Esquisse du projet de la rue Notre-Dame (image : Ville de Montréal).

UN IMPORTANT GROUPE DE PRESSION VOIT LE JOUR DANS L’EST DE MONTRÉAL

Les rumeurs étaient fortes depuis plusieurs mois concernant la création imminente d’un regroupement d’acteurs influents de l’Est de Montréal provenant des secteurs privé, institutionnel et communautaire. En marge des plans de développement du territoire initiés par la Déclaration du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal pour revitaliser l’Est de Montréal, signée le 14 décembre 2018 par la ministre Chantal Rouleau et la mairesse Valérie Plante, « L’Alliance pour l’Est de Montréal » s’est finalement et officiellement manifestée le 18 janvier dernier via un mémoire déposé dans le cadre de la consultation sur la vision de développement économique du territoire du secteur industriel de la Pointe-de-l’Île (SIPI).

Représenter « les forces vives » de l’Est

Excluant toute formation politique ou élus, du moins pour le moment, le regroupement est formé en date d’aujourd’hui de 24 organisations, et semble être coordonné par un noyau central composé de la Société de développement Angus, la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, et différentes entités influentes de l’économie sociale québécoise. Parmi ses autres membres, dont la liste complète apparaît à la fin de ce reportage, notons entres autres L’Association industrielle de l’Est de Montréal, le Cégep Marie-Victorin, le Collège de Maisonneuve, le Collège de Rosemont, la Corporation Mainbourg, ainsi que des entités nationales telles que l’UQAM, Fondaction, l’Université Concordia et le Chantier de l’économie sociale.

Quoique le nombre de membres est appelé à progresser significativement dans les prochaines semaines selon l’une des porte-paroles de l’Alliance, Daphne Ferguson, directrice affaires publiques à la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, le nouveau groupe de pression se dit déjà représentatif des acteurs socioéconomiques de l’Est de Montréal. Voici certains passages dans le mémoire déposé lors des audiences du SIPI qui décrivent bien la portée que s’octroie l’Alliance :

« Au cours des derniers mois, dans le but de renforcer leurs propres contributions à cette décision des pouvoirs publics, des acteurs de la société civile, du secteur privé et du milieu institutionnel de l’Est ont fait le choix de faire Alliance afin de jeter les bases d’une vision commune visant à soutenir un modèle de développement à la hauteur des défis écologiques, sociaux, économiques et culturels du 21e siècle. Dans cette veine, des entrepreneurs, des leaders communautaires, des professionnels, des dirigeants d’institutions, des universitaires et des acteurs de la société civile autant du milieu culturel, environnemental et communautaire ont fait le choix de collaborer afin que des projets porteurs pour l’Est de Montréal soient développés dans l’intérêt commun (…) Cette mobilisation élargie se veut et se dit en complémentarité avec les actions à initier par les pouvoirs publics. Elle vise à maximiser les impacts des investissements publics à travers la réalisation de projets porteurs d’avenir pour le territoire. »

Et ailleurs dans le document : « L’Alliance vise un véritable New Deal ouvrant la voie à un renouveau durable pour l’Est de Montréal. Ce New Deal s’appuie sur une volonté d’un ensemble d’acteurs de renforcer des collaborations en faveur d’une transition écologique et sociale. En tant qu’Alliance des forces vives de l’Est de Montréal, notre participation à la présente consultation (ndlr : SIPI) vise à apporter quelques commentaires généraux, tout en indiquant deux propositions globales d’action. (…) Notre Alliance a le potentiel d’être encore plus mobilisatrice, inclusive, respectueuse des forces en place et audacieuse, dans la mesure où elle regroupera et mobilisera tous les acteurs concernés, qu’elle inspirera la population et qu’elle s’incarnera concrètement dans de nouvelles façons de faire. »

C’est donc dire que L’Alliance pour l’Est de Montréal se prépare à intervenir de façon importante et concertée dans la plupart des grands dossiers de développement de l’Est portés par les instances gouvernementales, du moins elle s’assurera de se faire entendre. EST MÉDIA Montréal a voulu recueillir les premiers commentaires de la ministre Chantal Rouleau et de la responsable des dossiers de l’Est au sein du Comité exécutif de la Ville de Montréal et mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT, Caroline Bourgeois, vendredi dernier en réaction à la création du nouveau regroupement, mais les deux élues n’avaient pas encore pris connaissance du mémoire.

