VERDISSEMENT : LE POTENTIEL CACHÉ DES TERRAINS VAGUES
Verdir des terrains urbains est une arme dans l’arsenal contre les changements climatiques et pour la décontamination des sols. Les phytotechnologies, une panoplie de techniques qui fait appel aux plantes vivantes afin de résoudre des problèmes environnementaux, ont mené un biologiste à examiner les terrains de l’est de Montréal et leur potentiel de reconversion en espaces verts.
Maxime Fortin Faubert est un chercheur pour l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). À la suite de l’obtention d’une bourse de la Fondation David Suzuki en 2018-2019, il a mis sur pied une étude mettant en lumière quels sont les terrains à l’est du boulevard Pie-IX qui augmenteraient la résilience de Montréal face aux changements climatiques grâce à leur verdissement.
L’étude a été réalisée sur un territoire de 119,62 km carrés situé dans les villes de Montréal et Montréal-Est et a identifié 6,6 km carrés d’espaces vacants potentiellement contaminés (soit 5,5 % de l’aire d’étude).
Ces terrains en friche ont été classifiés en fonction de leur priorité de verdissement sous différentes catégories : non prioritaire, peu prioritaire, moyennement prioritaire, prioritaire et hautement prioritaire. La présence d’îlots de chaleur, de zones inondables, le manque de végétation et des populations vulnérables à proximité des terrains sont des facteurs qui ont été pris en compte pour leur décerner un niveau de priorité.
« Les résultats révèlent que près du tiers des espaces identifiés (2 km carrés) appartiennent aux administrations municipales ou provinciales, et que 19 % (0,4 km carré) des espaces municipaux sont considérés comme étant prioritaires et hautement prioritaires au verdissement », note-on dans le document.
La liste des terrains, représentée sous forme cartographique, pourrait ainsi aider les décideurs publics au niveau municipal ou provincial à choisir quels endroits méritent d’être requalifiés par un verdissement, croit M. Fortin Faubert. D’ailleurs, celui-ci insiste sur le fait que l’étude a voulu surtout « tester une méthodologie » qui pourrait éventuellement être développée en un outil complet. Durant les prochaines années, le chercheur désire étendre ses travaux à l’ensemble de l’Île de Montréal. Entre-temps, il espère que davantage de données seront rendues accessibles par les divers paliers de gouvernement sur la caractérisation des sols, peu importe si les terrains appartiennent au domaine public ou privé. De plus, le chercheur propose que tout terrain défriché qui est vacant depuis plus de deux ans devrait être soumis à une caractérisation par obligation légale ou réglementaire.
La résilience des végétaux
Ces dernières années, les phytotechnologies, et plus particulièrement la requalification des sols contaminés par les végétaux (la phytoremédiation), ont beaucoup fait parler d’elles. La Ville de Montréal avait lancé en 2016 un projet pilote sur trois hectares de terrains à proximité des installations de la pétrolière Suncor, où l’on avait choisi de tester l’efficacité de divers végétaux, dont des saules, des peupliers et des herbacés, afin de décontaminer des sols. Les résultats préliminaires avaient été qualifiés de « prometteurs ».
Le principe est simple : les plantes absorbent grâce à leurs racines les contaminants et les dégradent jusqu’à ce que leur présence atteigne un taux acceptable dans les sols. Les contaminants ainsi extraits sont capturés dans les plantes et ne se retrouvent plus dans le cycle des eaux par exemple.
Toutefois, selon M. Fortin Faubert, il y a plusieurs autres avantages à planter des végétaux sur les espaces laissés en friche. Sur les terrains vacants qui sont peu végétalisés et où l’on connaît des problématiques d’îlots de chaleur, la présence de d’arbres et de plantes peut aider à combattre les vagues de chaleur « de plus en plus intenses » avec les changements climatiques.
Aussi, les pluies abondantes risquent d’être de plus en plus fréquentes dans les prochaines décennies. Or, les plantes ont la capacité d’augmenter la capacité des sols à absorber les précipitations, évitant ainsi les inondations à répétition. « Quand il pleut, les feuilles captent une partie de l’eau qui ne peut pas se rendre au sol. Mais aussi les arbres vont consommer l’eau, la transpirer pour qu’elle s’évapore. Ça fait un peu la gestion des eaux pluviales, ça limite le lessivage et la propagation des contaminants qu’il y aurait eu normalement si les terrains vacants étaient peu végétalisés », indique le biologiste.
Il y a tout de même des limites aux phytotechnologies, concède le chercheur. « La phytoremédiation ça ne s’applique pas à tous les types de terrains contaminés. Il y a vraiment beaucoup de terrains contaminés qui ont du remblai par exemple, et il y a juste l’excavation qui peut régler ça. »