UN CAFÉ AVEC… MARC-ANDRÉ SIMARD (CHIC RESTO POP)
Figure dévouée de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) où il a d’ailleurs grandi, le directeur général (DG) du Chic Resto Pop est ravi de célébrer les 40 ans de l’organisme d’action communautaire, qui est également une entreprise d’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale. La popularité toujours présente et même exponentielle de ses repas à 4,50 $ reflète l’urgence grandissante des besoins en matière de sécurité alimentaire dans la métropole.
EST MÉDIA MONTRÉAL (EMM) : Avez-vous prévu des évènements particuliers pour souligner le 40e anniversaire du Chic Resto Pop?
MARC-ANDRÉ SIMARD (M-A S) : On a prévu plein d’activités! En partenariat avec l’organisme MU, reconnu pour ses murales à travers la ville comme celle de Leonard Cohen dans le Quartier des spectacles, on a prévu de réaliser une murale pour notre Chic Resto Pop. Cette œuvre unique permettra de capturer l’essence du lieu selon la vision des usagers qui choisiront son thème. On la dévoilera à la fin de l’été!
Pendant la Saint-Jean-Baptiste du 24 juin prochain, on célébrera trois départs à la retraite, ce qui est beaucoup pour nous en une année! Chacune de ces personnes travaille ici depuis plus de 20 ans et a donc contribué à la moitié de l’histoire de ce lieu.
En septembre, notre levée de fonds des jeudis gourmands reviendra, mais aura cette fois pour thème « les racines » dans le cadre de notre 40e anniversaire. Notre chef-cuisinier vient de nous présenter le menu, il mettra par exemple en lumière des légumes racines, comme le topinambour.
EMM : Dans un autre ordre d’idées, avez-vous observé une hausse de la clientèle depuis votre arrivée en poste il y a deux ans?
M-A S : Oui, certainement! Le tournant a vraiment eu lieu lors du passage de l’année 2022 à 2023, période où nous étions dans un contexte de surinflation. On a vu le visage de la salle à manger changer. On est passé de personnes en situation de précarité financière, souvent des personnes ainées, seules, à absolument tout type de profil du quartier de MHM. On a dû produire davantage afin de pouvoir répondre aux besoins. Notre budget alimentaire est passé de 200 000 $ en 2022 à presque 400 000 $ aujourd’hui!
EMM : Alors, comment faites-vous pour vous en sortir?
M-A S : On a la chance d’avoir « Les Chics Plats », notre entreprise d’économie sociale qui livre à domicile entre 150 et 250 repas par jour, qui nous permet de financer notre oeuvre sociale. On peut donc continuer de répondre aux besoins de la communauté malgré une certaine pression sur les ventes.
EMM : Avez-vous constaté des changements particuliers dans les habitudes de vos consommateurs?
M-A S : Depuis quelques mois, on a remarqué que de plus en plus de personnes prennent notre plat du vendredi, les traditionnels spaghettis bolognaises, à emporter. En creusant un peu, on a compris que les gens font ça pour pouvoir se faire des réserves pour la fin de semaine, sachant qu’on est seulement ouvert du lundi au vendredi.
EMM : Vous êtes aussi responsable du comité alimentation de la table de quartier de MHM, dans quelle situation se trouvent les organismes communautaires alimentaires aujourd’hui, selon vous?
M-A S : J’entends de la part de collègues qu’ils ne savent pas s’ils vont être capables de finir leur année financière. L’augmentation des coûts des denrées et de la demande fait en sorte qu’ils ne sont plus capables de mener à bien leur mission. Notre milieu vit une pression énorme actuellement. Pour y pallier, nous allons bientôt dévoiler un plan de coalition entre les différents organismes de sécurité alimentaire de l’arrondissement.
EMM : Quels sont les principaux enjeux alimentaires dans MHM?
M-A S : Il y a d’abord beaucoup de résidents qui se trouvent dans une situation d’extrême précarité et qui ont besoin du dépannage alimentaire. Bien que certains organismes font de la distribution et du dépannage de denrées, il n’existe pas de banque alimentaire à MHM. Il y a également une forte communauté de demandeurs d’asile et de réfugiés qui sont démunis sur plusieurs fronts tels que le logement et l’alimentation justement.
Une autre problématique concerne le manque d’espaces dédiés à l’agriculture urbaine. Les quelques espaces actuels sont saturés. Pour avoir accès à une parcelle de terre dans un jardin communautaire, on doit se mettre sur une liste d’attente pendant une durée de 10 ans! On a des bacs sur le terrain du Chic Resto Pop, mais il s’agit seulement de 200 pieds carrés de jardin cultivable. Ce n’est évidemment pas suffisant pour combler les besoins des résidents…
EMM : En terminant, quelles seraient les clés pour réduire l’insécurité alimentaire?
M-A S : Les organismes communautaires qui oeuvrent en sécurité alimentaire manquent cruellement de financement. L’argument qu’on nous donne est que l’investissement dans notre domaine consiste à non pas régler un enjeu mais un besoin. Contrairement aux programmes de soutien aux sans-abri par exemple, qui fournissent un logement et permettent aux individus de se réintégrer dans la société, les initiatives en sécurité alimentaire manquent souvent de ressources pour obtenir des résultats transformateurs similaires. Bien que manger soit un besoin fondamental, aucun gouvernement ne le finance directement… ou alors il s’agit de sommes risibles!
Dans un monde où il faut aller de l’avant avec notamment des systèmes alimentaires intégrés à boucle courte, il faut absolument que les institutions ainsi que le gouvernement débloquent des fonds et des espaces nécessaires pour répondre aux besoins de la population.