Jean-François Fortin-Verreault, pdg du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (Courtoisie)

LE CIUSSS DE L’EST EN VOIE DE RATTRAPER SON « RETARD HISTORIQUE »

C’est du moins ce qu’avance son président-directeur général (PDG), Jean-François Fortin-Verreault, avec qui nous avons discuté la semaine dernière dans le cadre du présent dossier spécial EST EN DÉVELOPPEMENT 2023, question de faire le point sur les grands enjeux du réseau de la santé sur le territoire.

D’emblée, le PDG du CIUSSS reconnait que l’est de Montréal a fait figure de parent pauvre dans la grande région métropolitaine ces dernières décennies du côté des services de santé. « L’est a toujours eu un peu moins de points de services que le reste du territoire. Alors que nous desservons environ 27 % de la population montréalaise, notre réseau dispose de seulement 17 % des lits. De plus, les données démographiques démontrent que la population de l’est est aussi moins avantagée financièrement, plus malade, et elle est socialement défavorisée. On voit donc l’équation de base ici, l’iniquité flagrante. Et cette réalité-là touche toute la communauté de l’est : les jeunes, les adultes et les ainés », affirme-t-il.

La priorité de Jean-François Fortin-Verreault depuis son arrivée à la tête du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal en décembre 2021 a donc toujours été de combler cet écart, selon ses propres aveux. Par l’amélioration des infrastructures bien sûr (nous y reviendrons), mais aussi par l’organisation des services sur le terrain. « Le constat était clair : on devait corriger la qualité de l’accès aux soins, s’assurer de l’augmenter », dit-il. Et les efforts ont porté fruit, semble-t-il. Les chiffres s’améliorent grâce à l’ajout de personnel dans la plupart des services (sauf du côté des infirmières), de quelques innovations (ex. : microsite de méthodes d’autosoins pour des clientèles ciblées), d’une certaine réorganisation du travail et aussi grâce à des améliorations du côté des infrastructures. « Par exemple, l’an dernier, nous avons atteint le plateau de plus de 20 000 personnes opérées. Près de 25 000 autres ont reçu des soins à domicile, soit environ 1 personne sur 20 dans l’est. Nous avons aussi haussé de beaucoup notre niveau de service en périnatalité avec la nouvelle Maison des naissances, de même que les opérations en ophtalmologie grâce à de nouvelles salles d’opération que nous avons installées dans le secteur Angus, à Rosemont. Tout cela pour dire que notre niveau de service a augmenté dans toutes les sphères du réseau. Par contre, il faut dire qu’en parallèle, la demande ne cesse de croître », soutient M. Fortin-Verreault.

Est-ce que la hausse du niveau de service est comparable aux autres CIUSSS du réseau? « Dans la plupart des programmes de soins, nous sommes parmi les CIUSSS qui se sont le plus améliorés au Québec. Même chose pour la liste d’attente en chirurgie », ajoute le gestionnaire.

Alors que la pénurie de main-d’œuvre semble toucher sévèrement le milieu de la santé en général, comme bien d’autres secteurs d’activités, comment le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal arrive-t-il à augmenter ses effectifs? « Soyons clairs, nous n’avons jamais eu de problème de recrutement au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. L’enjeu, c’est la rétention, spécifiquement pour les infirmières, car le premier facteur de départ, c’est la pression clinique, et le deuxième, ce sont les horaires de travail. Nous essayons d’améliorer ces deux aspects là pour atteindre un équilibre, mais c’est vraiment pas simple. Alors que la population a besoin de services, nous, on manque d’infirmières. La situation s’améliore, mais c’est très précaire, surtout pour les quarts de soir, de nuit et les week-ends. Pour le reste du personnel, ça va plutôt bien », explique Jean-François Fortin-Verreault.

Quant aux travaux au tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, selon le PDG du CIUSSS, ces derniers n’auraient jusqu’à maintenant pas généré tellement de démissions. Mais on remarquerait une baisse notoire de nouveaux employés habitant la Montérégie, alors que le CIUSSS recrute historiquement assez facilement sur ce territoire.

Des milliards en infrastructures

Au-delà du fameux dossier de reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) qui fait toujours les manchettes, il se passe beaucoup de choses en termes d’infrastructures actuellement dans le réseau de la santé de l’est.

À l’Hôpital Santa Cabrini notamment, les travaux ont débuté pour l’ajout de deux nouvelles salles d’opération qui seront dotées des dernières technologies. On parle ici d’unités ultra-modernes qui seront spécialisées en orthopédie ainsi qu’en chirurgie bariatrique. Leur mise en service devrait avoir lieu d’ici deux ans.

