Vue de l’arrondissement Saint-Léonard (Courtoisie)

APPEL D’OFFRES ANNULÉS : QUE RISQUENT LES ARRONDISSEMENTS?

Tout arrondissement procède régulièrement à l’acquisition de services afin de répondre aux divers besoins des citoyens. Mais il arrive que des soumissions soient rejetées en raison de l’explosion des coûts de celles-ci ou encore qu’il n’y en ait tout simplement pas à cause de l’absence de soumissionnaires. Cette situation préoccupante peut freiner le développement de la ville et même affecter la qualité de vie des Montréalais si aucune solution n’est mise de l’avant.

Si votre arrondissement a besoin d’un nouveau terrain de jeux, de la mise en place d’un service de transport supplémentaire ou de la réalisation d’une étude environnementale, il doit faire appel à une entreprise spécialisée à travers un processus d’appel d’offres. 

Les entreprises intéressées soumettent ainsi leurs propositions tarifaires. L’arrondissement examine ces soumissions et sélectionne l’entreprise qui répond le mieux à ses besoins ou, comme c’est le cas la plupart du temps, celle qui a soumissionné au plus bas prix. La dernière étape se déroule lors du conseil d’arrondissement; ce dernier décide d’aller de l’avant et approuve l’octroi de contrat, ce qui signifie qu’il signe avec l’entreprise gagnante afin qu’elle réalise le service en question. Mais parfois, il arrive que l’arrondissement rejette la soumission à cause du tarif demandé. 

Des rejets inhabituels 

Lors du dernier conseil d’arrondissement de Saint-Léonard, datant du 4 mars, l’arrondissement a rejeté deux soumissions, un processus relevant de l’exception. 

La première soumission concerne le service de tonte de pelouse dans les parcs et espaces verts de l’arrondissement sur une période de trois ans. L’écart entre l’estimation de l’arrondissement et le montant de la soumission la plus basse pour cette durée est de 51,09 %. « Le contrat était estimé à 1 544 494,09 $ pour les 3 lots, pour une période de 3 ans, incluant les 3 renouvellements de 12 mois chacun. En excluant les options de renouvellement, le contrat était estimé à 664 184,26 $ pour les 3 lots, pour une période de 3 ans. L’écart entre le montant de la soumission, 1 003 487,21 $, et l’estimation pour cette durée est de + 339 302,95 $, soit une différence de + 51,09 % », selon l’ordre du jour et les documents décisionnels du conseil d’arrondissement de Saint-Léonard du 4 mars 2024. 

La deuxième soumission renvoie au service de nettoyage et d’inspection télévisée des conduites d’égouts incluant le transport et la disposition des résidus. La différence entre l’estimation de l’arrondissement et le montant de la soumission la plus basse est de 33,18 %. L’écart entre l’estimation, 208 679,62 $, et le montant de la soumission, 277 923,00 $, est de 69 243,38 $. 

La première raison justifiant de tels écarts est l’inflation : « C’est certain que cette différence est liée aux incertitudes du marché actuel. Depuis la pandémie, c’est le genre de situation qu’on rencontre davantage », déclare Julie Blais, cheffe de division des relations avec les citoyens et des communications à l’arrondissement de Saint-Léonard. 

Avant de lancer son processus d’appel d’offres, l’arrondissement se doit de faire une estimation pour tout contrat d’une valeur de 100 000 $ et plus : « De cette façon, on peut comparer l’estimation et le tarif du plus bas soumissionnaire », renseigne Guylaine Champoux, secrétaire d’arrondissement encadrant l’équipe de la division du greffe de l’arrondissement de Saint-Léonard. 

Pour réaliser cette estimation, l’arrondissement se base sur son historique : « On va comparer avec nos anciens contrats ou bien ceux des autres arrondissements. Mais ça peut parfois aboutir à certaines erreurs », explique Julie Blais. L’estimation des coûts de services de la deuxième soumission était justement basée sur des coûts de services de 2022. « Il était aussi difficile d’estimer les coûts du carburant et les coûts environnementaux de 2024 », peut-on lire dans le compte-rendu du conseil d’arrondissement de Saint-Léonard datant du 4 mars. 

Pourtant, les estimations sont tout de même censées refléter le prix attendu, dans la mesure du possible : « Même si on se base beaucoup sur l’historique d’un dossier pour l’évaluer, on va tout de même l’ajuster à ce que l’on sait du marché », confirme Julie Blais. Il est donc tout de même assez curieux que de tels écarts puissent exister, bien que chaque projet demande des études spécifiques fonctionnant au cas par cas : « C’est parfois très difficile d’établir un estimé qui soit vraiment représentatif, car ça dépend des particularités de chaque contrat », souligne Guylaine Champoux. 

Les solutions 

Lorsque ces écarts ne s’expliquent pas par l’inflation, l’arrondissement fait appel au Bureau du contrôleur général et à celui de l’inspecteur général de la Ville de Montréal : « Quand on rencontre des doutes au moment d’octroyer un contrat, ces instances nous aident dans notre prise de décision afin de présenter un dossier aux élus lors du conseil d’arrondissement », explique Guylaine Champoux.

Dans le cas où la valeur du contrat est trop élevée par rapport aux attentes de l’administration municipale, les équipes de l’arrondissement trouvent des solutions. La première d’entre elles est de gérer le service à l’interne : « On évalue si ce service nous coûte moins cher si on réaménage nos priorités ou alors si nous revoyons nos attentes dans notre appel d’offres », indique Guylaine Champoux. Ces dernières années, l’arrondissement de Saint-Léonard a par exemple choisi de se tourner vers ses services internes en ce qui concerne le déneigement ou encore les services d’élagage d’arbres ou de plantation. 

Le déneigement à Saint-Léonard (Courtoisie Ville de Montréal/Toma Iczkovits)

Lorsqu’un arrondissement fait face à des soumissions au coût trop onéreux, il doit donc faire un choix. Il peut soit relancer un appel d’offres en révisant ses exigences, ce qui signifie parfois de revoir les plans et devis, soit trouver des solutions alternatives. Et lorsque le service en question est essentiel et urgent, comme le déneigement, l’arrondissement doit faire preuve de résilience et de créativité pour trouver des solutions rapides et efficaces.

La façon de gérer les projets de l’arrondissement reflète la manière dont est géré le budget de la Ville et impacte directement la vie des résidents : « C’est très important pour nous d’être responsables dans l’octroi de ces contrats, car il s’agit de la gestion des taxes des citoyens », insiste Julie Blais. 

Il est important de souligner que le rejet d’une soumission proposée au conseil reste une exception : « Notre dernier rejet, à Saint-Léonard, date d’il y a un an », termine la cheffe de division des relations avec les citoyens et des communications à l’arrondissement. Néanmoins, avec l’inflation, les arrondissements ne sont pas à l’abri de ce genre de décisions, qui provoquent certainement bien des soucis aux administrateurs municipaux.