DÉCONTAMINATION ET DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL : LES ZONES D’INVESTISSEMENTS MAINTENANT CONNUES
À la suite de la Déclaration pour le redéveloppement de l’Est signée par Québec et Montréal, dont la première année d’existence sera d’ailleurs soulignée demain par la mairesse Valérie Plante et la ministre Chantal Rouleau, la Ville de Montréal dévoilait finalement en début de semaine sa vision préliminaire du développement industriel de l’Est de Montréal sur « un horizon de 2050 ». On connaît donc maintenant les zones géographiques où seront investis notamment les 200 M $ annoncés par Québec pour la décontamination et la mise en valeur de terrains contaminés à l’Est du boulevard Pie-IX.
Il s’agit du secteur Assomption Sud-Longue-Pointe, dont le plan directeur de développement est déjà ficelé depuis quelques mois, et surtout du nouveau territoire provisoirement appelé Secteur industriel de la Pointe-de-l’Île (SIPI), beaucoup plus vaste celui-là. Représentant plus de 30 km2 d’espaces à vocation économique et industrielle, le SIPI s’étend sur les arrondissements d’Anjou, de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles et sur la Ville de Montréal-Est. Il représente en fait le cœur industriel de l’Est de Montréal. À noter qu’il n’y a aucune zone résidentielle à l’intérieur du SIPI, quoique celui-ci en soit évidemment bordé.
Départ d’un immense chantier
Les premières consultations publiques pour le développement du SIPI ont donc été lancées lundi dernier à Anjou, et le lendemain à Montréal-Est, par le Service de développement économique de Montréal, et en présence des maires Luis Miranda (Anjou), Robert Coutu (Montréal-Est) et de la mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT, Caroline Bourgeois, également responsable des dossiers de l’Est au sein du Comité exécutif de la Ville de Montréal. Évidemment, comme le dossier du secteur Assomption Sud-Longue-Pointe est pratiquement défini, les discussions portent principalement sur le SIPI.
Plus d’une centaine de personnes issues du public et d’organismes locaux ont participé aux soirées, dont une bonne délégation provenait notamment du secteur de Mercier-Est. La Ville de Montréal y a présenté sa vision préliminaire du développement de ce territoire qui compte pas moins de 48 millions de pieds carrés de terrains vacants, soit le plus grand potentiel de développement en zone montréalaise pour les années à venir. Ces terrains contaminés par l’activité industrielle et pour la plupart dénués d’infrastructures de base (égouts, accès routiers, électricité, eau, etc.) sont actuellement inutilisables et freinent le développement de la région. En fait s’il y a beaucoup de pi2 « vacants » dans l’Est de Montréal, en réalité il y a très peu de grandes surfaces disponibles pour accueillir de nouvelles entreprises d’envergure, quoique la demande est extrêmement forte.
Ce qui est ressorti de ces présentations disons-le assez sommaires, c’est que la Ville de Montréal devra se pencher dans un premier temps sur les importants problèmes de transport qui congestionnent depuis très longtemps cette grande zone industrielle et qui affectent tous les quartiers avoisinants. C’est bien connu, cette partie de l’Est de Montréal est traversée par de grandes artères est-ouest très achalandées (Autoroute 40, Notre-Dame, Henri-Bourassa, Sherbrooke), et par très peu d’axes routiers nord-sud (Autoroute 25 principalement). Il s’agit également d’un secteur pauvrement desservi par le transport collectif.
L’implantation de zones vertes, de milieux de vie plus accueillants pour les travailleurs du secteur, un contrôle accru de la qualité de l’air, la volonté d’attirer des industries plus légères et innovantes et de créer un pôle de savoir pour les établissements d’éducation supérieure ont été les principaux éléments structurants de la vision de l’administration municipale présentée cette semaine, en plus des projets de mobilité.
