Scène de quartier d’une époque pas si lointaine… Photo : Archives AHMHM

UNE SOCIÉTÉ HISTORIQUE À LA HAUTEUR D’UN RICHE PATRIMOINE

Avec ses nombreux projets et publications régulières sur différentes plateformes, l’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve est certainement l’une des sociétés historiques locales les plus dynamiques et créatives de la région montréalaise. Même en temps de Covid-19, l’organisme accélère le rythme pour alimenter plus que jamais les passionnés d’histoire et de patrimoine. Portrait d’une petite mais essentielle institution, mémoire d’un quartier emblématique de l’est montréalais.

Déjà 42 ans… d’histoire

C’est en pleine époque de désindustrialisation des vieux quartiers de l’est de Montréal, en 1978, que l’Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve a vu le jour. « C’était une période creuse pour le quartier et où la communauté locale essayait tant bien que mal de se prendre en main. Il y aura alors une grande éclosion d’organismes à cette époque qui vont contribuer à positionner Hochelaga-Maisonneuve comme la capitale du mouvement communautaire à Montréal, sinon au Québec. L’AHHM est issu de cette période », explique William Gaudry, historien professionnel et directeur de l’organisme.

William Gaudry, historien et directeur de l’AHMHM. Crédit photo : EMM.

Cette période « creuse » pour le quartier ouvrier, qui se poursuivra tout au long de la décennie suivante sur le plan économique, contribuait alors à perpétuer une image plutôt pauvre du territoire, dans tous les sens du terme. « La création de l’Atelier d’histoire avait aussi pour objectif de présenter Hochelaga-Maisonneuve sous un autre jour, parce que pendant bien longtemps, quand on entendait parler du secteur, c’était souvent en rapport avec la criminalité, la pauvreté, il y avait une aura de morosité autour de cette partie de l’est de Montréal, alors que le quartier est tellement riche en histoire et qu’il y a plein choses intéressantes à rappeler à son sujet, et surtout à faire découvrir aux nouvelles générations », soutient M. Gaudry.

C’est aussi dans les débuts de l’AHHM que l’historien Paul-André Linteau contribuera de façon significative à redorer le blason du quartier. En publiant en 1981 sa précieuse thèse de doctorat Maisonneuve ou comment des promoteurs fabriquent une ville, il braquera les projecteurs comme jamais sur l’ancienne Citée de Maisonneuve et ses bâtiments de prestige, uniques à Montréal. Ainsi, les passionnés d’histoire comme le grand public redécouvriront des icônes du patrimoine comme le Marché Maisonneuve, le Bain Morgan, la caserne de pompier Letourneux sur Notre-Dame, la bibliothèque Maisonneuve, le Château Dufresne, etc. Des bâtiments que la Ville met en valeur aujourd’hui, mais qui étaient pour la plupart presque laissés à l’abandon au début des années 1980.

Selon William Gaudry, l’AHHM a connu au fil des années des hauts et des bas en matière de réalisations, de recherches et d’activités en général. « Au tout début de l’organisme, l’Atelier produisait beaucoup de publications imprimées et organisait régulièrement des conférences. C’était dynamique, mais je dirais qu’à partir de la fin des années 1980 jusqu’en 1995, les activités ont beaucoup ralenti. Par contre, les réalisations en général, incluant le volet événementiel, les publications et la recherche, ne cessent de croître depuis 1995 », affirme le directeur.

Rue Saint-Malo. Archives AHMHM.

L’organisme prendra une nouvelle dimension en 2015 en fusionnant avec l’Atelier d’histoire de Longue-Pointe, qui dédiait ses recherches et ses activités aux secteurs de Mercier-Est et Mercier-Ouest. La nouvelle entité maintenant appelée Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve couvre donc le territoire de l’arrondissement de MHM, qui est d’ailleurs son principal partenaire et bailleurs de fonds. Longtemps au Château Dufresne, les bureaux de l’Atelier d’histoire sont maintenant situés dans un autre magnifique bâtiment historique appartenant à la Ville, soit au Bain Morgan, tout près du Marché Maisonneuve. Ils occupent une partie des anciens gymnases, en haut de la piscine, alors que la plupart des archives de l’organisme sont toujours à l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus.

