Rainbow. (Photo: Courtoisie Jean-Sébastien Sénécal).

UN CAFÉ AVEC… RAINBOW

Fière résidente de Tétreaultville, la multicolore Rainbow (Fred pour les intimes) nous a donné rendez-vous au royaume du kitsch, à la Place Versailles « au petit café en face du Pharmaprix », pour nous accorder une entrevue. Depuis près de 12 ans, le personnage électrifiant brûle les planches de la scène, que ce soit dans les cabarets, lors d’événements spéciaux ou dans le cadre de son podcast croustillant intitulé « Entre 2 Lèvres », qu’elle anime avec sa comparse Mona de Grenoble. Prochainement, Rainbow présentera un spectacle pour la programmation culturelle de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, une occasion pour le grand public d’en apprendre davantage sur l’univers du drag.

 

EST MÉDIA MONTRÉAL : Tu as proposé qu’on se rencontre à la Place Versailles. Qu’est-ce qui t’attire dans ce lieu?

Rainbow : Mon personnage est très dans le niché, dans la nostalgie. C’est pour cela que j’ai choisi la Place Versailles pour notre entrevue, avec la boutique de linge Rainbow, la fontaine qui passe des messages dans l’eau. Moi, c’est mon rêve un jour de faire écrire mon nom sur la fontaine (rires).

Sinon, j’ai travaillé à la Place Versailles il y a longtemps dans la vente de téléphones cellulaires dans un petit kiosque, et aussi pour le magasin de vêtements punk-rock D-Tox. J’en ai vu des personnages, j’en ai entendu des répliques qui valent de l’or. Je trouve qu’il y a quelque chose de mythique à la Place Versailles. D’ailleurs, je suis ben triste qu’ils aient fermé le Dunkin’ Donuts, c’était le seul qui restait au Québec! (rires).

EMM : Tu as un spectacle qui s’en vient dans le cadre de la programmation culturelle de MHM, le 31 mars prochain. Peux-tu nous donner un avant-goût de cet événement?

R : J’ai vraiment hâte! Au début, quand on a eu le contrat, on s’est demandé : « est-ce qu’on le fait familial ou pas ? ». Dans le passé, j’ai prouvé que j’étais capable de faire des shows familiaux, par exemple le spectacle « Noël chez Rainbow », qui a eu lieu à Joliette l’année passée et qui part en tournée cette année.

Donc, c’est un show familial. Je suis très content qu’on ait créé ce genre de contenu, surtout avec tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, aux États-Unis, avec les shows de drag au Tennessee.

Rainbow. (Photo: Courtoisie Jean-Sébastien Sénécal).

Je me dis qu’on a bien fait de le faire, que c’est important. Je ne suis pas seul, et c’est un défi pour tout le monde dans l’équipe de monter un show plus familial, mais tout le monde est prêt à le relever. On y est allé avec une liste de règlements sur les chansons et les costumes que je vais pré-approuver. Mon but, c’est que les parents puissent amener leurs enfants et que ça crée de belles discussions par la suite. C’est sûr que j’ai habituellement un humour qui est quand même assez grivois, mais je suis la pro de la joke Disney, c’est-à-dire que les enfants vont comprendre une chose, mais que les parents vont en comprendre une autre. Et puis, si je peux rassurer les parents, même si je suis connu pour le podcast « Entre 2 Lèvres » qui est quand même assez trash, ce n’est vraiment pas le contenu que vous allez entendre ce soir-là. Le show est vraiment adapté pour tout le monde.

C’est du cabaret, c’est de l’humour, y’a du stand-up, y’a de la performance. J’ai aussi très hâte de faire une partie qui intégrera de l’interaction avec le public. Si les gens ont des questions qu’ils n’oseraient pas poser habituellement, il va y avoir une partie dans le spectacle pour cela. Pour démystifier certaines choses à propos de la drag. Parmi les artistes invités, il y a aura La Drag On-Fly, Rawxy, Aizysse Baga. Ce sont toutes des drag qui viennent d’Hochelag’!

EMM : Tu mentionnes ce qui se passe aux États-Unis en ce moment. Ça t’inquiète les répercussions contre les spectacles de drag?

R : Personnellement, non, je ne suis pas inquiet. Les gens qui viennent voir nos show ici, ils veulent être là. Mais, j’ai eu une grosse prise de conscience à la suite des événements aux États-Unis. On voit qu’on a la chance de pouvoir faire ces spectacles-là, par rapport aux gens du Tennessee, où ils ne peuvent plus faire de représentations dans les lieux publics, devant les enfants, et que certains bars ont été forcés de fermer. Je pense que j’ai réalisé la chance qu’on a, surtout que je peux en vivre. Je suis de tout cœur avec nos collègues aux États-Unis, il y a des gens qui vont perdre leur loyer, leur maison, s’ils vivent du spectacle, et c’est ridicule.

EMM : Comment as-tu créé le personnage de Rainbow?

