Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles, ministre déléguée aux Transports et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal (photo : courtoisie).

UNE MINISTRE EN CONFINEMENT… ET DE TOUS LES DOSSIERS

La population québécoise est en grande partie en pause depuis maintenant près de deux mois, en dehors des services essentiels. Mais du côté des élu.es, qui font bien sûr partie du dernier groupe, c’est tout le contraire, même si leurs apparitions publiques se font évidemment rares en dehors des réseaux sociaux. Alors, à quoi ressemble la vie d’une ministre en temps de confinement? Nous avons posé la question hier à Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles, ministre déléguée aux Transports et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, que le chef de l’opposition, Pierre Arcand, a qualifié de discrète ces derniers temps. En bref, son agenda demeure aussi long que son titre semble-t-il, même si son quartier général alterne physiquement depuis le début de la crise entre le bureau à domicile, le salon et parfois la cuisine…

La santé des gens, avant tout

« La priorité numéro un en ce moment est bien entendu d’atténuer le plus possible les impacts de la pandémie. Tout l’appareil gouvernemental y travaille sans arrêt. Comme on en apprend chaque jour à propos du coronavirus, nous devons ajuster constamment nos actions sur le terrain. Cela demande une coordination et un travail d’équipe immense, exceptionnel », affirme Chantal Rouleau. À ce chapitre, cette dernière souligne d’emblée le branle-bas de combat dans les CHSLD. « On l’a vu, c’est loin d’être évident de gérer la situation quand le virus réussit à entrer dans ces établissements, de trouver les bonnes solutions, mais là on voit que tous les efforts commencent à porter fruit et que l’on reprend le contrôle, nous allons y arriver », dit-elle.

Des exemples de comités, de groupes de travail, et d’initiatives gouvernementales ou communautaires reliés à la crise actuelle, et dans lesquels la ministre s’active en ce moment, Chantal Rouleau nous en énumérera plus d’une douzaine spontanément. Entre autres, c’est elle qui coordonne l’importante rencontre hebdomadaire (virtuelle bien sûr) de tous les élu.es de tous les paliers de gouvernement sur le territoire montréalais, regroupant plus d’une centaine de participants, incluant des spécialistes de différents milieux stratégiques dont évidement de la santé publique. « C’est une rencontre vraiment très importante car c’est à cette occasion que l’on peut faire ensemble l’état de la situation sur le terrain d’une zone à l’autre de Montréal, discuter des problématiques, des enjeux, des urgences, et de voir où on s’en va avec tout cela », dit-elle.

C’est aussi Chantal Rouleau qui coordonne les efforts concertés des CIUSSS et des arrondissements dans les zones chaudes de l’Est de Montréal, du moins en ce qui concerne les mesures spéciales annoncées la semaine dernière dans les territoires de Rivière-des-Prairies, Saint-Michel et Montréal-Nord. Alors que d’un point de vue extérieur on pourrait croire que ces mesures sont déployées indépendamment par chacune des administrations municipales locales, une réflexion commune des principaux acteurs locaux, même si les allégeances politiques divergent, serait à l’origine des plans mis de l’avant dans les différents quartiers ces derniers jours. « Le comité que je coordonne implique principalement les PDG des deux CIUSSS présents dans l’Est de Montréal et les mairesses des arrondissements de Montréal-Nord, Villeray−Saint-Michel−Parc-Extension et Rivière-des-Prairies−Pointe-aux-Trembles. L’objectif est d’établir une collaboration opérationnelle sur le territoire et d’unir les capacités de faire de la santé publique avec celles des arrondissements, tant sur le plan des ressources humaines que des équipements disponibles », soutient la ministre.

C’est de cette concertation que s’est finalement, entre autres, organisée la clinique mobile de dépistage qui se trouve à Saint-Michel en ce moment et qui se dirigera dans les prochains jours vers Rivière-des-Prairies, tout comme les campagnes de communication soutenues et en différentes langues qui sont déployées spécialement dans les zones chaudes pour promouvoir les consignes sanitaires à appliquer. Selon Mme Rouleau, la collaboration entre les arrondissements et les CIUSSS serait particulièrement importante afin de bien cibler les secteurs plus problématiques, et surtout rejoindre les résidents efficacement « car il y a encore des gens qui, probablement à cause d’une barrière linguistique, semblent mal informés et comprennent difficilement le message actuellement. C’est assez simple, il faut se laver les mains souvent et respecter la distanciation sociale, c’est ça qu’il faut répéter et répéter, dans toutes les langues s’il le faut, il n’y a pas d’autre remède en ce moment, en fait il n’y a pas encore de remède, point, donc il faut se protéger et protéger les autres », ajoute-t-elle.

Est-ce que les efforts supplémentaires des derniers jours sont suffisants dans l’Est de Montréal? « Je crois que ce sont les meilleures mesures que l’on peut mettre en place, de ce que l’on connaît actuellement du virus et en fonction des ressources disponibles. Comme je disais, il faut s’ajuster jour après jour avec le Covid-19 et c’est ce que nous faisons actuellement dans l’Est de Montréal », soutient Chantal Rouleau. Elle ajoute que la crise amène des collaborations entre paliers gouvernementaux qui n’étaient pas naturelles avant, ne serait-ce que pour de la gestion d’équipements : « Par exemple, avec la clinique de dépistage mobile, on a besoin de délimiter les sites, faire des corridors, et les arrondissements sont carrément en manque de barrières et de clôtures temporaires en ce moment. On regarde donc si du côté des mes ministères ou autres ministères on ne pourrait pas en fournir. Ça c’est le quotidien du comité dans l’Est en ce moment, on doit se débrouiller et s’entraider à tous les niveaux. »

La ministre dans son environnement de travail à la maison, en mars dernier (photo : courtoisie).

