Laurence Lavigne Lalonde est mairesse de VSMP depuis 2021. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

UN CAFÉ AVEC… LAURENCE LAVIGNE LALONDE

D’abord élue comme conseillère de la Ville dans le district de Maisonneuve – Longue-Pointe en 2013, Laurence Lavigne Lalonde effectuera deux mandats dans Mercier – Hochelaga-Maisonneuve (MHM) avant de remporter son élection à la mairie de Villeray – Saint-Michel–Parc-Extension (VSP) en 2021. C’est un peu un retour aux sources pour celle qui a grandi dans le district de François Perrault et qui a toujours voulu changer le monde par la politique de proximité. Celle-ci devra relever d’importants défis dans la portion la plus à l’est de son territoire, Saint-Michel, un quartier marqué par les iniquités économiques et sociales.

EST MÉDIA MONTRÉAL : Vous avez passé deux mandats à titre de conseillère de la Ville dans MHM, dont une dans l’opposition et une avec l’équipe du maire, avant de briguer la mairie de VSP. Comment s’est passée votre transition d’un arrondissement à l’autre ?

LAURENCE LAVIGNE LALONDE : Je trouve que cela s’est bien passé. J’ai fait deux mandats et durant le deuxième, j’étais au comité exécutif de la Ville de Montréal. J’ai aussi fait partie de l’équipe du maire de MHM, ce qui m’a permis de mieux saisir les responsabilités de ce rôle. J’ai grandi ici dans le quartier. Donc après avoir passé une dizaine d’années dans MHM, je suis revenue avec ma famille dans François Perrault. Je voulais donc y retourner et poser des gestes pour améliorer le quartier qui m’a vu grandir. Je me sentais donc prête à entreprendre ce projet dans ma carrière.

L’arrivée à la mairie de VSP s’est faite tout en douceur et la courbe d’apprentissage n’a pas été très longue. Il y a une chimie qui s’est vite installée avec l’équipe de l’arrondissement pour qu’on puisse rapidement savoir où on s’en va.

EMM : De manière générale, quels sont vos principaux défis à la tête de cet arrondissement ?

LLL : Je pense que l’enjeu principal de l’arrondissement, c’est qu’il y a des quartiers vraiment distincts. On a un cœur d’arrondissement ici qui est Villeray, mais à l’Est, puis à l’Ouest, Saint-Michel et Parc-Extension sont deux quartiers qui ont une identité particulière et aussi des disparités socio-économiques vraiment importantes.

Je l’ai dit durant ma campagne électorale, il faut qu’on s’assure d’investir temps, énergie et amour dans Saint-Michel et Parc-Extension. Quand j’ai décidé de me lancer en politique en 2013, c’était principalement pour lutter contre les iniquités et les inégalités sociales. Ça me dépassait de savoir que dans des quartiers où les gens ont les plus grands besoins, c’est souvent là qu’on a les moins belles infrastructures et celles les moins conviviales, que ce soit au niveau des transports, des bibliothèques ou des centres culturels. À Saint-Michel précisément, il y a beaucoup de pauvreté, d’inégalités et d’îlots de chaleur, donc on a beaucoup à faire. Heureusement, on a aussi des organismes qui travaillent très fort et avec lesquels nous collaborons.

EMM : Dans le passé, il y a eu d’importants efforts de concertation pour revitaliser certains secteurs de Saint-Michel. Où en sont ces projets ?

LLL : En 2015, un Programme particulier d’urbanisme (PPU) visait la rue Jarry, de Papineau à Pie-IX. Je n’étais pas présente à cette époque-là, mais l’Arrondissement avait alors fait une planification de toute la rue pour identifier tous les secteurs et puis mettre en place des actions prioritaires. Sincèrement, je vous dirais que depuis 2015, il n’y a pas eu énormément de travail qui a été fait là, concrètement, sur le terrain. On a enfoui les fils sur la rue Jarry, ce qui est déjà pas mal, mais l’Arrondissement et la Ville ne sont pas venus investir massivement dans ce secteur. Quand je suis arrivée à VSP, j’ai revisité ce PPU pour voir s’il y avait des choses à mettre à jour et, en même temps, la TOHU et le projet de la Cité des arts du cirque se sont mis en branle pour revitaliser le coin et en faire une porte d’entrée dans le quartier. Tout cela a permis d’accélérer les choses pour la rue Jarry.

EMM : Il existe beaucoup d’anciens secteurs industriels sur la rue Jarry qui mériteraient d’être revitalisés. Avez-vous travaillé sur un plan pour rajeunir le secteur et le rendre plus attrayant pour de nouvelles entreprises ?