La mission de l’AHMHM se décline en trois volets bien distincts, nous dit son directeur. La conservation des documents, cartes, objets, photos, etc. (archives), la recherche historique et la diffusion.

Toujours la rue Saint-Malo, cette fois au coin de Notre-Dame. Archives AHMHM.

L’apport d’historiens professionnels

« Ce qui nous caractérise à l’AHMHM, dans le réseau des sociétés historiques locales, c’est vraiment notre capacité de faire beaucoup de recherches professionnelles. Nous avons la chance d’avoir dans notre équipe la contribution régulière d’historiens diplômés qui maîtrisent bien toute la méthodologie que requièrent des recherches historiques. Souvent, les organismes locaux d’histoire et de patrimoine n’ont pas les sous pour engager des historiens et ce sont des bénévoles passionnés qui s’occupent de tout, dans la mesure de leurs moyens et de leurs capacités », explique William Gaudry, historien et seul employé permanent de l’AHMHM.

Si beaucoup d’activités au quotidien sont assurées par une équipe de bénévoles, essentiels à la survie de l’organisme dira M. Gaudry, l’AHMHM engage aussi régulièrement des professionnels pour monter différents projets et événements, contribuant à sa notoriété.

« Il y a aussi tout le côté important de l’archivage qui bénéficie de l’expertise d’historiens. L’Atelier procède depuis quelques années à un important travail de numérisation de milliers et de milliers de documents écrits, de photos, de plans, etc., qui est structuré et coordonné de façon professionnelle. Nous sommes en train de monter une banque de données qui sera certainement une des plus complètes et pertinentes pour un quartier montréalais et qui sera disponible éventuellement au grand public. Nos efforts sont beaucoup dirigés vers ce travail actuellement », dit M. Gaudry.

Archives AHMHM.

De belles réalisations

Ainsi, l’Atelier d’histoire propose aujourd’hui de l’information en continue sur l’histoire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve surtout via son site Web, mais aussi sur d’autres plateformes numériques comme bien sûr les réseaux sociaux, l’envoi d’infolettres, etc., en plus d’organiser régulièrement des conférences, ateliers et événements divers, malheureusement sur la glace en ce moment en raison du coronavirus.

Il y a en particulier, et tout récemment, deux projets « numériques » qui propulsent l’AHMHM au cœur des technologies de communication modernes. Le premier étant la série de balado-découvertes (avec vidéos) lancée en mai 2018, qui propose des parcours commentés dans l’arrondissement et que l’on peut facilement faire à pied (téléchargeable gratuitement). La société historique de MHM était alors la première du genre à emboiter le pas dans cette nouvelle technologie, un projet qui a connu, et qui continue de connaître, un succès éclatant. Un nouveau parcours, cette fois dédié au secteur Mercier-Ouest, est en cours de réalisation et devrait être disponible au public d’ici un an. L’autre projet est presque terminé, mais la pandémie actuelle en retarde la production finale. Il s’agit d’une série de 20 épisodes en baladodiffusion traitant de différents aspects historiques de l’arrondissement, qui devrait être lancée probablement à la fin de l’automne prochain.

Rue Ontario. Archives AHMHM.

Parmi les événements marquants réalisés par l’AHMHM au fil des années, William Gaudry soulignera notamment l’exposition de 2017 portant sur l’histoire du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, disponible d’ailleurs dès juillet sur le Musée virtuel canadien (sa thèse de doctorat traite du sujet du pont-tunnel), le projet de l’École d’antan en 2013-2014 où des groupes d’élèves étaient carrément immergés pendant une journée dans une classe des années 1930 (Château Dufresne), les croisières patrimoniales sur le fleuve lancées l’an dernier, et dans une moindre mesure, l’exposition récente sur La Bolduc.

