VSP UTILISE DES POUVOIRS EXCEPTIONNELS POUR FAIRE PROGRESSER UN PROJET IMMOBILIER
L’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (VSP) s’est prévalu de nouveaux pouvoirs exceptionnels pour faire avancer un projet immobilier, justifiant sa décision en citant le contexte actuel de la crise du logement. Toutefois, des citoyens qui suivent le dossier depuis plusieurs années se disent « extrêmement déçus » de ne pas avoir été consultés.
Un édifice doit sortir de terre sur le terrain vacant du 7030, boulevard Saint-Michel. Le chantier, porté par le promoteur Mondev, prévoit la construction d’un bâtiment de 178 logements dont la hauteur maximale sera de six étages.
Pour accélérer sa construction, les élus de VSP ont choisi d’utiliser pour la toute première fois des pouvoirs exceptionnels octroyés par le gouvernement du Québec dans le cadre de la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation, adoptée en février 2024.
Selon l’Ordre des urbanistes du Québec, « l’article 93 de la loi, anciennement l’article 37.2, accorde aux municipalités un pouvoir temporaire d’autoriser, par résolution, des projets d’habitation d’au moins trois logements, en dépit de la réglementation d’urbanisme en vigueur ».
En effet, le projet déroge à la réglementation d’urbanisme de VSP dans ce secteur, notamment en raison de sa hauteur.
« La principale raison pour laquelle nous avons décidé d’utiliser les pouvoirs exceptionnels, c’est parce que nous avons un site avec un fort potentiel de développement qui se trouve à proximité d’une station de métro dans un secteur qui n’est pas si dense que ça », explique Sylvain Ouellet, conseiller dans le district de François-Perrault, là où est situé le site à développer.
La résolution a ainsi été adoptée lors du conseil d’arrondissement au début du mois de décembre et devrait ainsi accélérer le processus de construction d’environ six mois, selon les estimations de l’élu. Le projet pourrait passer en première lecture d’adoption en janvier 2025.
Bien que la construction du complexe immobilier contribue à la création de logements, dans un contexte où le taux d’inoccupation des logements locatifs à Montréal est inférieur à 3 %, le conseiller admet que le projet du promoteur n’inclut pas de logements sociaux. « Il n’est pas prévu d’avoir des logements sociaux sur le site, parce que pour avoir des logements sociaux, ça prend un certain nombre de portes. Si on calcule en fonction de la demande et de notre règlement, ça n’aurait pas fait assez de portes », insiste M. Ouellet. Ce dernier affirme que le logement social n’est pas la spécialité du promoteur immobilier Mondev.
Fin d’une longue saga?
Plusieurs résidents du quartier reconnaitront le site visé par le chantier comme l’emplacement de l’ancienne épicerie Esposito. La fermeture de cette dernière en 2020 avait soulevé un tollé auprès des citoyens, qui avaient dénoncé le départ du seul point de vente d’aliments abordables dans le quartier, qualifié par plusieurs de désert alimentaire. Par ailleurs, des pétitions avaient circulé pour que le projet de Mondev intègre une offre de commerce alimentaire.
Ce ne sera pas le cas, explique M. Ouellet, qui rappelle que le choix de fermer l’épicerie avait été pris par le propriétaire avant l’annonce du projet immobilier. « C’était un commerce qui était en fin de vie. Le promoteur possède un terrain dont le zonage est mixte. Il peut donc faire du commercial et du résidentiel ou exclusivement l’un ou l’autre. Il a opté pour faire seulement du résidentiel et nous ne pouvons pas le forcer à faire autrement selon la réglementation », affirme-t-il.
Certains citoyens plaidaient également pour un projet offrant une densité plus modérée. Ainsi, en avril dernier, un groupe de résidents avait pu forcer l’arrondissement à rejeter une première version du projet immobilier proposée par Mondev à la suite d’un processus référendaire. Puis, en novembre de la même année, une version mise à jour du projet, respectant les règles de zonage et des hauteurs, avait été adoptée.
« Nous sommes extrêmement déçus par cette nouvelle, puisque le projet de deux étages (119 logements) avait déjà été adopté le 7 novembre 2023 par le conseil municipal à la suite d’un processus démocratique dans les règles, où 145 signataires ont signé un registre pour empêcher la construction d’une version de quatre étages sur ce même terrain », martèle Chloé Baillargeon, membre de la mobilisation citoyenne dans ce dossier.
Dans un courriel, celle-ci affirme être prise de court par la décision de l’arrondissement, car « le bâtiment fut démoli cet été et la population avait la certitude que la construction du projet commencerait sous peu ».
« Nous sommes foncièrement mécontentés que l’arrondissement utilise la loi spéciale sur ce projet et les citoyens concernés se sentent floués par l’arrondissement et les élus. Les citoyens ont suivi les règles, ils se sont butés à la bureaucratie et à toutes les étapes nécessaires pour arriver à une victoire citoyenne sur ce dossier », poursuit Mme Baillargeon.
Cette dernière affirme également être surprise par le fait que le projet n’ait toujours pas de commerces inclus dans le bâtiment malgré son importante stature.