Le vieux moulin de P.A.T. (Photo : EMM).

VIEUX P.A.T. : LA CURE DE JOUVENCE PROLONGÉE JUSQU’EN 2030

S’il est plutôt rare qu’un secteur de la ville fasse l’objet d’un deuxième Programme particulier d’urbanisme (PPU) consécutif, c’est ce qu’a annoncé l’arrondissement de RDP-PAT la semaine dernière pour le Vieux-Pointe-aux-Trembles, dans ce cas-ci l’ampleur du travail à faire pour rehausser la qualité de vie de ce quartier impose certainement une autre décennie de réaménagements et de transformations en accéléré.

Le territoire visé par le PPU. L’image est tirée de la présentation Power Point de l’arrondissement.

Force est de constater que l’administration municipale avait vu trop grand trop vite dans l’élaboration de son premier PPU (2009-2019) ayant pour objectif de revitaliser le plus ancien secteur résidentiel de Pointe-aux-Trembles, qui avait plutôt manqué d’amour depuis quelques décennies, certains résidents utiliseront d’ailleurs des mots moins jolis lors de la présentation du bilan mercredi soir dernier pour décrire l’état de certains quadrilatères. Ceci étant dit, il faut aussi admettre que la ville a fait un travail colossal dans le cadre de ce PPU afin de redonner particulièrement du lustre aux places publiques et mettre en valeur plusieurs structures patrimoniales de grand intérêt, un pas de géant vers une nouvelle ère pour ce quartier.

Le nouveau belvédère situé à l’arrière de la Maison du citoyen. (Photo : Ville de Montréal).

Vieux moulin, Place du village, Maison du citoyen, Belvédère, navette fluviale, nouvelle signature visuelle de l’arrondissement, efforts soutenus pour animer le secteur et organiser des événements, bref, l’arrondissement a en effet donné un sérieux coup de barre ces derniers dix ans pour rehausser la qualité de vie de ce quartier, des investissements totalisant près de 40 M $. Peu d’exemples du genre peuvent se comparer à Montréal depuis les années 2000, du moins pour la revitalisation et la mise en valeur des places publiques dans un quartier résidentiel.

« Selon moi la reconstruction, la revitalisation des nombreuses places publiques dans le Vieux-Pointe-aux-Trembles, incluant bien sûr la mise en valeur des vestiges patrimoniaux, a permis aux citoyens de se réapproprier le quartier, et cela est vraiment le point majeur du premier PPU. Je dirais même que le Vieux-Pointe-aux-Trembles est redevenu un lieu de destination pour l’ensemble des résidents de l’arrondissement, et dans une certaine mesure, pour tout l’Est de Montréal », affirme la mairesse de RDP-PAT, Caroline Bourgeois, qui était d’ailleurs conseillère de ville dans cet arrondissement au tout début du PPU en 2009.

Plus de cinquante personnes ont assisté au bilan du premier PPU du Vieux-Pointe-aux-Trembles la semaine dernière. (Photo : EMM).

Avec environ 70 % du plan complété selon la ville, d’autres éléments guidés par le premier PPU ont bien sûr été réalisés, moins spectaculaires comme le stationnement du Centre Roussin ou le réaménagement de certains tronçons du boulevard Saint-Jean-Baptiste à titre d’exemples. Mais ce qui ressort aussi de l’analyse du bilan, c’est que trois aspects majeurs du développement du Vieux-Pointe-aux-Trembles doivent, dans les années à venir, être repensés en profondeur et faire l’objet, en priorité, d’actions significatives. Il s’agit de la reconstruction de la rue Notre-Dame, de l’offre commerciale et de la densification du territoire.

Vue sur la Place du Village. (Photo : Ville de Montréal-La Vitrine).

Vieux-PAT phase II

Le cœur du vieux village de Pointe-aux-Trembles est traversé par la rue Notre-Dame, qui d’un côté offre en grande partie une vitrine sur les places publiques et le fleuve, et de l’autre sert de principale artère commerciale pour les résidents des alentours. Reconnue pour sa vétusté, sa plus ou moins efficacité et sa configuration d’une autre époque, la rue Notre-Dame demeure encore et toujours, malgré bien des projets depuis les années 1960, le point central d’une réelle renaissance du Vieux-Pointe-aux-Trembles. La vitalité de l’offre commerciale en dépend, mais aussi évidemment le développement d’un réseau de transport structurant, ainsi que l’attractivité résidentielle du secteur. D’ailleurs à ce sujet, soulignons que la population du quartier a quelque peu décliné depuis 10 ans, alors qu’elle est en hausse partout ailleurs dans l’arrondissement, tout comme dans la grande majorité des quartiers montréalais. La valeur des logements est aussi l’une des plus basses de la métropole.

