La nouvelle école Baril sur la rue Adam entre Joliette et Chambly. (Photos : EMM).

ÉCOLE BARIL : UN PRESTIGIEUX PRIX D’ARCHITECTURE AU GOÛT DE VICTOIRE POUR HOCHELAGA-MAISONNEUVE

Lorsque l’école primaire Baril, située au 3603 rue Adam, en plein cœur d’Hochelaga-Maisonneuve, a dû fermer ses portes d’urgence en juin 2011 pour cause d’insalubrité, bien peu d’intervenants locaux osaient probablement s’imaginer à cette époque que sa reconstruction complète allait lui mériter, huit ans plus tard, le prix d’Excellence de l’Ordre des architectes du Québec, dans la prestigieuse catégorie Bâtiments institutionnels publics.

La priorité d’alors était plutôt de gérer la crise générée par la relocalisation de centaines d’élèves du primaire… dans des locaux de l’école secondaire Louis-Riel, à quelque 6 kilomètres de Baril. Une situation difficile qu’imposait le manque de places dans les écoles environnantes, notamment les deux voisines de la rue Adam : l’école Hochelaga, aujourd’hui fermée pour des problèmes similaires à Baril; et l’école Saint-Nom-de-Jésus, qui elle, complètement rénovée, devrait être réouverte cet automne après avoir été fermée ces sept dernières années (!) pour cause de vétusté et de mauvaise qualité de l’air.

Par chance, le secteur ne souffrirait plus aujourd’hui d’un manque chronique de classes comme d’autres territoires dans l’Est de Montréal, notamment Rosemont, Mercier et la Pointe-de-l’Île. Avec la réouverture de Saint-Nom-de-Jésus (capacité de 350 élèves, tout comme Baril qui en comptait toutefois 500 à une certaine époque), le quartier devrait bien se porter à ce niveau pour les prochaines années, du moins selon les projections du ministère de l’Éducation. « Nous avons aussi l’école Hochelaga qui pourrait être réhabilitée ou transformée dans les prochaines années pour des besoins éventuels. Pour le moment nous attendons un budget de Québec pour décontaminer le terrain (NDLR : les écoles de cette époque ont pour la plupart des sols contaminés par le chauffage au mazout), et nous verrons par la suite », affirme Diane Beaudet, commissaire scolaire dans Hochelaga-Maisonneuve et maman de deux enfants qui fréquentent actuellement l’école Baril, ouverte depuis la fin août 2017. Mme Beaudet a d’ailleurs été l’une des premières impliquées dans la saga de reconstruction du bâtiment de la CSDM, elle qui a occupé le poste de présidente du conseil d’établissement de l’école en 2012 et 2013.

Diane Beaudet, commissaire scolaire, Hochelaga-Maisonneuve. (Photo : CSDM).

Même la délocalisation prévue prochainement des élèves de l’école Maisonneuve, située au coin des rues Adam et Morgan, ne causerait pas de problème selon la commissaire scolaire. À se demander s’il y a encore des enfants dans ce secteur… ou du moins pourquoi y retrouve-t-on moins de familles alors que l’inverse se produit dans d’autres territoires de l’Est montréalais, qui accueillent notamment depuis quelques années une importante vague d’immigrants avec enfants.

Un prix d’excellence qui couronne une grande réalisation

Lorsque la firme d’architectes Birtz Bastien Beaudoin Laforest (BBBL), spécialisée dans la réalisation de bâtiments scolaires, a obtenu le mandat de plans et devis pour la rénovation de l’école primaire au début des années 2010, la CSDM et le ministère de l’Éducation faisaient face pour la première fois à un cas de mauvaise qualité de l’air extrême, lire un problème de moisissures généralisées, en plus d’une contamination importante du sol. Assez pour fermer l’école puisque qu’il était convenu que le bâtiment était déjà la cause même de problèmes de santé pour les élèves et le personnel. Et quand le diagnostic presqu’aussi sévère est tombé pour les écoles Hochelaga et Saint-Nom-de-Jésus, le quartier a dû se mobiliser pour réclamer une intervention d’urgence, au minimum une attention spéciale des instances gouvernementales. Le quartier, déjà historiquement défavorisé, avait besoin d’aide pour ses écoles, et vite. « On ne savait pas trop quoi faire avec un cas majeur de mauvaise qualité de l’air, l’ampleur des travaux qui allaient se dessiner, les expertises que tout cela demanderait, bref le cas de l’école Baril a fait école, sans faire de jeu de mots, pour déterminer des standards de conservation et de reconstruction », explique Mme Beaudet.