La première pelletée de terre a aussi été faite ces derniers jours pour la reconstruction complète du CHSLD Jeanne-Le Ber, un des plus grands au Québec, qui est situé sur le site de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. « Un des premiers projets depuis très longtemps dont les offres déposées sont entrées en deçà du budget établi », rappelle Jean-François Fortin-Verreault. Un deuxième CHLSD, celui-là construit à neuf, sera érigé bientôt au coin des rues Sherbrooke et Dickson. Pour ces trois projets, incluant les salles d’opération à Santa Cabrini, on parle d’un budget avoisinant les 650 M $.

« En parallèle à de grands chantiers comme les précédents et HMR, le CIUSSS a toujours de nombreux projets d’infrastructures de toute taille. On peut parler ici des salles d’opération que nous avons installées sur le site de la Société de développement Angus; de l’unité des soins palliatifs de Maisonneuve-Rosemont qui va déménager bientôt au CHSLD Saint-Michel, du projet Aire ouverte présentement en service au Centre Roussin dans RDP-PAT et dont l’ouverture officielle se fera dans les prochaines semaines et aussi de la Maison alternative (voir un reportage d’EMM à ce sujet), qui accueillera très bientôt ses premiers résidents à Rivière-des-Prairies, en collaboration avec le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal », avance M. Fortin-Verreault. À noter que le projet Aire ouverte offre différents services adaptés à la réalité des jeunes de 12 à 25 ans, dans un environnement physique conçu par et pour eux. C’est possible d’y obtenir, notamment, des services en santé mentale ou physique, ainsi que des conseils pour les études, le travail, le logement ou des renseignements sur l’aide financière et juridique, par exemple.

Évidemment, LE grand chantier pour le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal demeure toutefois HMR. La dernière annonce du ministre Christian Dubé, le 11 septembre, semble cette fois être la bonne, même s’il n’a pas voulu s’avancer sur le budget total du projet. « Je dirais qu’on vient de terminer la phase politique du projet. Maintenant, on entre vraiment dans la période de planification pour partir les travaux. Nous savons que nous allons avoir 720 lits, nous savons également que nous allons conserver et intégrer au futur hôpital l’urgence actuelle, le bâtiment de la dialyse, le centre ambulatoire et la radio-oncologie, qui sont tous des bâtiments récents et de qualité », affirme le PDG.

L’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Emmanuel Delacour / EMM)

Le CIUSSS profitera ainsi des prochaines semaines pour recruter les firmes de professionnels qui participeront à la conception des plans et devis du futur hôpital afin d’aller, dans un peu moins de deux ans, si tout va bien, en appel d’offres pour la construction du projet. Des soumissions ont par ailleurs déjà été reçues pour la construction d’un stationnement étagé qui devrait être complété avant le début des travaux du nouvel hôpital. « On espère mettre à la disposition des visiteurs et du personnel autant de places de stationnement qu’il y en a actuellement pendant les travaux. Comme le nouvel hôpital sera construit sur une bonne partie du stationnement actuel, il fallait une alternative et nous avons opté pour un stationnement étagé, dont la construction débutera bientôt », nous dit Jean-François Fortin-Verreault.

Selon le PDG, il ne devrait pas y avoir une baisse marquée de services pendant la construction du nouvel hôpital. La direction du CIUSSS en serait déjà à étudier différentes options pour transférer certains soins vers d’autres établissements du réseau dans l’est, mais affirme qu’elle ne devrait pas avoir besoin de faire appel à des installations en dehors de l’est de Montréal lors des travaux.

Vers une zone d’innovation très spécialisée

On en sait maintenant davantage sur les visées du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, de l’Institut de cardiologie de Montréal et de la Société de développement Angus, les partenaires ayant déposé un projet de Zone d’innovation au gouvernement Legault.

« Ce que nous avons déposé est un projet de Zone d’innovation en santé personnalisée qui inclut deux grandes thématiques : la thérapie cellulaire et la pharmacogénomique. À maturité, on souhaite créer une pharma québécoise à partir des chercheurs que nous avons ici. On a tous les éléments qui s’alignent pour réussir, de la recherche fondamentale à la commercialisation », indique le haut gestionnaire.

En termes communs, le CIUSSS se positionne pour produire des médicaments « personnalisés », conçus et fabriqués « cas par cas, patient par patient », une formule d’avenir, mais qui est déjà en ébullition un peu partout sur la scène internationale. Il faut donc prendre sa place rapidement, selon les experts.

« Nous avons toujours misé sur ce en quoi nous excellons et dans quel secteur on veut et on peut compétitionner à l’échelle internationale. Et surtout, un secteur d’activités dans lequel nous possédons l’ensemble de la chaîne : la recherche fondamentale; la recherche clinique; la commercialisation; et les entreprises associées qui font déjà des ventes. Nous avons tout ça pour la thérapie cellulaire et la pharmacogénomique », conclut Jean-François Fortin-Verreault.


Ce dossier spécial EST EN DÉVELOPPEMENT 2023 est rendu possible grâce à la contribution financière des partenaires suivants :