Le gérant de Prestige Jeans, boutique spécialisée dans la vente de jeans de grandes marques comme Levis, Lola et Guess (Courtoisie Prestige Jeans)

DES BOUTIQUES DE VÊTEMENTS DE QUARTIER TOUJOURS DEBOUT FACE À LA VENTE EN LIGNE

Devant la montée en puissance de la vente en ligne, qui a connu un bond exponentiel depuis la pandémie, les boutiques de proximité spécialisées en vêtements de prêt-à-porter font face à une concurrence féroce. Ce marché arrive cependant à tirer son épingle du jeu. 

Petits prix, livraisons rapides et parfois sans frais, retours remboursés, un choix d’articles infini… Devant les nombreux avantages du magasinage en ligne, les consommateurs ont tendance à favoriser l’achat de vêtements depuis leur écran d’ordinateur et délaissent les virées dans les boutiques. Asos et Shein sont des exemples d’entreprises de prêt-à-porter existantes exclusivement en ligne qui ont émergé dans les années 2000. Depuis, leur chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter et encore plus depuis la pandémie. 

L’émergence des boutiques en ligne a touché les commerces physiques de prêt-à-porter, mais les boutiques spécialisées et de proximité sont moins impactées. Cette constatation a encouragé Simon Abissidan, propriétaire et fondateur en 1977 de la boutique Prestige Jeans rue Ontario, dans Hochelaga-Maisonneuve, à se spécialiser : « J’ai augmenté mon volume d’articles dans le jean et j’ai enlevé les autres articles comme les manteaux, les robes, les tops… C’était une perte d’argent », raconte-t-il. Le propriétaire ne pense pas que l’achat en ligne a ébranlé son domaine car « c’est très difficile d’acheter un jean en ligne. Mais je sais que pour les commerces de prêt-à-porter en général, c’est très compliqué », confie-t-il. 

Depuis l’existence du commerce électronique, Simon Abissidan reconnaît néanmoins avoir été contraint de changer ses habitudes : « Je ne prends plus de risques. Mes achats sont plus sélectifs qu’avant. Je n’achète dorénavant que des articles qui se vendent à coup sûr », explique-t-il. Prestige Jeans a toutefois connu une diminution nette dans son chiffre d’affaires depuis 1977 : « Depuis mon ouverture, si on se base sur la valeur de l’argent de l’époque, je fais 50 % moins de bénéfices qu’avant », déplore le propriétaire. 

Le magasinage physique reste une expérience complètement différente pour le client : « C’est pas le même feeling. Lorsque l’on va faire une virée shopping dans un centre commercial, on peut partager un moment avec un ami et s’amuser », explique Amir Hussein, propriétaire de la boutique Mystik, présente sur la Promenade Masson et spécialisée dans la revente de vêtements, d’accessoires et de chaussures pour femmes depuis 2010. Ce magasin de quartier a su acquérir une clientèle fidèle qui aime bénéficier de conseils personnalisés. Certaines grandes chaînes de la fast fashion proposent des vêtements à prix concurrentiels, notamment à cause de leur faible coût de fabrication. Cependant, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous : « Je sais que beaucoup de personnes qui achètent en ligne retournent leurs articles ou sont insatisfaits de la qualité », indique le propriétaire de la boutique Mystik.

Mystik est spécialisée dans la revente de vêtements, d’accessoires et de chaussures pour femmes (EMM/Sophie Gauthier)

S’adapter aux besoins du marché

Les boutiques physiques, incluant les petits commerces de quartier, ont dû s’adapter aux besoins du marché. C’est le cas des fondatrices de la boutique Les Coureurs de jupons qui ont décidé d’ouvrir leur site web : « On est obligées d’avoir aussi notre boutique en ligne si on veut que ça fonctionne bien », raconte Kristelle Mercier, cofondatrice et copropriétaire de cette boutique de la Promenade Masson, au coeur de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Mais une boutique en ligne représente un investissement financier supplémentaire : « On n’a pas le choix d’offrir la livraison gratuite sur un minimum d’achat puisque tout le monde le fait », explique t-elle. Malgré cette initiative, les bénéfices de leur boutique en ligne représentent entre 1 % et 5 % maximum des ventes de leur commerce. Malgré tout, la copropriétaire a conscience de l’importance d’exister virtuellement : « Lorsque la conjoncture économique sera meilleure, on espère pouvoir avoir assez de budget pour engager un spécialiste et prendre soin de la boutique en ligne pour faire plus de ventes », ajoute-t-elle. 

Quelques robes de la boutique Les coureurs de jupons présente sur la Promenade Masson. (Courtoisie Les coureurs de jupons)

Ouverte en 2011, Les coureurs de jupon est une boutique spécialisée en créations locales. Leurs vêtements, bijoux, accessoires et objets cadeaux sont conçus et fabriqués au Québec. Les fondatrices, deux amies de longue date, sont attachées aux valeurs de leur entreprise qui se veut responsable : « Le fait de vendre des articles conçus et fabriqués exclusivement dans la région fait qu’on ne génère pas beaucoup d’argent. C’est un business de coeur avant d’être un business financier », confie Kristelle Mercier. Le marché de la vente peut parfois être difficile pour les boutiques de proximité. Dans une société de consommation caractérisée par une hausse des prix et une diminution du pouvoir d’achat, les consommateurs achètent moins ou se tournent vers des produits à prix attractifs plutôt que de payer le juste prix pour un vêtement qui est fabriqué localement. « C’est un peu David contre Goliath », plaisante la cofondatrice.

Malgré la domination du commerce électronique, Les coureurs de jupons survit grâce à son statut de commerce de niche : « Notre clientèle souhaite venir sur place, voir et toucher le produit », termine la copropriétaire.