(Archives EMM)

LE DÉFI QUOTIDIEN DU FINANCEMENT DANS LE COMMUNAUTAIRE

Trouver du financement pour un organisme communautaire s’avère la plupart du temps une tâche ardue. Dans Rivière-des-Prairies (RDP), c’est une lutte permanente que mène la Corporation de développement communautaire (CDC) qui s’acharne à soutenir ses membres dans la recherche de ressources financières et la poursuite de leur mission.

« Je vous dirais que notre plus grand défi est que nous n’avons pas vraiment de subventions récurrentes. Il faut donc que nous soyons à la recherche constante de programmes ponctuels. On aimerait que cela soit davantage des appels à la mission. Souvent, quand il y a des projets disponibles, c’est pour offrir un nouveau service. Évidemment, il y a toujours de nouveaux besoins qui surviennent, mais le plus important est de répondre à notre mission de base », indique Isabel Louis-Seize, coordonnatrice à l’Art-Rivé.

Cet organisme, qui intervient en réinsertion sociale d’adultes qui rencontrent des problèmes de santé mentale à RDP, reçoit des subventions de la part du gouvernement fédéral, provincial et de la Ville de Montréal. La part la plus importante de son financement est issue du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC), octroyé pas le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal à hauteur de 262 040$ pour l’exercice financier terminé en mars 2023. Il a aussi perçu 12 500$ du fonds discrétionnaire du ministre de la Santé et des Services sociaux, et 17 817$ dans le cadre du programme Emploi été du gouvernement du Canada.

Des fondations comme Bell Cause pour la cause ou la Fondation Jacques-Francoeur ont apporté des milliers de dollars pour soutenir l’Art-Rivé, tout comme des dons privés, des campagnes de financement ou des événements comme des soirées de bingo.

58 ministères et organismes de subventions aident au Québec à garnir les coffres du milieu communautaire, selon les informations communiquées par la Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC), regroupement qui rassemble les 69 CDC de la province incluant, la CDC RDP.

Cette multitude de sources de financement peut de prime abord sembler une panacée pour un OBNL, toujours en quête de fonds. Mais il s’agit d’un couteau à double tranchant, car plus les programmes et appels à projets sont nombreux, plus la paperasse s’accumule. La recherche de subventions implique généralement une reddition de comptes pour les organismes communautaires.

« Désormais, autant au gouvernement qu’avec Centraide ou d’autres intervenants, nous cherchons beaucoup à quantifier, à donner des chiffres, à remplir des indicateurs et démontrer une certaine efficacité dans l’apport de l’organisme dans la communauté. Cela est de plus en plus difficile, parce que ce sont des données qu’il faut corriger tout au long d’un projet. C’est important la reddition de comptes, parce que l’on parle d’argent public, mais cela représente quoi en termes de vies humaines sauvées ? », explique Marie-Line Audet, directrice générale de la TNCDC.

L’Art-Rivé compte sur une petite équipe de 6 employés pour maintenir les opérations. « C’est la direction qui doit prendre en charge tout ce qui concerne les redditions de comptes. Cela peut influencer la qualité de service sur le terrain, parce que nous sommes accaparés par la paperasse. Ce sont par exemple des suivis ponctuels avec nos membres que nous ne pouvons pas faire, parce que nous sommes trop occupés au niveau de l’administration des finances », souligne Mme Louis-Seize.

Financement à la mission, ententes de service et projets spéciaux

Dans le financement des organismes communautaires, chaque dollar ne s’équivaut pas. En fonction de la source des fonds octroyés, des conditions particulières s’appliquent.

Toutes les personnes interrogées s’accordent pour dire que le financement à la mission est la provenance la plus fiable et utile pour les organismes. « Il faut plus de financement à la mission. C’est un financement gouvernemental qui permet une prévisibilité, des actions et des ententes à plus long terme. C’est aussi un financement que les groupes peuvent adapter à leur réalité, leurs besoins et leur mission, en fonction de leur communauté. Il permet plus de flexibilité », insiste Mme Audet.

Les acteurs du milieu communautaire demandent donc d’une même voix qu’on assure la pérennisation du financement à la mission. « Quand la politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire a été créée [en 2002], c’était en majorité du financement qui provenait des ententes à la mission, tandis que les ententes de service et les programmes au projet étaient minoritaires. Depuis les vingt dernières années, la tendance s’est inversée », affirme la directrice générale de la TNCDC.

Si les ententes de services sont aussi récurrentes, elles occasionnent souvent une pression accrue sur les groupes communautaires, qui doivent assurer une offre de qualité avec des ressources humaines limitées.

« Dans les autres formes de financement, il y a les ententes de services. Malheureusement, l’État se désengage un peu de son rôle et délègue des services à des groupes communautaires avec lesquels ils vont signer une entente. C’est donc une façon pour le communautaire de trouver des fonds, mais on se sert du communautaire comme du « cheap labor » », ajoute cette dernière.

Enfin, il existe des programmes d’aide aux projets particuliers, ponctuels, qui permettent de créer de nouveaux services. Mais la plupart du temps ils ne sont pas récurrents. Certains organismes n’ont d’autre choix que de compter presque exclusivement sur ce type de financement.

« Je pense par exemple au Carrefour Jeunesse Emploi de RDP qui en est à son 15e appel de projets, mais qui n’a pas de financement de base. Chez eux, on est constamment en train de faire de la reddition de comptes », remarque Katy Lessard, agente de développement à la Table de développement social de RDP.

Créer de nouveaux programmes au sein d’un organisme afin de pouvoir toucher quelques dollars peut occasionner des désagréments par la suite, affirme pour sa part Mme Louis-Seize. « C’est bien de partir un nouveau projet, mais une fois le financement terminé, on est parfois forcé de le clore. Nous ne voulons pas créer de nouveaux besoins à nos membres pour ensuite leur enlever le service », soutient-elle.


Cette série spéciale est financée par la Corporation de développement communautaire de Rivière-des-Prairies.