Plan en 3D du secteur Assomption-Sud tiré du site internet de l’OCPM.

LA CITÉ DE LA LOGISTIQUE TRANSFORMÉE EN ÉCOPARC INDUSTRIEL

Le 12 mars, lors du lancement d’une consultation publique, la Ville de Montréal a dévoilé ses intentions concernant l’ancien projet de Cité de la logistique, soutenue par l’ex-maire de l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, lequel fut défait aux élections de l’automne 2017.

Ce secteur industriel est délimité par les rues Notre-Dame et Hochelaga (au sud et au nord conventionnels), par Viauville à l’ouest et par l’autoroute 25 à l’est. Son plus grand occupant est la Garnison Longue-Pointe, des Forces canadiennes, qui observe pacifiquement les lentes transformations de son entourage.

Autant l’ex-maire Ménard s’était personnellement associé à ce projet controversé de transport intermodal des marchandises (la logistique) vers le Port de Montréal, notamment lors de trois consultations locales tenues en 2017, autant l’opposition citoyenne s’était organisée et amplifiée. Un groupe nommé Mobilisation 5000, puis Mobilisation 6600, a exigé la tenue d’une véritable consultation neutre et indépendante, menée par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).

Devant les trois commissaires de l’OCPM, cinq fonctionnaires ont présenté la vision de la Ville. (Photo Denis F Côté)

Nouvelle administration, projet similaire

Selon la brève présentation publique du 12 mars, de 25 minutes, de même que par l’exposition qui la précédait, la nouvelle administration de Projet Montréal semble s’être ralliée aux principales ambitions en gestation depuis longtemps, soit de prolonger le boulevard L’Assomption jusqu’à la rue Notre-Dame, de raccorder celui-ci à l’autoroute Souligny, puis de faciliter l’accès des camions au Port de Montréal par la construction d’un viaduc au-dessus de la rue Notre-Dame.

Le nouveau nom du secteur étudié, Écoparc Industriel de la Grande Prairie, insiste sur les intentions écologiques de la Ville et de la plupart des entreprises ou partenaires qui s’y installeront. Chaque construction devra inclure des portions végétales et respecter une architecture harmonieuse. Même les occupants actuels seront invités, sur une base volontaire, à rafraîchir leurs propriétés. Un ou plusieurs corridors verts seront aménagés, ont d’ailleurs fait miroiter les fonctionnaires municipaux, sans toutefois être en mesure de détailler davantage.

Lors du dévoilement de la vision municipale, les quatre élus locaux de Projet Montréal, soit le maire de MHM, Pierre Lessard-Blais, et les conseillers Laurence Lavigne Lalonde, Suzie Miron et Éric Alan Caldwell, bien que présents, se sont signalés par leur discrétion. Aucun politicien n’a pris la parole publiquement, laissant les employés municipaux présenter les projets. Ce scénario fut efficace car il devenait moins facile, pour les nombreux citoyens perplexes ou opposés, de s’adresser directement aux élus qui ont ainsi évité certainement quelques questions embêtantes.

Selon le document de 60 pages disponible sur le site de l’OCPM, l’Écoparc Industriel de la Grande Prairie serait verdoyant.

Absence de Ray-Mont Logistique

L’arrivant le plus imposant et le plus controversé de cet Écoparc Industriel est certes l’entreprise Ray-Mont Logistique, qui souhaite y déménager et même tripler son terminal intermodal présentement situé à Pointe-Saint-Charles, dans l’arrondissement Le Sud-Ouest.

Étant ciblé par des opposants qui appréhendent ce gigantesque terminal près de chez eux, Ray-Mont Logistique est l’objet de nouvelles règlementations municipales qui contrecarrent ses plans, principalement sur l’entreposage extérieur de conteneurs. La Ville et la compagnie rivalisent d’ailleurs en cour à ce sujet. La municipalité a perdu en première instance, mais a porté la cause en appel.

Par respect du processus judiciaire, Charles Raymond, président de Ray-Mont Logistique, ne participe pas aux travaux de la consultation, ni comme exposant, ni comme témoin. Il s’en est excusé par une lettre envoyée à l’OCPM. « Sachez que nous avions la vision et l’ambition d’offrir à Montréal un projet novateur, s’inspirant des meilleures pratiques au monde comme modèle de cohabitation entre l’industriel et des secteurs résidentiels », avance-t-il dans sa lettre. L’entreprise est spécialisée dans le transbordement de céréales et de légumineuses.