Quant aux principales inquiétudes exprimées par les représentants du public, elles étaient fortement concentrées sur le problème du camionnage intensif dans le secteur (actuel et à venir), sur la qualité de l’air et sur le peu d’information disponible actuellement sur le type d’industries qui s’implanteront sur les terrains décontaminés et requalifiés. À noter que toutes les personnes intéressées ont encore jusqu’au 19 janvier prochain pour faire part de leurs opinions ou offrir leurs suggestions quant au développement du SIPI (via https://www.realisonsmtl.ca/sipi), et le dépôt du rapport de consultation devrait suivre à la fin janvier 2020.
« Je suis très satisfaite de la participation à la fois des citoyens et des organismes lors des deux soirées. Je crois que notre vision rejoint en général celle des gens et que nous sommes dans la bonne direction. Les préoccupations qui ont été exprimées sont aussi pour la plupart partagées par les intervenants dans le dossier et sont légitimes. Nous pourrons maintenant aller plus loin dans le développement du projet et un plan directeur plus complet devrait être présenté au printemps prochain », nous a déclaré Caroline Bourgeois à la fin de la deuxième rencontre citoyenne.
La mairesse de RDP-PAT a aussi insisté en entrevue pour affirmer que l’administration municipale « allait tout faire pour réduire au minimum les nuisances causées par le camionnage et pour trouver des solutions afin de diminuer les émanations polluantes et d’améliorer la qualité de l’air dans les prochaines années. » Pour elle, développement industriel ne rime plus avec des kilomètres de réservoirs gris et bruns : « On ne peut plus penser comme il y a 60 ans; est-ce que je vois des maisons là? Bien sûr que non. Est-ce que par contre on peut imaginer des espaces verts, des lieux agréables pour les travailleurs du secteur? Bien sûr que oui. Est-ce qu’on peut imaginer attirer des établissements d’enseignement supérieur qui vont s’établir en plein cœur de la zone industrielle pour travailler de pair avec certains créneaux de pointe? Pourquoi pas, c’est le temps de développer des pôles de ce genre, tout est sur la table actuellement, mais ce ne sera pas une concentration d’industries lourdes et de béton », avance la mairesse.
Autres secteurs industriels de l’Est
Ainsi, ce ne sera pas tout le territoire à l’Est du boulevard Pie-IX qui pourra bénéficier des 200 M $ injectés par le gouvernement Legault pour la décontamination des sols, mais bien deux zones maintenant définies.
Les secteurs industriels de Montréal-Nord ou Saint-Léonard, entre autres, sont exclus du programme. Toutefois, ces secteurs ont toujours accès au fonds de 75 M $ annoncés par le gouvernement libéral précédent pour la décontamination des sols sur l’ensemble du territoire montréalais. « L’Est de Montréal est très grand et bien sûr il fallait cibler où c’était le plus urgent et le plus rentable d’investir pour le moment les sommes allouées par Québec. Mais ça ne veut pas dire que l’on écarte les autres secteurs de l’Est. La ville-centre investit d’ailleurs étroitement avec l’arrondissement de Montréal-Nord et celui de Saint-Léonard pour des programmes de développement économiques locaux, sans compter que les sommes colossales investies dans le SRB Pie-IX et la ligne bleue du métro vont directement contribuer aussi au développement de ces deux arrondissements », a répondu Caroline Bourgeois.
Chose certaine, avec le développement qui s’annonce dans le secteur industriel de l’Est de Montréal, si on ne prend que le secteur du SIPI, c’est beaucoup plus que 200 M $ d’investissements publics qui devront être injectés dans les prochaines années. Car cette somme sera probablement à peine suffisante pour décontaminer les terrains qui seront ciblés, alors que les infrastructures de base coûteront beaucoup plus cher à mettre en place. Par contre, le train est en marche et ce sera maintenant difficile de l’arrêter. C’est du moins l’image que les trois paliers de gouvernements projettent actuellement, car justement les libéraux de Justin Trudeau ont promis de sauter dedans lors de la récente campagne électorale. Le train, évidemment.