LLL : De manière générale, on vient de terminer un gros changement réglementaire dans l’arrondissement en faveur de la transition écologique. Donc, on est venu changer les taux d’implantation, les choix des matériaux des bâtiments, le nombre d’arbres que tu dois planter sur ton terrain. On a aussi revu le nombre de places de stationnement que tu peux avoir, augmenté le nombre de places pour les vélos, la perméabilité du sol sur un stationnement. On a aussi autorisé l’agriculture urbaine sur les toits, notamment dans les secteurs industriels. Ainsi, à partir du moment où quelqu’un va venir chercher un permis à l’Arrondissement, cela va permettre d’ajouter un petit « ouf » à ce bâtiment-là.

Nous, on considère que tout ce secteur-là, de la 17e avenue à l’avenue Albert-Louis-Van Houtte, est un pôle industriel qui a sa raison d’être. Notre intention n’est pas de venir raser tout cela. Puis, pour avoir des secteurs résidentiels en santé, ça prend des emplois de qualité et il y a des entreprises qui ont un grand rayonnement sur la rue Jarry. La question qu’il faut se poser c’est : « est-ce qu’on est capable d’embellir l’endroit ? ». Pourrait-on par exemple améliorer les transports actifs dans ce coin où il y a beaucoup d’îlots de chaleur ? Il y a des petites choses qu’on peut faire à court terme, je pense par exemple à l’avenue Joseph-Guibord qui n’a pas de trottoir à certains endroits. Eh bien, nous allons refaire cette rue qui va aller jusqu’au parc George-Vernot, qu’on va d’ailleurs aussi rénover avec un investissement de 5 M$. Cela va permettre de tisser des liens dans le secteur industriel pour le rendre plus convivial.

EMM : Justement, en ce qui concerne la revitalisation du quartier, il y a aussi le dossier de l’ancienne carrière Francon qui mériterait d’être examiné. Avez-vous des plans pour ce secteur ?

LLL : Je crois que les gens vivent beaucoup de cynisme par rapport aux très gros projets qui coûtent des milliards de dollars. Il suffit de penser à la ligne bleue du métro ou au SRB [Service rapide par bus] sur Pie-IX. Sachant cela, je ne me voyais pas proposer un gros projet pour l’ensemble de l’ancienne carrière. De plus, il s’agit d’installations qui sont utilisées par la Ville de Montréal, pour entreposer du matériel, mais surtout pour y déverser 40 % de la neige amassée sur son territoire. On ne peut donc pas tout simplement la fermer.

Toutefois, celle-ci est tout de même un irritant pour la population ; je pense par exemple aux étudiants de l’école Louis-Joseph-Papineau, qui doivent parfois marcher une demi-heure pour la contourner. Cela est inacceptable. Nous travaillons sur un plan pour relier les deux tronçons de la rue Jean-Rivard, qui s’arrêtent de part et d’autre de la carrière dans la portion la plus au sud. Nous évaluons que si l’on était capable de faire un lien piéton cycliste dans cet axe-là, c’est probablement 20 à 30 minutes de marche en moins que les gens auraient à faire pour se rendre au parc George-Vernot. Nous sommes aux études de faisabilité dans ce dossier.

L’ancienne carrière Francon, c’est un trou de 70 mètres de profondeur. On ne peut tout simplement pas juste remblayer cela d’un coup. Il va falloir procéder étape par étape. On sait que 60 % de l’espace est utilisé pour l’entreposage de la neige, alors « est-ce qu’on pourrait faire quelque chose avec le 40 % qu’il reste et le rendre aux citoyens ? ». Il faut réfléchir comme cela, c’est plus réaliste.

EMM : Enfin, où en est le projet de maison communautaire dans Saint-Michel ? Dans un récent article, nous avons parlé avec l’organisme Vivre Saint-Michel en santé (VSMS), responsable du projet, qui est toujours à la recherche de financement. Avez-vous des solutions pour accélérer la concrétisation du projet ?

LLL : À l’Arrondissement, on a des conventions de partenariats avec des organismes communautaires pour l’offre de service, par exemple dans le domaine des sports et du loisir. Toutefois, on a d’autres organismes qui travaillent dans d’autres domaines avec lesquels on n’a pas nécessairement de convention, donc on ne paye pas leur loyer. Et ce sont surtout ces organismes avec lesquels on n’a pas de convention qui souhaitent se loger dans la future maison communautaire. Nous reconnaissons qu’ils font un travail important pour la communauté, donc c’est pour cela que l’arrondissement a décidé de donner un terrain complètement décontaminé à l’organisme pour bâtir la maison communautaire. On leur a aussi remis 25 000 $ pour les aider à développer ce projet.

Les espaces pour le communautaire, c’est un enjeu très difficile. Vous savez, dans Parc-Extension, on a 15 organismes qui se cherchent des locaux, parce qu’ils ont été évincés par la commission scolaire. Nous faisons ce que nous pouvons, mais malheureusement cela n’est pas la responsabilité des arrondissements de construire des maisons communautaires. Il faut que les autres paliers de gouvernement s’impliquent dans ces dossiers. Nous faisons  toutes les représentations possibles et participons à toutes les discussions pour que le projet se concrétise.