Le bureau de l’éducatrice spécialisée et psychoéducatrice de la Maison Bleue de Montréal-Nord (Courtoisie Maison Bleue)

UNE 5E MAISON BLEUE, CETTE FOIS À MONTRÉAL-NORD

Une cinquième Maison Bleue montréalaise a été inaugurée le 26 janvier dernier. Après Côte-des-Neiges, Parc-Extension, Saint-Michel et Verdun, c’est au tour de Montréal-Nord d’accueillir l’organisme à but non lucratif qui vient en aide aux femmes enceintes en situation de vulnérabilité afin de favoriser le développement optimal des tout-petits. Il s’agit d’un territoire où les besoins se faisaient ressentir. 

Débutées il y a deux ans, les rénovations de l’immeuble viennent tout juste d’être finalisées. Située au 4896, rue Charleroix, cette toute nouvelle Maison Bleue était très attendue : « C’était un accouchement difficile, mais c’est un beau bébé », plaisante Amélie Sigouin, cofondatrice et directrice générale de la Maison Bleue, travaillent pour l’organisme depuis ses débuts, en 2007. À l’instar des autres maisons du groupe, la Maison Bleue de Montréal-Nord permettra d’accueillir des femmes enceintes afin de leur offrir un accompagnement médical, psychosocial, éducatif et juridique, et de permettre le développement optimal de leurs jeunes enfants sur une période bien spécifique, soit de la grossesse de la mère jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans, moment de leur entrée à l’école. L’organisme suivra 80 nouvelles grossesses par année, comme chaque maison déjà existante. Chacun des autres sites gère actuellement entre 700 et 800 dossiers par année. 

De nombreux représentants étaient présents lors de l’inauguration le 26 janvier dernier, dont la ministre de la Famille, Suzanne Roy (2e en partant de la gauche) ou encore la mairesse de Montréal-Nord, Christine Black (3e en partant de la droite) (Courtoisie Maison Bleue)

Un arrondissement dans l’urgence 

L’organisme vient s’implanter dans un secteur de la ville où les enjeux de pauvreté et de vulnérabilité sont importants : « Il y avait beaucoup de familles de Montréal-Nord qui venaient à notre Maison Bleue de Saint-Michel », confie Amélie Sigouin. L’arrondissement possède un taux anormalement élevé de familles vivant sous le seuil de pauvreté, soit deux fois plus que sur le reste de l’île de Montréal, selon l’analyse du Centraide du Grand Montréal. Cette situation produit des manques, comme le fait que « 30 % des femmes n’aient pas de suivi à leur premier trimestre de grossesse », indique la directrice générale de la Maison Bleue. 

Comme c’est le cas pour les autre sites, le budget de cette nouvelle Maison Bleue est de 1 M $ : « Il a fallu 500 000 $ pour l’achat de la maison et l’autre moitié pour les rénovations ainsi que les équipements », explique la présidente. En plus du Groupe de médecine familiale Pas-à-Pas et du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, le ministère de la Santé et des Services sociaux a également appuyé financièrement le projet. La Maison Bleue a aussi bénéficié de levées de fonds et de dons individuels. 

À l’instar des autres modèles de maisons, le site de Montréal-Nord possède une salle d’attente, une salle de jeux pour les touts-petits et une salle de rencontre. À l’étage, se trouvent les bureaux : ceux de la travailleuse sociale, de l’infirmière, de la sage-femme, du médecin, de la psychoéducatrice et de la coordinatrice. L’étage bénéficie également de plusieurs espaces destinés aux étudiants : « On a vraiment une mission d’enseignement qui est importante. On a des résidents en médecine et des stagiaires en service social », souligne Amélie Sigouin.

La salle d’attente du site de Montréal-Nord (Courtoisie Maison Bleue)

Un encadrement hybride 

Suivi avec les médecins, rencontre avec les psychoéducatrices, cours prénataux, ateliers avec bébé après l’accouchement… L’équipe de chaque Maison Bleue, conjointement avec le médecin de famille, offre un encadrement complet pour la mère, l’enfant et le père. Si la sage-femme s’occupe des rencontres pré-natales, post-natales et du soutien à l’allaitement, l’infirmière s’occupe de réaliser la vaccination et le suivi de santé des tout-petits. Quand à la travailleuse sociale, cette dernière s’occupe de dresser le portrait psychosocial de chaque nouvelle entrante. Avec l’aide des organismes de quartier, elle répondra ensuite aux besoins et défis de chaque famille. L’éducatrice spécialisée ou psychoéducatrice réalise des évaluations de développement des tout-petits et leur entrée à l’école : « Elle peut par exemple travailler le lien entre la mère et le bébé lors d’une grossesse non voulue. On travaille cet enjeu déjà en prénatal pour s’assurer que le petit soit bien accueilli », raconte la directrice générale de l’organisme.

Les professionnels de la santé de l’organisme gèrent aussi des enjeux difficiles, tels que la question de post-trauma résultant des violences sexuelles que certaines femmes ont vécues ou des césariennes antérieures ratées dans leur pays d’origine. La sage-femme veille à humaniser de nouveau la grossesse afin de permettre aux femmes enceintes de retrouver confiance en elle : « Elles reprennent le contrôle de leur corps, de leur accouchement et de leur vie », explique Amélie Sigouin. 

Amélie Sigouin, cofondatrice et directrice générale de Maison Bleue fait un discours durant l’inauguration du 26 janvier (Courtoisie Maison Bleue)

La Maison Bleue s’occupe également de faire le lien entre les femmes et les différents organismes de quartier : la banque alimentaire, la joujouthèque, les services d’immigration, de logement… « On sert de passerelle pendant une période charnière dans une famille qui a un grand potentiel de transformation », insiste-t-elle. 

Depuis 2022, le groupe de la Maison Bleue a ajouté le volet juridique à sa mission : « On a réalisé que les familles ne connaissent pas leurs droits et sont craintives. Certaines ont par exemple peur de s’opposer à un logement insalubre par crainte d’expulsion. » L’organisme propose donc des services en droit du logement, droit de l’immigration, droit de la famille et droit criminel.

Se relever 

Les mères qui demandent l’aide des Maisons Bleues cumulent souvent plusieurs facteurs de vulnérabilité : des problèmes de santé mentale, de la monoparentalité, de l’isolement, de la violence conjugale, de la toxicomanie… Et les familles sont majoritairement issues de l’immigration récente : « C’est représentatif des quartiers dans lesquels on s’implante. Le fait de ne pas parler la langue du pays appuie l’isolement de la femme enceinte qui vient de vivre un parcours migratoire compliqué. Certaines sont contraintes de laisser leur premier enfant au pays… Ce sont des femmes très fortes qui font preuve d’une résilience incroyable », souligne Amélie Sigouin. 

Pour l’accouchement, les femmes le font à l’hôpital ou à la maison de naissance mais « 90 % choisissent l’hôpital », renseigne la présidente. Chaque Maison Bleue se réfère à un hôpital proche de son site. Celle de Montréal-Nord dirigera les femmes enceintes dont elle s’occupe vers l’hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal.

Le groupe a pour ambition d’ouvrir cinq autres Maisons Bleues au cours des cinq prochaines années : « L’important est de répondre aux besoins. Actuellement, on ressent un besoin sur le territoire montréalais, mais également à Laval et Longueuil », informe Amélie Sigouin. Le groupe de la Maison Bleue est le seul organisme du Québec à offrir un tel service d’accompagnement entièrement gratuit pour les femmes enceintes. À noter que bien que la Maison Bleue de Montréal-Nord soit ouverte, les services ne débuteront qu’au mois d’avril.