La bonne nouvelle, c’est que l’administration Plante et le gouvernement Legault semblent vraiment déterminés à procéder à un réaménagement complet de la rue Notre-Dame, de la Pointe-de-l’Île aux environs du Pont Jacques-Cartier. Il s’agit d’une promesse phare de la ministre responsable de la métropole, Chantal Rouleau, ancienne mairesse de l’arrondissement. Un bureau de projet a même été créé à ce sujet peu de temps après la prise de pouvoir de la CAQ. Peu de nouvelles en sont sorties jusqu’à maintenant mais on nous répète, tant du côté de Montréal que de Québec, que le travail se poursuit activement et que des annonces seront faites incessamment. La moins bonne nouvelle, c’est que cette attente freine inévitablement les ardeurs de l’arrondissement pour qui la revitalisation de la principale artère s’avère aujourd’hui la pierre angulaire pour dynamiser le quartier. À la demande incessante des commerçants du coin, la ville répond que la patience est de mise, mais que les travaux finiront par se faire.

« Il faut comprendre que nous n’en sommes pas qu’à simplement refaire les trottoirs et mettre deux couches d’asphalte, la rue Notre-Dame devrait être bientôt complètement éventrée, reconfigurée, repensée, c’est ça qui se dessine. Alors c’est difficile d’annoncer des travaux moins importants pour régler des problèmes ici et là quand on sait que tout cela risque d’être démoli d’ici quelques années. Par ailleurs, l’arrondissement travaille de très près avec la ville-centre pour la planification de cette portion de Notre-Dame, nous ne sommes pas passifs dans ce dossier », explique Caroline Bourgeois. Toujours concernant le dossier Notre-Dame, nous n’en savons également pas plus sur l’éventualité d’y insérer une voie du REM, de tramway, ou si c’est l’axe de la friche ferroviaire du CN, plus au nord, qui sera retenue. Il s’agit probablement du principal élément qui influencera l’ensemble du projet de reconstruction de la rue Notre-Dame.

Malgré ces conditions et la grogne des commerçants qui s’intensifie, plusieurs étaient présents lors de la soirée d’information pour réclamer une aide plus soutenue de la part de l’administration municipale, l’arrondissement a tout de même posé des gestes concrets depuis le premier PPU pour tenter de redynamiser le volet commercial aux abords de Notre-Dame. Ainsi, malgré la densité relativement faible des commerces sur l’artère, l’arrondissement a convaincu la ville-centre d’y implanter le programme PRAM-Commerce qui offre des subventions importantes pour notamment l’amélioration des façades et des infrastructures abritant des commerces. Par contre, et ce malgré l’âge avancé de la plupart des bâtiments sur Notre-Dame, très peu de propriétaires de commerce se sont jusqu’à maintenant inscrits au programme. Certains ont affirmé lors de la rencontre citoyenne qu’ils attendaient de voir le plan de reconstruction de la rue Notre-Dame avant de bouger. La poule et l’œuf, quoi.

De plus, l’arrondissement a embauché il y a quelques mois une nouvelle commissaire au développement commercial dont le principal mandat est d’attirer de nouveaux commerces de proximité, et de combler en priorité les locaux commerciaux vacants. Un investissement tout de même important mais qui est trop récent encore pour en évaluer les résultats. « On ne reste pas les bras croisés, on continue de poser des gestes pour améliorer l’offre commerciale dans le Vieux-Pointe-aux-Trembles, même si le dossier de Notre-Dame n’est pas encore réglé. Et on continuera de le faire dans le cadre du prochain PPU », soutient la mairesse de RDP-PAT.

Quant à l’objectif déjà annoncé de densifier le quartier, les avenues restent toutefois minces pour l’administration municipale compte tenu qu’il existe très peu de terrains actuellement propices à du développement résidentiel. Selon Caroline Bourgeois, cela devra se faire surtout par la requalification et la reconstruction-rénovation de bâtiments déjà existants. « Il faudra aussi attendre de voir si une nouvelle configuration de Notre-Dame viendrait offrir des possibilités pour le développement de complexes résidentiels, mais pour le moment j’envisage surtout une mise à niveau du parc résidentiel actuel. Il y a sûrement moyen d’augmenter le nombre et la qualité de logements en stimulant la reconstruction et la rénovation, et encore plus pertinent, il ne faudrait surtout pas dénaturer le patrimoine et la signature architecturale du Vieux-Pointe-aux-Trembles », avance-t-elle.

Les consultations citoyennes en vue de l’élaboration du prochain PPU devraient avoir lieu ce printemps, alors que le projet final devrait être présenté à l’automne et adopté par le conseil d’arrondissement à l’hiver 2020.