Archives et collections

L’AHMHM possède une quantité impressionnante de documents imprimés de toutes sortes liés à l’histoire et au patrimoine de l’arrondissement. L’organisme procède depuis quelques années déjà à numériser systématiquement tous ces documents, un véritable travail de moine qui va demander encore plusieurs années de la part d’une armée de bénévoles.

Parmi ces documents se retrouvent notamment des fonds privés comme ceux de la politicienne Louise Harel, de la défunte CDEST, du Collectif d’aménagement Hochelaga-Maisonneuve, de caisses populaires, etc. L’organisme a également hérité de la plupart des archives des journaux locaux, et même du fonds du photographe Réjean Gosselin composé de pas moins de 300 000 négatifs (longtemps actif dans des journaux tels que Nouvelles de l’Est, Flambeau de l’Est, dans la deuxième moitié du XXe siècle). L’AHMHM possède même sa collection d’appareils photographiques et accessoires de développement de photo.

L’Atelier a accumulé quelques objets au fil du temps, mais aujourd’hui, sauf exception, on refuse les dons de ce genre. « Comme nous ne pouvons pas mettre les objets en valeur, ce qui est le rôle d’un musée, nous n’avons pas vraiment intérêt à accumuler des objets et à payer en bout de ligne pour les conserver dans une voûte. Ce que l’on recherche plutôt aujourd’hui, ce sont des documents, en particulier des images ou des photos, qui nous renseignent sur l’histoire et le patrimoine de l’arrondissement. On préfère aussi numériser ces images et les remettre aux propriétaires, car encore une fois nous essayons d’éviter d’accumuler du matériel quand c’est possible », explique M. Gaudry. L’AHMHM a numérisé jusqu’à ce jour environ 15 000 photos en rapport avec MHM.

Si certains documents peuvent avoir une valeur monétaire significative, l’organisme ne dispose malheureusement pas de budget pour l’achat de vieux livres ou de photos. Toutefois, l’AHMHM peut donner un reçu de charité (pour fin d’impôt) si la donation a une certaine valeur. Par exemple, les archives du photographe Réjean Gosselin ont été évaluées à 50 000 $.

Maison canadienne autrefois à Tétreaultville. Archives AHMHM.

Les services de l’AHMHM

À part les publications courantes et événements de l’Atelier d’histoire, l’organisme offre certains services plus ou moins connus du grand public, mais qui valent la peine qu’on les regarde de plus près. En particulier celui de recherches historiques sur mesure. « La demande que nous avons le plus souvent, et de loin, c’est de trouver de l’information sur un bâtiment spécifique. Par exemple concernant son année de construction réelle, les propriétaires d’origine, l’évolution architecturale du bâtiment, car dans Mercier surtout, on sait qu’il y a beaucoup de lacunes dans le registre foncier et dans les données datant d’avant 1950 », nous dit l’historien.

Bien sûr, il y a aussi beaucoup de demandes pour la consultation d’archives dans les locaux de l’organisme, soit pour des documents de références ou pour des photos d’époque. Ce qui peut se faire, mais de préférence sur rendez-vous.

L’AHMHM organise également des ateliers et des conférences sur mesure pour des groupes et dans le domaine privé, selon les besoins et les budgets alloués.

Finalement, pour les intéressés, sachez qu’il est possible de devenir membre de l’Atelier d’histoire et de bénéficier ainsi de certains avantages comme des conférences exclusives et des rabais sur des publications et événements. Vous contribuerez ainsi également à la pérennité de l’organisme. Si vous désirez offrir vos services à titre de bénévole, vous pouvez communiquer avec la direction via le site Web de l’AHMHM.

https://ahmhm.com/


Le dossier spécial Mercier−Hochelaga-Maisonneuve a été rendu possible grâce à la collaboration des partenaires suivants :