SIPI : deux propositions principales

Le document déposé par L’Alliance pour l’Est dans le cadre du SIPI fait office beaucoup plus de manifeste qu’un d’un mémoire recommandant des actions précises pour le développement du secteur industriel visé par les audiences publiques. De son propre aveu, L’Alliance profite de l’occasion pour faire connaître ses grandes orientations pour l’ensemble du territoire de l’Est montréalais, quoiqu’elle propose tout de même les deux recommandations suivantes :

« Premièrement, que la Ville de Montréal reconnaisse l’importance de l’implication de la société civile dans la démarche de développement de l’Est de Montréal, une condition essentielle pour réaliser l’ambitieux projet de faire de l’Est de Montréal un territoire pilote de développement fondé sur les principes d’une transition économique, sociale et écologique. Pour ce faire, il est proposé de mettre en place un mécanisme de dialogue et de  concertation entre les membres de l’Alliance et des représentants de la ville. »

« Deuxièmement, que les investissements qui seront faits par la Ville de Montréal en partenariat avec les gouvernements du Québec et du Canada encouragent et soutiennent des innovations sociales qui maximiseront les impacts positifs du développement dans l’Est sur la qualité de vie de la population. Ces investissements devront être faits en complémentarité avec les investissements en matière d’infrastructure, de décontamination de terrains et d’innovations technologiques. Cet objectif pourrait être atteint à travers un processus ouvert et un mécanisme d’échanges autour des grands projets d’investissements publics permettant aux acteurs privés et de la société civile d’apporter des suggestions et d’agir en complémentarité avec ces actions municipales. »

L’Alliance déjà au travail

Le nouveau regroupement annonce dans son mémoire la mise sur pied immédiate de quatre « laboratoires d’idées » qui auront lieu au cours de l’hiver et du printemps 2020 « pour multiplier et bonifier les projets les plus structurants pour l’Est de Montréal. »

Les thématiques, qui seront abordées par quatre groupe de travail composés notamment de plusieurs spécialistes, porteront sur l’alimentation, la santé, les technologies propres et le territoire habité.

Ces laboratoires devraient mener à un Forum d’ici la fin de l’année qui réunira un grand nombre d’intervenants de l’Est ainsi que des partenaires régionaux et nationaux impliqués au sein du regroupement. « Ce Forum aspire à jeter les bases d’une vision inspirante du redéploiement du territoire qui embrassera l’Est dans ses multiples dimensions. L’innovation – sociale et technologique – sera à l’avant-plan de cette démarche collective », peut-on lire dans le mémoire.

La fin du CDEM?

L’émergence de L’Alliance pour l’Est de Montréal pourrait bien sonner le glas du Comité pour le développement de l’Est de Montréal (CDEM) fondé en 2011 par l’ex-députée péquiste de Pointe-aux-Trembles, Nicole Léger, à la suite de la fermeture dramatique de la raffinerie Shell qui, on se souvient, venait s’ajouter à la longue hécatombe industrielle du territoire.

Le CDEM, qui agit finalement à titre de table de concertation régionale, regroupe plus d’une centaine de membres provenant principalement des organismes publics ou parapublics du territoire composé de sept arrondissements et de la Ville de Montréal-Est. À la différence de la nouvelle Alliance pour l’Est de Montréal, tous les paliers de gouvernement dans tous les comtés et arrondissements sont invités à participer aux travaux et aux rencontres du CDEM, quatre par année, les élus locaux et leurs représentants constituant ainsi une bonne partie des participants.

Le problème, c’est que déjà plusieurs membres de l’Alliance sont des organisations qui participent généralement aux activités du CDEM, et qu’il serait surprenant qu’elles s’impliquent dans deux regroupements du genre et dans le même type de groupes de travail ou de laboratoires (les quatre laboratoires de l’Alliance sont très proches dans leurs thèmes des quatre groupes de travail du CDEM). De plus, il est de notoriété publique que le CDEM est depuis près de deux ans en perte de vitesse, d’autant plus que la ministre Chantal Rouleau a annoncé en mai dernier qu’elle retirait son bureau de comté (P.A.T.) des activités de l’organisation.

Jointe vendredi dernier au téléphone, Nicole Léger semblait surprise par l’ampleur et surtout les visées de L’Alliance pour l’Est de Montréal, mais n’a pas voulu commenter publiquement pour le moment, puisqu’elle n’avait pas encore pris connaissance du mémoire déposé par le nouveau regroupement.


Pour en savoir plus sur L’Alliance pour l’Est de Montréal, nous vous suggérons de lire leur mémoire déposé concernant le SIPI : https://www.realisonsmtl.ca/11550/documents/22746/download

Organisations membres de L’Alliance pour l’Est de Montréal en date d’aujourd’hui :

  • Association industrielle de l’Est de Montréal( AIEM)
  • CEGEP Marie-Victorin
  • Centre d’études en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CERSÉ)
  • Comité de régie du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES)
  • Chaire de recherche UQAM sur la transition écologique
  • Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM)
  • Collège de Maisonneuve
  • Collège de Rosemont
  • COOP Carbone
  • Corporation de développement communautaire (CDC) de la Pointe
  • Corporation Mainbourg
  • Culture Montréal
  • Chantier de l’économie sociale
  • Dynamo
  • Fondaction
  • Innovitech
  • Université Concordia
  • Rayside Labossière
  • Société de développement Angus (SDA)
  • Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal ( SHAPEM)
  • Solon
  • Table de Quartier de Montréal-Nord (TQMN)
  • Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS)
  • Université du Québec à Montréal (UQAM)