metro quai berri ouest

(Emmanuel Delacour/EMM)

TRANSPORT EN COMMUN : LE CENTRE-VILLE EST-IL ACCESSIBLE LORSQU’ON DEMEURE DANS L’EST ?

Est-il plus facile pour les résidents des banlieues de l’ouest de Montréal d’aller au centre-ville en transports en commun que pour ceux des quartiers de l’est ?

Pour faire l’expérience du quotidien de milliers de Montréalais, EST MÉDIA Montréal a comparé des itinéraires, en partant de la pointe est de l’île puis d’une banlieue de l’ouest toujours vers le centre-ville. Dans l’intention de rendre le test le plus équitable possible, nous avons pris des points de départ situés à une même distance à vol d’oiseau de la station de métro Berri-UQAM, soit environ 22 km. Nous avons demandé à l’application Google Maps de choisir le trajet le plus rapide en autobus et en métro, tout en minimisant la marche. Le chronomètre était lancé à partir de 10h, afin d’examiner l’offre de transports en commun en dehors des heures de pointe.

Trajet en partant de l’est

Dans un premier temps, nous sommes partis le mardi 1er août à 10h du parc du Bout-de-l’Île dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT). Nous rentrons les informations dans l’application pour nous rendre à la station de métro Berri-UQAM le plus rapidement possible.

Nous partons à 10h00 du parc du Bout-de-l’Île. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

D’entrée de jeu, l’autobus qui nous amènera le plus tôt à la station Honoré-Beaugrand, soit notre correspondance sur la ligne verte du métro, est celui de la ligne 189. Malheureusement, le premier arrêt de celui-ci se trouve à 14 minutes de marche, au coin des rues Raoul-Jobin et Notre-Dame Est. Nous nous y rendons et attendons l’autobus qui ne passera seulement qu’à 10h26. Celui-ci arrive à l’heure et part en direction ouest sur la rue Notre-Dame.

Il nous faut marcher 14 minutes pour nous rendre à notre arrêt d’autobus. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Le trajet en autobus se déroule sans anicroche. En dehors de l’heure de pointe, la circulation sur la rue Notre-Dame est fluide tout au long du parcours dans Pointe-aux-Trembles et Montréal-Est. Quelques travaux forcent un court détour arrivé dans Tétreaultville, mais le reste du voyage se fait sans encombre. Toutefois, il s’agit d’une ligne d’autobus locale qui comporte 56 arrêts sur son itinéraire. Malgré tout, nous accédons à 11h01 à la station Honoré-Beaugrand.

Une heure plus tard, nous arrivons à la station Honoré-Beaugrand. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Nous descendons dans l’édicule et une fois les guichets passés, nous attendons le métro en direction de la station Angrignon. Le métro arrive. il est 11h11. Le reste du voyage se fait rapidement, la ligne verte faisant preuve d’efficacité en cette fin de matinée. Douze arrêts plus tard, nous sommes arrivés à destination. Il est 11h28 lorsque nous parvenons sur le quai et quelques minutes plus tard, nous déambulons dans les rues du centre-ville.

Nous arrivons finalement à la station Berri-UQAM à 11h28. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Trajet en partant de l’ouest

Le lendemain, nous tentons la même expérience, mais cette fois à 22 kilomètres à l’ouest à vol d’oiseau de Berri-UQAM. Comme point de départ, nous avons choisi le centre d’achat de CF Fairview Pointe-Claire, situé à l’angle du boulevard Saint-Jean et de l’autoroute 40. Notre choix s’est arrêté sur ce lieu, car il s’agit d’un point d’intérêt important dans l’ouest, qui se trouve à une distance égale du centre que la pointe est de l’Île.

Le terminus d’autobus Fairview. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Google Maps nous indique l’itinéraire le plus efficace, nous invitant à monter à bord de l’autobus 470, une ligne express. Le départ est prévu à 10h pile. En attendant notre transport, nous constatons qu’un important terminus d’autobus dessert les environs. Pas moins de 14 lignes d’autobus, la plupart reliant les banlieues de l’ouest au centre d’achat, y passent lors de leur trajet.

Notre autobus a quelques minutes de retard. Nous montons à bord et après un court moment d’attente, celui-ci démarre et se dirige vers l’autoroute 40. Il est 10h05. La majeure partie du voyage se fait sur cette voie. En dehors de l’heure de pointe, nous évitons les bouchons de circulation. Un peu plus tard, à 10h17, nous sommes en direction de la station de métro Côte-Vertu, sur le boulevard du même nom. La circulation automobile est plus dense, mais demeure fluide. Nous arrivons au métro à 10h25.

À bord de l’autobus express 470. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Une fois sur le quai en direction de Montmorency, une panne de service prolonge notre attente. L’interruption n’est que momentanée, et notre métro arrive à 10h34. Encore une fois, la chance nous sourit et nous ne subissons aucune autre panne sur la ligne orange. En un peu plus de quinze minutes, nous passons la station Lionel-Groulx, une importante correspondance avec la ligne verte pour de nombreux voyageurs. À peine dix minutes plus tard, nous sommes arrivés à Berri-UQAM. Il est exactement 11h00.

