Le gin BleuRoyal, produit phare de la distillerie BluePearl (photo courtoisie).

BLUEPEARL : UNE DISTILLERIE FLORISSANTE

NDLR : Les brasseurs et distillateurs de l’est de Montréal connaissent depuis quelques années un succès grandissant sur les tablettes un peu partout au Québec, faisant aujourd’hui du territoire l’un des plus productifs sur la scène nationale des micro-brasseurs et micro-distilleries. EST MÉDIA Montréal a voulu en savoir plus sur ces artisans-entrepreneurs en pleine ébullition, ce qui a généré sept reportages et tout autant de belles rencontres, et surtout, une intéressante série signée Elizabeth Pouliot. (5/7).

Mettre les saveurs du Québec en bouteille et ainsi faire vivre une expérience aux consommateurs : voilà le mandat que s’est donnée la distillerie BluePearl. Et ne vous fiez pas à la grisaille de ses locaux! Derrière la sobriété de la bâtisse se cache une jeune entreprise verdoyante. Portrait d’une distillerie qui respire la fraîcheur d’une floraison printanière.

Si le germe a d’abord poussé dans le quartier Villeray à Montréal, c’est dans l’est de la métropole que l’entreprise BluePearl a choisi de planter ses racines. Comme d’autres avant elles, la distillerie a opté pour le 5600, rue Hochelaga, attirée par la proximité des axes routiers ainsi que de la Société des alcools du Québec, son principal client. BluePearl y a trouvé bien plus qu’un simple local. Il semble s’y abriter un véritable écosystème, selon Francis Bluteau, cofondateur et président-directeur général de BluePearl. « C’est vraiment un espace super dynamique. Il y a un véritable esprit de fraternité. On s’encourage. Il y a d’ailleurs des projets de collaboration qui s’en viennent. »

Les entreprises qui y évoluent s’entraident, supportées par les gestionnaires de cette vaste bâtisse industrielle. « Leurs corps de métiers sont toujours disponibles. C’est une belle famille, une bâtisse bien entretenue, du bon monde. Notre compagnie ne serait pas ce qu’elle est sans eux », va même jusqu’à dire Francis. Non seulement accessible et agréable semble-t-il, le 5600 a l’avantage non négligeable d’être zoné comme industriel lourd, facteur essentiel à l’implantation d’une distillerie. C’est d’ailleurs un règlement vieux de 1930, à l’époque de la prohibition, qui fait toujours loi près de 100 ans plus tard.

Mais revenons à nos verdures! Francis est en fait le troisième joueur au sein de l’entreprise. Au départ, les amis d’enfance que sont Jonathan Perlstein et Karl Fortin s’amusent à créer leurs propres alcools à la maison. Ils rencontrent plus tard Francis, qui, vite séduit par les produits de qualité qu’ils fabriquent, les convainc de mettre sur pied une compagnie. Fin 2018 et beaucoup de dur labeur plus tard, leurs premières ventes sont conclues à la SAQ.

Jonathan Perlstein, Karl Fortin et Francis Bluteau, fondateurs de la distillerie BluePearl (photo courtoisie).

Un gin bleu, un gin vert et… du désinfectant à main

Le produit phare de BluePearl, dont le nom provient des premières syllabes des noms de famille de deux des trois partenaires d’affaires (Bluteau et Perlstein), est sans contredit le gin BleuRoyal, qui a la particularité de changer de couleur. Hommage avoué à la province du Québec, il se compose de produits d’ici, tels que de la baie de genévrier, essentielle à l’appellation « gin », des écorces d’agrumes frais pelés à la main, de la camomille, de la cardamone, de la racine d’angélique et de l’écorce de réglisse. Après une première distillation, on y ajoute ensuite des fleurs sauvages, de l’arôme de camomille et de la fleur de bois papillon. C’est cet ingrédient au nom tout en douceur et en poésie qui permet au gin de devenir rosé au contact de l’acide citrique. « Y résonnent l’accent des Québécois, leur personnalité. C’est aussi un petit clin d’œil à l’île de Montréal et au mont Royal, où poussent plusieurs des fleurs sauvages qu’on utilise. On souhaite vraiment s’inspirer du territoire québécois », explique Francis.