Et c’est à partir de là que le projet de rénovation s’est quelque peu transformé en saga, puisque le scénario de rénovation, d’une enveloppe initiale de 3 M $, a rapidement changé pour aboutir, après analyses et expertises, en projet de démolition complète et de reconstruction. « Plus on travaillait sur les plans de rénovation, plus on réalisait que l’ensemble du bâtiment était contaminé et infesté de moisissures, peu d’éléments allaient être finalement récupérables », soutient Clément Bastien, associé de BBBL et principal architecte du projet. Le mandat de la firme a donc évolué afin de produire une expertise de non-qualité du bâtiment, ensuite pour la réalisation de plans et devis pour la démolition, pour ultimement aboutir à un mandat de plans et devis et de surveillance des travaux pour la construction d’une nouvelle école. Un processus qui prendra près de six ans avant le retour des élèves.

L’architecte principal du projet, Clément Bastien, de la firme BBBL. (Photo : BBBL).

« Dans tout ça, le plus grand défi a été de convaincre l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve de la pertinence du projet de nouveau bâtiment. Car avant de démolir, l’administration municipale doit approuver le plan de remplacement, et cela prend beaucoup de temps et de retours à la planche à dessin », nous dit M. Bastien, qui ajoute toutefois que la collaboration a été très bonne avec les responsables de l’arrondissement, de même qu’avec la CSDM et le ministère de l’Éducation. « Il y avait de l’ouverture de la part des intervenants, et tout le monde semblait vouloir que l’on fasse du beau et du bon dans ce projet qui prenait un caractère particulièrement important pour le quartier, sans compter que les discussions publiques sur la qualité des installations scolaires au Québec étaient de plus en plus d’actualité », affirme l’architecte.

C’est ainsi que le projet de 19 M $ au final s’est avéré exceptionnel sous plusieurs aspects, notamment par la conservation et la mise en valeur du magnifique portail en façade du bâtiment historique qui vient intégrer avec beaucoup de panache la nouvelle construction à son environnement immédiat, qui voisine entre autres l’église Très-Saint-Rédempteur et plusieurs plex d’habitation centenaires de ce vieux quartier ouvrier. « Au niveau technique, c’est cet élément qui nous a définitivement causé le plus de soucis, car il fallait s’assurer de l’isoler et de le protéger tout au long de la construction qui s’érigeait autour durant les travaux, mais en bout de ligne, wow, on constate que l’idée était extrêmement appropriée », soutient M. Bastien.

L’ancien et magnifique portail a été sauvegardé et mis en valeur.

Parmi les autres caractéristiques qui rendent la nouvelle école particulièrement réussie, soulignons la fenestration abondante, surtout au niveau du gymnase et de la bibliothèque, les couloirs larges et aérés, les classes qui le sont tout autant, le choix des matériaux extérieurs et l’harmonie des dimensions qui ajoutent à l’intégration parfaite du bâtiment dans son environnement. Des éléments qui ont été soulignés lors de la remise du prix d’Excellence de l’Ordre des architectes. « Ce qui me rend le plus fier dans ce projet, à part le fait que cela souligne de belle façon le travail et les valeurs de notre équipe depuis 30 ans, c’est que lorsqu’on passe devant l’école, qu’on la regarde, on a l’impression qu’elle a toujours été là, même si elle comporte beaucoup d’éléments architecturaux très modernes », affirme Clément Bastien.

La bibliothèque, tout comme le gymnase, donne sur rue et bénéficie d’une fenestration abondante.

Pour Carole Poirier, ex-députée péquiste d’Hochelaga-Maisonneuve, qui s’est activement démenée pendant tout le processus de réhabilitation des écoles de la rue Adam, et en particulier pour le dossier de l’école Baril, la construction du nouveau bâtiment représente « une belle victoire pour tout le quartier qui a su se mobiliser et tenir son bout afin d’avoir non pas une école vite faite au meilleur coût possible, mais bien un bâtiment de qualité, beau, sain et qui est en harmonie avec son environnement. C’est probablement le projet dont j’ai été la plus fière durant mes dix années à titre de députée », soutient celle qui a même mis son poste en jeu lors du règne de Pauline Marois pour faire avancer le dossier de l’école Baril. « J’avais avisé Mme Marois que si on ne s’occupait pas de reconstruire l’école, je démissionnais. Heureusement, les choses ont bougé », se rappellent en riant Mme Poirier.

