DANS LES DÉDALES DE L’AFFICHAGE SAUVAGE À MONTRÉAL
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certaines personnes peu soucieuses du mobilier urbain semblent user en toute impunité du droit d’afficher leurs services, événements ou commerces un peu partout à Montréal? Combien de fois avez-vous remarqué ces derniers mois sur des lampadaires, feux de circulation ou poteaux d’Hydro-Québec de douteux messages du genre « J’achète votre maison CASH $ », « Calfeutrage professionnel » ou encore « Antiquités, meubles, vieux livres : j’achète tout! » ?
Malheureusement, probablement plusieurs fois, dans la plupart des arrondissements. Ces publicités sont-elles légales? Non… mais oui pour quelques mois encore, le temps que la Ville de Montréal termine l’installation d’un réseau de modules d’affichage libre sur l’ensemble de son territoire. C’est que la Ville a été poursuivie par un tiers il y presque trois ans parce qu’elle n’offrait pas d’espaces suffisants pour que les citoyens puissent afficher. Un juge a alors statué que l’administration municipale « devait procéder à l’implantation de modules d’affichage public accessibles à tous, sans frais », or pendant ce temps, il est interdit aux arrondissements d’appliquer leurs règlements concernant l’affichage sur le mobilier urbain (relatifs au fait de clouer, coller ou afficher sur le domaine public et tout type de mobilier urbain).
L’installation de modules d’affichage sur l’ensemble du territoire, au coût estimé de 1,5 M $, devrait être terminée d’ici le printemps 2022. De nombreux modules sont déjà disponibles et une carte pour les localiser a été mise en ligne sur le site Montreal.ca. L’entretien des modules est effectué à une fréquence régulière à raison d’une fois par mois dans la plupart des arrondissements (ménage des affiches).
Compliqué tout cela? En effet, la ville centre et les arrondissements se sont par ailleurs relayé la balle ces derniers jours alors que nous tentions de démêler la situation. « Le pouvoir de limiter et contrôler l’affichage sur le domaine public de la Ville de Montréal relève en principe des arrondissements. Nous vous invitons à communiquer avec eux pour déterminer la réglementation et les normes applicables en la matière car elles peuvent varier d’un arrondissement à l’autre. Toutefois, rappelons qu’un jugement de la Cour d’appel a invalidé une disposition d’un règlement d’urbanisme de la Ville de Montréal qui interdisait, sur le domaine public, d’inscrire un message, de coller ou d’agrafer une affiche ailleurs que sur une surface prévue à cette fin. La Cour a jugé qu’une telle interdiction portait atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Les arrondissements doivent aussi tenir compte de ce jugement », a répondu par courriel Gonzalo Nunez, relationniste de presse à la Ville de Montréal.
Ainsi dans les faits, si on prend l’exemple de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, il est impossible en ce moment pour l’arrondissement de faire respecter son règlement 34 qui interdit l’affichage sur le mobilier urbain, sous peine d’amende de 250 $ à 4 000 $. Selon Julie Bellemare, chargée de communication pour MHM, l’application du règlement revient habituellement au Service des travaux publics de l’arrondissement, mais les inspecteurs ne pourront intervenir avant que tous les modules soient installés sur le territoire et que la communication de la remise en vigueur du règlement soit partagée aux résidents. On espère au printemps 2022 dit-on du côté de MHM.
Plus de 500 modules
Selon la Ville, les modules d’affichage « libre service » permettront de maintenir le domaine public propre et d’offrir un espace de diffusion accessible à tous sur le domaine public, notamment au milieu culturel, aux organismes communautaires et aux citoyens. « Les modules sont déjà achetés et le déploiement est en cours de réalisation. Pour les modules installés sur des poteaux existants sur le territoire de la Ville (de type fûts de lampadaires), l’installation a été complétée en avril 2019. Pour ceux installés sur des poteaux d’Hydro-Québec (à la suite d’une entente), l’installation a été complétée en février 2021. Finalement, en ce qui concerne les modules prévus sur des poteaux à implanter, un appel d’offres a eu lieu et un contrat a été octroyé le 5 mai dernier. Les poteaux, conçus afin de recevoir des modules d’affichages, seront installés cet automne. L’installation des modules restants débutera ensuite », explique M. Nunez. À terme, 504 modules d’affichage libre seront disponibles, dont 58 % ont déjà été installés en date d’aujourd’hui.
Ainsi, tout le monde pourra afficher sur les modules différentes informations « dans le respect de la Charte des droits et libertés de la personne » (citoyens, organismes, entreprises, gouvernements). Toutes les affiches, et particulièrement les affiches passées date ou détériorées, seront retirées durant la journée de nettoyage identifiée dans chaque arrondissement. Les affiches peuvent être brochées ou collées (colle ou ruban adhésif) sur la surface caoutchoutée.
Voici le nombre de modules prévus dans chacun des arrondissements de l’est montréalais :
Mercier–Hochelaga-Maisonneuve : 37
Villeray –Saint-Michel–Parc-Extension : 61
Rosemont–La Petite-Patrie : 34
Montréal-Nord : 8
Saint-Léonard : 23
Anjou : 7
Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles : 16
Faites ce que je dis… pas ce que je fais
L’affichage sur le mobilier urbain, particulièrement sur les lampadaires, feux de circulation et les poteaux d’Hydro-Québec, n’est pas que l’apanage des particuliers. Depuis quelques années, certains arrondissements n’hésitent plus à utiliser ces installations comme supports publicitaires. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal avait ainsi placardé toute la zone où elle implantait ses vignettes de stationnement temporaire il y a environ sept ans pour lancer son programme. Avait suivi quelques mois plus tard une campagne pour le changement d’horaire de la collecte des matières résiduelles, à l’aide notamment d’affiches éphémères toujours sur le mobilier urbain.
À l’époque, l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal justifiait cette pratique par l’absence de journal local (qui avait fermé ses portes) et le coût élevé d’une campagne publicitaire porte à porte. Aujourd’hui, on voit ce phénomène dans d’autres arrondissements, comme Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, qui a utilisé le mobilier urbain pour notamment des campagnes en lien avec la collecte de matières résiduelles, et plus récemment la promotion de ses programmes de Budget participatif.
Plusieurs arrondissements, comme Rosemont–La Petite-Patrie, autorisent également l’affichage temporaire sur le mobilier urbain pour la promotion de certains événements. Tout récemment, une campagne de la SDC de la Promenade Masson (sociofinancement) était visible dans le quartier Rosemont, alors que depuis le début de l’été on semble autoriser la promotion du marché estival Angus un peu partout dans le secteur du même nom, tout comme ces dernières années d’ailleurs. « Le conseil d’arrondissement peut notamment autoriser des enseignes publicitaires à l’occasion d’un événement, d’une fête, d’une manifestation, ou à des fins publique, culturelle, touristique et sociocommunautaire. Alors que les modules d’affichage libre sont toujours en cours d’installation sur le territoire, l’arrondissement fait actuellement preuve d’une certaine tolérance quant à la présence d’affichage lié à un événement ailleurs que sur les modules d’affichage actuels », a déclaré par courriel Judith Gratton Gervais, chargée de communication à l’arrondissement de RPP.
Finalement, soulignons que l’affichage est permis sur les palissades de chantier à Montréal (l’entreprise Publicité Sauvage en étant de loin le principal utilisateur) de même que l’affichage sur les lampadaires, feux de circulation et poteaux lors de campagnes électorales. Ces derniers risquent d’ailleurs d’être fortement convoités avec l’élection municipale d’octobre, mais aussi avec une fédérale qui semble imminente cet automne.