Portion de l’actuel terminal de Ray-Mont Logistique à Pointe Saint-Charles. L’entreprise aimerait faire mieux dans Assomption-Sud. (Photo Denis F Côté)

Poste d’Hydro-Québec et garage de la STM

Depuis peu, deux importants projets publics se sont insérés dans le secteur étudié, soit un poste de transformateurs d’Hydro-Québec et un garage de 250 autobus pour la Société de transport de Montréal (STM). Bien qu’occupant deux des rares grands terrains encore disponibles, ces installations d’envergure n’ont aucun rapport avec le Port de Montréal, principal bénéficiaire des investissements routiers envisagés.

Le nouveau poste électrique sera situé sur la rue Hochelaga, entre l’immense complexe multifonctionnel Le 5600 et la voie ferrée du Canadien National. Il renforcera les capacités des postes Longue-Pointe et Jeanne d’Arc, datant des années 1950, afin de desservir la clientèle résidentielle et industrielle croissante de l’est de Montréal. Des câbles souterrains de 315 kV l’alimenteront depuis le poste Notre-Dame, afin d’abaisser le courant pour le réseau local de 25 kV. Une fois en service, le Poste Hochelaga sera entièrement automatisé.

Plus imposant et plus bruyant sera le nouveau garage d’autobus de la STM, que l’on souhaite construire au coin sud-est de Dickson et Souligny. Il accueillerait 250 autobus, d’abord au diesel, mais éventuellement tous électriques. Le processus d’expropriation du terrain est en cours, car il n’y a pas eu d’entente sur sa vente. Au kiosque de la STM, nous avons demandé si ce garage pouvait être partiellement enfoui sous terre, comme au garage Bellechasse actuellement en construction. « Oui, c’est l’un des trois modèles que nous envisageons », a admis la directrice d’études Julie Cormier. Dans Rosemont, la STM a refait les plans de son garage, par suite des pressions du voisinage. Nommé Centre de transport de l’Est, le nouveau garage serait aménagé au-delà des normes environnementales exigées en intégrant des espaces verts. Il vise une certification LEED v4 Or.

Le concept du Centre de transport Bellechasse a été repensé, par suite des préoccupations du voisinage. (Image STM)

Déception des environnementalistes

Les écologistes sont déçus que la Ville ne prévoit pas davantage d’espaces verts dans ce secteur, alors que de grands terrains négligés auraient pu être reconvertis en parcs. Durant la consultation, le Conseil régional en environnement (CRE) de Montréal pointera une série d’endroits où il serait possible d’étendre ou d’aménager de la végétation. Le CRE-Montréal se distingue par son programme ILEAU, pour Interventions locales en environnement et aménagement urbain. ILEAU encourage la biodiversité, le verdissement, le transport actif et collectif, de même que les pratiques durables.

Pour sa part, Sauvons le ruisseau Molson, mené par l’inépuisable militant François Plourde, propose la revitalisation de l’ancien ruisseau Molson, par l’aménagement d’un corridor vert reliant éventuellement la rue Notre-Dame à la rivière des Prairies.

Durant le régime français, l’ancien ruisseau Molson se nommait ruisseau de la Grande Prairie, d’où le nom de l’Écoparc. Lors de la période de questions du 12 mars, un citoyen a demandé pourquoi ce nom avait été retenu, alors que l’ancien ruisseau n’est pas mis en valeur. « Nous pensons plutôt à la prairie autour de l’ancien ruisseau. Nous commémorons l’espace naturel original, en recréant le plus d’espaces verts possible », a défendu un dirigeant municipal.

Des organismes communautaires représentant les résidents du voisinage ont présenté leurs préoccupations lors de l’exposition de trois heures, regroupant 22 kiosques, juste avant l’exposé de la Ville. Deux quartiers résidentiels sont enclavés dans l’Écoparc étudié, soit Guibourg et Haig-Beauclerk.

Selon Raymond Moquin, du Collectif en environnement de Mercier-Est, les intentions municipales sont claires sur les choses qui avantagent le camionnage, mais sont lointaines et obscures quant au verdissement, à la réduction du bruit et au transport collectif.

Raymond Moquin, du Collectif en environnement de Mercier-Est, n’est pas impressionné par les priorités du projet d’Écoparc. (Photo Denis F Côté)

En réponse, les hauts fonctionnaires municipaux ont expliqué que le bruit des camions et les gaz à effet de serre seront abaissés, du fait que les camions, souvent avec conteneurs, pourront rouler avec moins d’arrêts, à une basse vitesse constante. Pour leur part, les représentants du Port de Montréal n’ont pas caché que le volume de conteneurs en transit atteint des records et qu’il augmenterait jusqu’en 2023 environ, alors que les terminaux seront à pleine capacité.