Malgré une interruption de service, nous arrivons à 11h00 à la station Berri-UQAM. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Ainsi, il nous aura fallu 28 minutes de plus pour effectuer un voyage de l’est vers le centre-ville que de l’ouest vers la même destination, et ce à une distance équivalente à vol d’oiseau. Notre premier constat : une part importante de ces minutes supplémentaires en temps de déplacement provient du fait que nous avons été obligés d’effectuer une marche d’une quinzaine de minutes à notre arrêt d’autobus.

Second constat, nous n’avons pas pu profiter du service express dans l’est, malgré le fait que selon notre décompte, il existe quatre lignes express dans le secteur, soit la 410, 430, 486 et la 487. Cependant, elles terminent toutes leur service à la fin de l’heure de pointe, vers 9h00, exception faite de la 430, qui continue son service aux demi-heures jusqu’à 12h02. Toutefois, cette dernière ligne est un peu plus éloignée de la pointe de l’Île. Il faut donc plus de vingt minutes de marche pour effectuer le trajet du parc du Bout-de-l’Île au premier arrêt de la 430. Notre expérience dans l’ouest illustre bien comment une ligne d’autobus express est efficace pour rejoindre le réseau du métro. Contrairement à celles de l’est, la ligne Express Pierrefonds 470 reste en service toute la journée et passe trois fois par heure au terminus de Fairview, et ce, jusqu’à 19h00. Elle demeure ensuite en service deux fois par heure, jusqu’à minuit.

Enfin, cette expérience semble démontrer qu’une fois à bord des véhicules de transports en commun, en l’absence de congestion routière et de bris de service, les déplacements se font somme toute rapidement d’est en ouest et vice versa. De notre premier embarquement dans l’autobus à notre descente sur les quais de Berri-UQAM, le temps de voyage est essentiellement le même : il a fallu environ une heure pour parcourir environ 22 kilomètres à vol d’oiseau.

Vers une meilleure desserte dans l’est ?

Plusieurs recherches sur la mobilité dans le passé ont examiné l’enjeu des services de transports en commun dans l’est de Montréal. Selon l’Étude de la demande de mobilité dans l’est de Montréal de l’organisme Trajectoire Québec, publiée en 2021 à partir des données colligées de l’enquête 2018 Origine-Destination de l’Autorité régionale de transport métropolitain, « L’est de Montréal qui compte pour 32 % de la population de l’île Montréal présente un taux de motorisation de 0,46 automobile par personne, ce qui est inférieur à tous les secteurs du grand Montréal, exception faite des quartiers centraux de Montréal ». Le tiers de la population de l’île réside dans l’est, mais ne génèrerait que 22 % des déplacements quotidiens. « Ce déficit est principalement dû au déficit d’attraction de l’est en termes de secteur de destination et d’emplois », indique-t-on dans le document.

Pourtant, la population de l’est est la deuxième plus grande utilisatrice de transport collectif après celle du centre avec une part modale de 27 %. De plus, l’étude semble confirmer l’expérience d’EST MÉDIA et constate des temps de déplacements en transport collectif pour les résidents et les travailleurs de l’est qui « sont longs, très longs ». « En effet, les trajets sont souvent supérieurs à 60 minutes, ce qui constitue un incitatif à utiliser sa voiture personnelle, malgré les niveaux de congestion des grands axes routiers. »

Malgré tout, la desserte est appelée à être améliorée dans l’est, car les corridors de déplacement ayant la plus forte demande sont ou seront visés par des projets à venir. En effet, la demande la plus élevée se situe dans le corridor de la ligne bleue au centre du territoire, avec 261 650 déplacements quotidiens, non inclus les retours. Le prolongement de la ligne bleue du métro, qui devrait se rendre jusqu’à Anjou en 2029, devrait faciliter les déplacements dans ce secteur.

Le second corridor le plus achalandé avec 148 150 déplacements quotidiens est celui de l’axe Pie-IX, et « l’ouverture du SRB Pie-IX en 2022 permettrait d’augmenter l’utilisation quotidienne du transport en commun à 70 000 passagers dans cet axe », selon ledit rapport.

Enfin, le troisième corridor, avec 121 350 déplacements et une part modale de 37 %, correspond aux axes Hochelaga et Notre-Dame, au sud de la ligne verte. « Le prolongement du SRB Pie-IX jusqu’à Notre-Dame permettrait d’augmenter l’achalandage en transport collectif dans ce corridor. Il en serait de même si un mode rapide et à capacité intermédiaire était mis en service dans le prolongement de la ligne verte ou dans l’axe Notre-Dame jusqu’au bout de l’île ». Ce tracé pourrait être complété par le Projet de transport structurant, présentement à l’étude à la Ville et au ministère des Transports.