Carole Poirier, députée d’Hochelaga-Maisonneuve lors du long projet de reconstruction de l’école Baril. (Photo : gracieuseté).

Par contre, l’ex-députée et aujourd’hui directrice générale du Parti québécois, est d’avis que malgré l’excellence du projet de l’école Baril, il aurait été possible de faire mieux. « C’est certain que dans ce genre de projet, il faut faire des compromis, surtout à cause des budgets disponibles et de l’urgence d’agir. Mais il y a des éléments dont l’État devra tenir compte absolument dans l’avenir, comme mieux prévoir les besoins éventuels d’un secteur. Dès l’ouverture, l’école a été remplie à sa pleine capacité, il n’y a déjà pas de jeu en termes d’espace ou de classes supplémentaires. Qu’arrivera-t-il dans 10 ans si les familles reviennent en nombre dans le quartier, et c’est très possible que cela arrive? Aussi, des aires communes comme la cafétéria, ne sont pas équipées selon les tendances qui se dessinent clairement pour les prochaines années, comme le démontre entre autres les travaux du Lab-École. Il reste du chemin à faire », soutient Mme Poirier. Cette dernière ajoute « qu’avec 3 milliards de besoins pour les infrastructures scolaires au Québec, j’ai de la difficulté à imaginer la pertinence du gouvernement Legault de réduire la taxe scolaire. Cela m’apparaît un non-sens. »

L’arrière du bâtiment est également réussi et s’harmonise bien au décor environnant.

Pour l’architecte Clément Bastien, si le gouvernement doit faire certainement plus d’efforts pour améliorer ses infrastructures scolaires, la situation ne serait toutefois pas aussi catastrophique que certains peuvent l’avancer. « Ce n’est pas vrai qu’on ne fait pas aujourd’hui du beau et du bon au Québec en ce qui concerne la construction de nouvelles écoles. Les plans génériques des années 1970, c’est terminé, même si le traditionnel est toujours tentant pour les gestionnaires puisque ça coûte moins cher et que ça va plus vite, mais je crois sincèrement que nous sommes rendus ailleurs. Le problème, c’est que l’on parle beaucoup de la vétusté du réseau et du piètre design de certaines époques, mais on parle peu des bons coups, et il y en eu au Québec des belles écoles qui se sont construites ces dernières années », clame-t-il. L’ex-ministre de l’Éducation sous le dernier gouvernement Libéral, Sébastien Proulx, aurait déjà demandé à M. Bastien ce que ça prendrait pour construire de plus belles et meilleures écoles, l’architecte lui aurait livré comme réponse « plus de budget, plus de temps pour construire et surtout plus d’écoute et d’ouverture d’esprit de la part des donneurs d’ouvrage. »

Classe type de la nouvelle école.

« Le prix d’excellence de l’école Baril vient conclure en beauté une période plutôt négative pour les écoles de la rue Adam, et en ce sens il est très symbolique non seulement pour tous les intervenants qui ont eu à travailler fort sur ce dossier, mais aussi pour toute la population du quartier. Et je crois qu’en plus, la nouvelle école a probablement rehaussé les standards pour les prochaines constructions à venir dans le réseau scolaire », termine Diane Beaudet.

Soulignons que BBBL, qui fait partie de la firme multidisciplinaire Provencher_Roy, travaille actuellement sur un autre important dossier de nouvelle école dans l’Est de Montréal, soit sur le terrain de la Phase II de la Société de développement Angus, dans Rosemont. Le projet est en évaluation au ministère de l’Éducation.

Une partie du gymnase. Ce dernier est entièrement vitré sur les côtés sud et est.

Arrière du portail historique.

On peut apercevoir sur le portail historique une gravure sur laquelle y est inscrit : LA VILLE D’HOCHELAGA – DÉLIBÈRE – AVANCE – MUNICIPALITÉ SCOLAIRE.

La cour d’école est également agréable, équipée et bien pensée pour les élèves.

À quelques pas de l’école Baril, l’école Saint-Nom-de-Jésus, fermée depuis sept ans, a été entièrement rénovée et sera réouverte cet automne.