La rue Ontario (Mélanie Dusseault)

COMMENT SONT CRÉÉES LES RUES PIÉTONNES?

Encore une fois cette année, la Ville de Montréal a annoncé une programmation bonifiée des rues piétonnes durant la période estivale. Pourtant, malgré cet engouement, le concept ne s’est pas encore vraiment enraciné dans l’est de la métropole, où seule la rue Ontario offre une artère commerciale piétonne dans le quartier Hochelaga. Pourquoi ne voit-on pas davantage de piétonnisation dans l’est?

En 2024, on comptera 11 rues piétonnes pendant l’été à Montréal. Comment en est-on arrivé là? Tout d’abord, il faut comprendre le processus de sélection de la Ville de Montréal pour le réaménagement des rues piétonnes. Pour bénéficier des fonds octroyés par la Ville à cet effet, les projets de piétonnisation doivent en premier lieu être soumis par les sociétés de développement commercial (SDC) locales. « Les arrondissements analysent les demandes reçues et transmettent leur proposition à la Ville de Montréal, qui a investi 12 M$ sur 3 ans dans le programme des rues piétonnes », nous explique-t-on aux relations médias de la Ville.

La Promenade Masson (Image tirée de la page Facebook de la SDC Promenade Masson)

Après avoir constaté une majorité de commerçants favorables aux projets déposés, les SDC peuvent ensuite travailler en collaboration avec leurs arrondissements respectifs pour mettre sur pied la piétonnisation.

C’est ce qui s’est produit durant les deux dernières années sur la Plaza St-Hubert. Après avoir proposé un projet à ses 400 membres, la direction de la SDC est allée en consultation, puis a proposé un vote en mars 2023. Selon une précédente entrevue de Radio-Canada avec Mike Parente, directeur général de la SDC St-Hubert, lors de ce vote, 60 membres étaient présents. De ceux-ci, 33 étaient pour la piétonnisation, 24 étaient contre et 3 se sont abstenus. À l’issue du vote, la SDC est allée de l’avant avec son mandat et a peaufiné ses plans de piétonnisation avec l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie (RPP) et les 1 200 mètres de la rue Saint-Hubert, entre les rues Bellechasse et Jean-Talon, seront pour la première fois piétons cette année, du 4 juillet au 25 août.

Mike Parente, directeur général de la SDC Plaza St-Hubert (Photo tirée de LinkedIn)

« On a senti qu’on était prêts à offrir une nouvelle expérience à la clientèle qui se rend sur la Plaza », souligne M. Parente en entrevue avec EST MÉDIA Montréal. Celui-ci indique qu’après deux ans de travaux de rénovation de l’artère, qui ont pris fin en décembre 2020, tout était en place pour permettre un projet de piétonnisation. En effet, les trottoirs élargis et les nouveaux aménagements faciliteront la création d’un espace réservé aux piétons cet été, croit-il.

Du côté de l’administration de RPP, on se dit « très enthousiastes à l’idée d’inaugurer le projet de piétonnisation estivale de la Plaza St-Hubert. C’est un projet travaillé en étroite collaboration entre la SDC de la Plaza et toute l’équipe de l’arrondissement. Mentionnons aussi le retour de la piétonnisation du Marché Jean-Talon, du début juin à la mi-octobre, qui est toujours très populaire auprès des nombreux visiteurs et des commerçants du marché », nous affirme-t-on dans un courriel envoyé par le cabinet de François Limoges, maire de RPP.

On se dit « ouverts à d’autres projets dans l’arrondissement » et on ressent « une réelle ferveur et un engouement de la population » pour les rues piétonnes, mais ce sont les SDC et ultimement leurs membres qui doivent prendre l’initiative de proposer des projets de piétonnisation à l’administration municipale pour que ceux-ci aillent de l’avant, rappelle-t-on au cabinet.

Bénéfique à tous?

Kheir Djaghri, directeur général de la SDC Promenade Masson (Courtoisie SDC Promenade Masson)

Un peu plus dans l’est de RPP, une autre rue commerçante rayonne dans le cœur du quartier : la Promenade Masson. Il s’agit d’une artère représentée par une SDC qui couvre un territoire d’un kilomètre, entre la rue d’Iberville et la 12e Avenue. Elle regroupe 140 membres. Si le secteur se prêterait possiblement à une piétonnisation selon Kheir Djaghri, directeur général de la SDC Promenade Masson, celui-ci n’est pas convaincu qu’elle serait bénéfique à tous ses membres.

« Nous avons demandé depuis deux ou trois ans d’avoir des données précises sur les retombées économiques de piétonnisation sur les commerces autres que les bars, restaurants, cafés et crèmeries. Malheureusement, ces données n’existent pas », indique le directeur général. Si les retombées des piétonnisations qui ont lieu un peu partout à Montréal sont clairement positives pour les tenanciers de bars et les restaurateurs, M. Djaghri craint toutefois que les commerçants au détail perdent au change lors d’une éventuelle piétonnisation. « On augmente les terrasses, il y a plus de places, il y a plus de tables, ça fonctionne très bien pour eux. Mais comment ça fonctionne pour une quincaillerie de laquelle on doit transporter de la peinture, par exemple? », s’interroge-t-il. Sans données concluantes à ce propos, la SDC Promenade Masson n’ira donc pas de l’avant avec un projet de piétonnisation dans un futur prochain.

Le directeur général dit avoir été approché par l’arrondissement de RPP l’an dernier pour mettre sur pied un projet de piétonnisation, mais selon ses estimations, la moitié de ses membres commerçants demeurent « réticents ou même très réfractaires » à l’idée.

Fait à noter, la SDC propose depuis plusieurs années une foire commerciale, durant laquelle la rue est piétonne entre les 1re et 12e Avenue. L’événement, qui aura à nouveau lieu cette année du 14 au 16 juin, « fonctionne très bien » et a fait ses preuves auprès des commerçants, termine M. Djaghri.