Achat de terrains en vue

Questionné par Est Média Montréal sur les améliorations des propositions actuelles par rapport à l’ancien projet de Cité de la logistique, le maire de MHM Pierre Lessard-Blais a d’abord signalé que la population a maintenant droit à une réelle consultation publique indépendante, axée sur des propositions bien étoffées, ce qui n’était pas le cas sous l’administration précédente.

Lors de l’exposition, le maire Pierre Lessard-Blais (à droite) pose en compagnie de Mathieu Charbonneau et ses collègues de CargoM, qui rassemble les acteurs intermodaux de la région de Montréal. (Photo Denis F Côté)

En plus de faire valoir les exigences environnementales de la Ville auprès des entreprises qui font et feront affaires dans l’Écoparc, le maire Lessard-Blais rappelle que Montréal s’est doté d’un imposant budget pour acquérir des terrains, afin d’accroître le couvert végétal et les plantations. La municipalité s’est aussi dotée du pouvoir d’égaler le prix de certains terrains convoités, en cas de transactions. M. Lessard-Blais n’a pas voulu s’étendre sur ce sujet afin d’éviter les spéculations.

Compte tenu des projets en cours, les grands terrains disponibles deviennent de plus en plus rares dans l’arrondissement. Le Collège de Maisonneuve, exposant lors de la consultation, a présenté son projet de Hall pré-commercial industriel, qui deviendrait un centre d’innovation en technologie propre et en développement durable, au service de la recherche et de l’industrie. Il se cherche un grand terrain.

Zone ouest de l’Écoparc, où le plus de travaux sont envisagés. (Image OCPM, notes ajoutées par Est Média Montréal).

Sports et pistes cyclables

Tel que rapporté en primeur sur notre site web, la multinationale française Décathlon, spécialisée dans les articles de sports, aménage son centre de distribution canadien dans la moitié avant de l’ancien manufacturier Mabe, autrefois General Electric, au coin nord-est de Dickson et Notre-Dame. L’entrepôt sera opérationnel dès cet été. Néanmoins, l’ancien vaste stationnement de Mabe demeure toujours à vendre.

Les cyclistes seront ravis d’apprendre que la piste Souligny rejoindra éventuellement Viauville en longeant la prolongation de l’autoroute Souligny. Une autre piste cyclable serait aménagée près du boulevard L’Assomption, pour joindre celle longeant la rue Notre-Dame. Cette dernière, reconnue pour être plutôt hasardeuse et poussiéreuse, serait entièrement repensée lors de la construction d’une ligne de tramway.

La piste cyclable Souligny, qui se termine actuellement près de la rue Dickson, serait prolongée jusqu’à Viauville. (Photo Denis F Côté)

Axe de transport collectif structurant

Les représentants de la STM et de la Ville de Montréal étaient bien prudents face aux questions sur l’éventuelle ligne de tramway, longeant la rue Notre-Dame, telle que promise par le nouveau gouvernement provincial de François Legault. La ministre de la Métropole et ex-mairesse de Rivière-des-Prairies – Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, en avait fait sa principale promesse électorale.

Cette ligne, dite « axe de transport collectif structurant », est clairement illustrée sur la rue Notre-Dame, dans une carte du document de consultation. En revanche, chaque intervenant semble marcher sur des œufs, car le projet est actuellement à l’étude à l’Autorité régionale de transport métropolitain, laquelle détient justement l’autorité à ce sujet.

Participation à la consultation

Les citoyens, entreprises et organismes concernés sont invités à participer aux actuels travaux de l’Office de consultation publique de Montréal. Il est possible de répondre à un questionnaire en ligne, d’envoyer un mémoire ou un simple courriel, et même de comparaître publiquement devant les trois commissaires. Que vous soyez une multinationale ou un adolescent, vous aurez droit à dix minutes, suivies d’une période de questions des commissaires.

Les séances d’audition des opinions débuteront le 23 avril à 19h, au Plaza Antique, 6086, Sherbrooke Est, Métro Cadillac. Renseignements à l’OCPM, sur http://ocpm.qc.ca/fr/assomption-sud-longue-pointe. On y trouve notamment le document d’information de la Ville de Montréal, de 60 pages, illustré de nombreuses photos et cartes géographiques.

Les commissaires Isabelle Beaulieu (présidente), Bruneau-Serge Boucher et David Hanna déposeront leur rapport dès cet été. Leurs recommandations ne sont toutefois pas contraignantes, ce qui veut dire que la Ville peut en prendre, et en laisser.