Il y a aussi le milieu communautaire qui occupe particulièrement la ministre et son équipe depuis les mesures de confinement. D’ailleurs, soulignons qu’aucun employé de son cabinet et de son bureau de circonscription n’a été mis à pied temporairement malgré les circonstances. « Ils sont tous au boulot, à partir de la maison, et je pense qu’ils travaillent pour la plupart plus que jamais », affirme Mme Rouleau. La députée de Pointe-aux-Trembles soutient qu’elle reçoit particulièrement beaucoup de demandes d’aide depuis le début de la crise de la part d’organismes de tous horizons. « Des membres de mon équipe et moi-même discutons très souvent ces jours-ci avec des dirigeants d’organisations de l’Est de Montréal qui vivent actuellement des difficultés ou qui ont des besoins particuliers. On regarde ce que l’on peut faire, parfois c’est de trouver un peu d’argent, parfois ce sont des besoins liés à une certaine logistique, parfois ils ont besoin plutôt d’être redirigés vers les bonnes ressources, etc. Beaucoup d’appels proviennent par ailleurs d’organismes dans le secteur alimentaire », explique Chantal Rouleau. Dans le même ordre d’idée, la ministre ajoutera qu’elle est particulièrement touchée par ses employés qui font des appels chaque jour depuis le début du confinement auprès de personnes seules et particulièrement vulnérables de la Pointe-de-l’Île, souvent des personnes âgées, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas en détresse.

Avancer, différemment

Si toutes les activités gouvernementales sont en ce moment plus ou moins empreintes du filigrane de la Covid-19, il n’en demeure pas moins que la vie doit continuer, même si, selon les dires de la ministre, on est plutôt loin du « business as usual ». Pour Chantal Rouleau, le quotidien se traduit par un nombre incalculable d’appels et de vidéoconférences, et de nouvelles technologies qu’il faut apprivoiser, et qui pour l’instant apportent encore leurs lots de situations loufoques. « Ah oui, on en voit des bonnes depuis quelques semaines (rires). Avec des vidéoconférences de 20, 40, 100 personnes, on se fait mettre parfois en attente involontairement par quelqu’un dans le groupe… il y a de la musique qui part ici et là, ou quelqu’un parle au téléphone en pensant que les autres n’entendent rien… il faut s’attendre à tout! », affirme-t-elle. Encore plus cocasse, c’est que lors de l’entrevue, nous entendions pendant un certain temps très distinctement son chien japper, lui qui semblait bien excité par un événement… Écureuil? Chat? Facteur? Mystère.

Ainsi, les dossiers avancent, mais les rencontres se font par la force des choses virtuellement. Conseils des ministres, comités interministériels, rencontres statutaires avec les sous-ministres, tout se fait généralement ces jours-ci en vidéoconférence. Idem pour les comités de relance mis sur pied récemment par le gouvernement Legault. « Compte tenu que mon rôle aux Transports et à la région de Montréal est transversal dans la plupart des dossiers économiques, je siège actuellement sur tous les chantiers de relance, ce qui prend aussi beaucoup de place dans l’agenda », nous dit Mme Rouleau. Parmi ces chantiers, les plans de revitalisation de l’Est de Montréal occuperaient une place de choix affirme la ministre. « Les comités de travail concernant les grands dossiers de l’Est de Montréal, entre autres le transport sous toutes ses formes et la décontamination des sols, pour ne nommer que ceux-là, ont continué leurs activités ces deux derniers mois et des annonces seront faites bientôt au sujet du développement du territoire. J’y travaille personnellement tous les jours malgré les circonstances et cela demeure mon objectif principal, outre celui de la santé publique », affirme Chantal Rouleau.

La vie virtuelle de la députée de Pointe-aux-Trembles devrait toutefois s’atténuer dès la semaine prochaine si la relance des travaux parlementaires se met en branle comme prévu. Questionnée sur le fonctionnement éventuel de la machine gouvernementale à Québec, la ministre avait très peu d’information à nous donner pour l’instant. « Comment ça va se passer, est-ce que mon équipe va suivre physiquement, je ne le sais pas encore. Comme la plupart des gens actuellement, on s’adapte au jour le jour, et il faut être résilient. On est pas mal résilient au Québec, je découvre cela ces jours-ci (rires) », dit-elle.

Personne dans l’entourage immédiat de Chantal Rouleau n’a heureusement été atteint jusqu’à maintenant par la Covid-19, affirme la principale intéressée. Cependant, comme beaucoup de gens, elle est touchée indirectement par la situation qui prévaut notamment dans les CHSLD et les maisons de retraite. « Ma mère est en ressources intermédiaires en ce moment et le confinement est difficile, c’est certain. C’est difficile pour elle et pour la famille. Ce qui est important, je crois, c’est de garder le contact avec nos personnes âgées pour ne pas qu’elles se sentent seules. On ne peut pas se voir, on ne peut pas se toucher, mais on peut se parler », soutient-elle.