R : Je suis sorti un soir au Cabaret Mado et j’ai capoté sur l’ambiance, le monde qui criait. Je me suis dit que j’avais envie de faire ça, mais j’étais un peu gêné de faire du drag. Quand j’ai commencé, ça fait 12 ans cette année, ce n’était pas aussi populaire que maintenant. Au début j’étais un « back-up dancer ». Puis, après un certain temps, je me suis dit : « ah, les drags devraient faire ci ou ça », alors quelqu’un m’a répondu : « bien, fais-le ». C’est ce qui est arrivé!

J’ai été très chanceux dans ma carrière, j’ai eu une première audition et la semaine d’après j’avais un booking pour remplacer quelqu’un. La semaine suivante, j’avais une job derrière le bar comme shooter girl. J’ai commencé mes toutes premières jobs au défunt Drugstore, ensuite j’ai travaillé au Club Unity et par la suite, j’ai fait des quarts de travail au bar du Cabaret Mado. Ensuite, j’ai fait mes propres booking et j’ai pu lâcher les jobs derrière le bar. Je n’étais pas très bon (rires), une fois sur deux je me trompais dans les commandes des clients. Ma réplique à l’époque c’était : « tu vas boire ce que je t’ai donné, il n’y a pas de remboursement ».

L’avantage de travailler derrière le bar, c’est que ça m’a permis de travailler sur mon improvisation, d’être rapide sur mes répliques. Dans mes spectacles, 90 % de mon matériel ce n’est pas écrit, c’est de l’impro, c’est ce qui arrive sur le moment. Il y a seulement 10 % qui est écrit à l’avance. Ça m’a permis d’être vite sur mes patins, je crois être une bonne animatrice parce que je suis capable d’entretenir une conversation et faire lever le party rapidement.

EMM : En quoi consistent habituellement tes spectacles?

R : J’aime tout ce qui est quétaine. Je fais beaucoup de références à la culture québécoise. J’aime tout ce qui est high-energy, je ne fais pas dans le slow. Faut que ça bouge : du Aqua, du Andrée Waters, les Vengaboys, du Lady Gaga et du Shania Twain, parce que c’est mon idole.

Le personnage de Rainbow est complètement à l’opposé de Fred. J’ai toujours aimé les paillettes et la mode, mais dans l’attitude et les propos, Rainbow c’est mon contraire. J’ai toujours cru que la meilleure façon de l’expliquer, c’est que Rainbow, c’est comme un vomi de Froot Loops.

Rainbow, elle est aussi définie par la nostalgie pour les années 2000. Si tu viens me voir en spectacle, attends-toi à entendre une « toune » que ça fait longtemps que tu n’as pas entendue, mais qui t’a fait tellement « tripper ».

Rainbow. (Photo: Courtoisie Jean-Sébastien Sénécal).

Le défi que j’ai en ce moment, c’est que je vais avoir 30 ans, et on a une génération de gens qui viennent tout juste d’avoir 18 ans et qui débarquent à mon show. Je vois dans les yeux des gens qu’ils ne savent pas c’est qui Andrée Waters, qu’ils ne savent pas c’est qui Gabrielle Destroismaisons.

Je m’adapte. Les jokes d’Annie Brocoli en show, certaines personnes vont les comprendre, mais ça va être un meilleur punch si je fais une joke de la Pat’Patrouille. On est rendu là. J’m’en viens vieille un peu (rires).

EMM : Tu parles aussi de reflux gastriques, de Pepto-bismol et d’anxiété dans tes spectacles, quelque chose qu’on n’associe pas nécessairement avec les drag queens. Ça vient d’où?

: Un des bons effets de la pandémie, c’est que j’ai pu mettre des mots sur ce que je vivais. Avant, j’en ai fait des attaques de panique et des crises d’angoisse, mais je ne savais pas nécessairement que c’était ça. Ça m’a causé des problèmes dans mes relations avec certains collègues et je me suis mis le pied dans la bouche à plusieurs reprises. Depuis la pandémie, de pouvoir mettre un mot là-dessus et de savoir comment gérer ces émotions-là, ça m’a aidé et j’ai réalisé que je crois que j’avais un sentiment de culpabilité et que j’étais gêné d’en parler. Ma meilleure thérapie ç’a été d’en parler justement. J’ai constaté que 50 % de la population vit la même chose que moi et sait de quoi je parle.

EMM : Quels sont tes projets prochainement?

R : J’en ai beaucoup! Il y a d’abord « Noël chez Rainbow » qui part en tournée en 2023-2024. Je fais aussi beaucoup d’événements corporatifs lors desquels je suis maître de cérémonie. Ensuite, pour mes 30 ans, on fait une soirée spéciale, le 1er mai prochain, au Cabaret chez Mado. Il y aura une dizaine d’artistes invités et les recettes leur reviendront entièrement. Sinon, je rêve de faire de la radio un jour. J’ai fait un petit passage récemment à Rythme FM et j’ai beaucoup aimé ça. J’espère en faire encore!

 

Rainbow et ses invités proposent une soirée variété
Le 31 mars, à 19h30
Les billets seront disponibles le 17 mars prochain à la Maison de la culture Maisonneuve