Le président-directeur général est tout aussi fier du second produit de la compagnie, le gin Jardin Verde, tout en légèreté. Il s’agit d’une boisson plus faible en alcool (30 %) à travers laquelle connaisseurs ou néophytes goûteront la baie de genévrier, la cardamone et les agrumes frais, encore une fois, mais aussi les herbes fraîches, comme la menthe, le romarin et le basilic. Et pour contribuer encore plus à la fraîcheur, du concombre est ajouté, créant un arôme à la fois doux et puissant. « C’est l’un des premiers gins réduits en alcool au Québec. C’est donc un produit moins calorique, moins sucré et très léger. »

Plus petit joueur que certaines microbrasseries et distilleries qui partagent la même bâtisse qu’elle, BluePearl est néanmoins en pleine croissance. Elle vient de passer d’un local de 2 000 pi2 à un espace de 12 500 pi2, ce qui lui permet de quintupler sa production. L’équipe se compose à l’heure actuelle d’une douzaine d’employés à temps plein et à temps partiel, et compte faire passer tout le monde à temps complet éventuellement. Classée service essentiel, la distillerie a eu la chance de poursuivre ses activités en 2020 et même de ne mettre personne à pied. « On se sentait imposteur d’être une entreprise essentielle alors qu’on faisait du gin, explique Francis. Plusieurs entreprises autour de nous ne peuvent plus faire ce qu’elles aiment et ce qui les passionne. » La distillerie a alors choisi de diversifier ses activités en produisant un désinfectant pour les mains, dont elle a fait cadeau aux travailleurs essentiels. « C’était une belle surprise. Humblement, c’était notre façon d’aider. On est content. C’était vraiment gratifiant pour toute l’équipe. Et si en bout de ligne, la SAQ fermait temporairement, on avait cette porte de sortie là. »

Petite fleur voit grand

Car c’est principalement à la SAQ que se vendent les spiritueux BluePearl. Néanmoins, la petite entreprise voit grand et est déjà disponible en France, en Allemagne et en Belgique, et des pourparlers sont entamés avec la Corée du Sud, la Chine et le Japon. La distribution, ici comme à l’étranger, peut parfois être complexe, et encore plus pour les distillateurs. Engagé, Francis Bluteau siège aussi comme vice-président à l’Union des microdistilleries du Québec. « On souhaite entre autres faire baisser les taxes sur l’alcool. On travaille sur des gros dossiers au sujet de la baisse de la majoration sur les ventes à la propriété, notamment. » Par exemple, à l’heure actuelle, une distillerie qui vend ses produits sur place empoche moins d’argent que si elle les vend à la SAQ. « On souhaite faire bouger les choses par rapport à ça. »

L’année 2021 reste sous le signe de l’effervescence et de la floraison pour la distillerie BluePearl. « On prépare un énorme projet pour la fin 2020. C’est quelque chose qui changera vraiment l’industrie et l’image d’une catégorie au Québec selon moi. » Pour l’instant, seuls les différents collaborateurs en détiennent le secret. En attendant, les consommateurs pourront se réjouir avec l’apparition de deux nouveaux produits. « Très prochainement, on mettra sur le marché notre prêt-à-boire sans alcool Jardin Verde, un gin tonic zéro. » Il s’agit d’un gin en cannette concocté avec un tonic artisanal développé par la distillerie. Respectant sa ligne directrice de mettre les saveurs du Québec en valeur, BluePearl planche présentement sur un spiritueux d’érable, et non pas « à l’érable ». « C’est de l’acerum, une appellation contrôlée, qui se compose d’eau, de sirop d’érable et de levures. » Le liquide est fermenté puis distillé, et peut même être mis en barrique pour vieillissement. Forte d’un nouveau local spacieux, d’un alambic tout neuf et d’une équipe grandissante, la distillerie prend donc racine, mûre pour affronter cette nouvelle année et prête à fleurir… telle une fleur de pois papillon!