartier se transforme, mais il correspond encore à mes aspirations. » Dieudonné est donc un fier Pointelier depuis 2007!

Affectionnant tout particulièrement le restaurant Tomate Basilic ou encore la café FOMO, deux endroits où il est impatient de retourner après la pandémie, l’homme regrette la fermeture, en 2020, de la crémerie Le Tropique. « C’était un lieu de prédilection pour tout bon Pointelier qui se respecte! » Amateur de bière, il se console avec Le frigo des dieux, grâce auquel il peut goûter à une foule de produits de microbrasseries de la province. Dans un autre ordre d’idées, Dieudonné se décrit comme « un gars de nature », et il est servi dans son arrondissement. « J’aime bien aller me promener au parc-nature de la Pointe-aux-Prairies pour réfléchir, prendre l’air puis imaginer qu’est-ce qu’on peut transformer, comment je peux m’impliquer. »

L’implication citoyenne : sa vision du Québec

Citoyen impliqué, Dieudonné a une belle vision de ce que pourrait devenir l’extrême est de Montréal. L’économie, son dada, est bien sûr dans son point de mire, mais la jeunesse n’est jamais bien loin non plus. Un meilleur avenir pour l’est de Montréal s’articule selon lui autour de trois pôles : l’amélioration de l’accessibilité, la réduction des inégalités sociales et l’accent sur le capital humain dans l’économie. S’il est facile d’aller et venir de l’est aux heures de pointe, c’est beaucoup plus complexe en plein jour ou encore la fin de semaine. « Et se déplacer à l’intérieur même du territoire, je pense que c’est un défi également. » Les inégalités sociales sont aussi palpables si on compare les différents arrondissements montréalais. Par exemple, Dieudonné espère une égalité des chances pour tous les enfants, qu’ils soient d’Outremont, de Ville-Marie ou de Pointe-aux-Trembles. « Il y a l’accessibilité des transports, mais aussi l’accessibilité pour nos jeunes à la même qualité d’enseignement, aux mêmes possibilités. Il faut aller vers cette équité territoriale. » Finalement, Dieudonné, l’économiste, croit qu’il demeure crucial de planifier en amont toute la transformation économique déjà en train de s’opérer. « Quand Shell a fermé, il y avait 500 employés qui avaient des bons salaires qu’il fallait replacer. Je me dis qu’il faut commencer la réflexion sur les secteurs [comme la pétrochimie] qui vont se transformer. Les gens qui ne sont pas rendus à la retraite, qu’est-ce qu’on met en place pour les accompagner lors d’une mise à pied? »

Dieudonné est très attaché à sa municipalité et l’est tout autant à sa province. Voilà qui explique peut-être la raison pour laquelle il a souhaité devenir président du PQ. « Je me définis comme un homme aux multiples chapeaux et implications parce que je ressens toujours le besoin de redonner. La vraie implication, c’est quand on fait du bénévolat. » Celui qui se fait un point d’honneur de transmettre ses valeurs tient à demeurer au cœur de l’action. « Mon engagement dans un parti politique, c’est ça. Un parti finit par arriver au pouvoir, par former un gouvernement ou par donner des orientations dans des ministères. » Donc, Dieudonné s’implique, c’est sa façon de redonner au Québec. Parce que même dans l’opposition, les partis posent des questions, contribuent à des projets de loi.

Et avec ses plumes en moins, à Montréal et ailleurs, comment se prépare le PQ aux prochaines élections? « Je rêve d’un Québec indépendant, mais avant d’arriver à l’indépendance, il y a du travail à faire auprès des Québécois. » Le parti garde en tête les enjeux qui préoccupent principalement les citoyens aujourd’hui, que ce soit la pandémie, l’éducation, le développement économique, la santé. « On est dans un renouveau. On établit ce qu’on propose de différent par rapport aux autres partis et comment, par rapport à ces enjeux, le fait d’avoir tous nos moyens, ça nous permettrait d’aller plus loin que ce qu’on est capables de faire aujourd’hui. » Et comme le député fédéral de la Pointe-de-l’Île provient du Bloc québécois, ni Dieudonné ni le PQ ne perdent espoir de reconquérir l’île de Montréal. « Il nous reste beaucoup de militants à Montréal, dans les comtés où on avait des députés. On recommence à travailler avec ces gens-là, on va mettre les bouchées doubles, on va être présents. Ça, c’est certain. »

En attendant et comme s’il n’en avait pas déjà assez, Dieudonné compte bientôt s’impliquer à l’école primaire. « J’ai décidé cette année de me joindre au conseil d’établissement de l’école Sainte-Germaine-Cousin parce qu’un peuple, une nation n’a pas d’avenir s’il n’y a pas d’éducation. » C’est l’enjeu du décrochage scolaire et son intérêt pour le système d’éducation publique qui motivent entre autres ce choix. « Comme parent, comme citoyen, il faut qu’on s’implique parce que c’est ça qui va garantir un avenir collectif plus radieux, c’est certain. »

« Radieux », ça sonne doux à l’oreille en ce moment, c’est certain.