Robert Beaudry, responsable du développement économique et commercial au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal. (Photo : Ville de Montréal).

TRANSPORT COLLECTIF : L’ENJEU PRIORITAIRE DE L’ADMINISTRATION PLANTE

La plus grande ambition de Projet Montréal en termes de développement urbain, la ligne rose du métro de Montréal, qui traverserait selon le tracé proposé une grande partie de l’Est de Montréal, est toujours d’actualité lorsque l’on envisage un plan de relance pour cette partie de la métropole. Malgré l’indifférence démontrée par Québec et Ottawa face à ce projet jusqu’à maintenant, l’administration Plante continue d’y croire et peaufine actuellement les études de faisabilité via un bureau de projet dédié à la ligne rose et doté d’un budget d’un million de dollars. Rappelons que ce tracé, ajouté aux cinq stations déjà annoncées de la ligne bleue, ne couvrirait toutefois pas la pointe de l’île, secteur à la fois résidentiel et industriel qui fait face à un énorme déficit en matière de transport collectif.

Selon Robert Beaudry, responsable du développement économique et commercial au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal, l’administration municipale est tout à fait consciente du portrait de l’Est en matière de mobilité. « Nous le disons depuis longtemps, la priorité numéro un pour accélérer le développement et améliorer la qualité de vie dans l’Est de Montréal est de doter la région d’un meilleur réseau de transport collectif, c’est fondamental. Ça passe oui par un projet comme la ligne rose, mais aussi par une structure majeure comme le tramway ou le REM par exemple à la pointe de l’île, par une navette fluviale, plus d’autobus comme nous l’avons déjà annoncé, etc. Pour nous, tous ces moyens de transport ne sont pas en concurrence, ils sont complémentaires », affirme le conseiller de ville du district Saint-Jacques (Ville-Marie). Pour ce dernier, la question n’est pas de privilégier un projet plutôt qu’un autre en ce moment dans l’Est, mais plutôt d’aller chercher les fonds et les appuis pour en réaliser le plus possible. « Le manque est tellement criant, surtout lorsqu’on s’éloigne des quartiers centraux, qu’il faut maintenant agir, passer à l’action pour initier les grands chantiers », dit-il.

L’administration Plante vise toujours le développement de la ligne rose pour améliorer la mobilité des Montréalais, en particulier dans l’Est de l’île.

Natif d’Hochelaga-Maisonneuve, Robert Beaudry ajoute que le bureau de projet de la ligne rose fournira d’ailleurs bientôt une grande quantité de données et d’analyses qui viendront certainement démontrer les effets négatifs du manque de transport collectif pour le développement de l’Est de Montréal. À ce sujet, M. Beaudry rappelle qu’un des enjeux majeurs actuellement pour les employeurs est la mobilité de la main-d’œuvre et que les nombreuses et grandes zones d’emplois dans la région ne sont pas les mieux desservies en matière de transport en commun. « Les tracés des prochains grands projets structurants de transport devront tenir compte des grandes zones d’emplois, c’est primordial pour le développement économique, mais cela aura aussi un impact certain sur la densification du territoire », soutient-il.

Conjuguer les forces avec Québec

Accélérer les projets structurants dans l’Est de Montréal. C’est dans cette optique que l’administration Plante a créé en octobre dernier le Comité de travail de l’Est, conjointement avec le nouveau gouvernement caquiste. Cette équipe de travail formée de fonctionnaires de la Ville et de différents ministères occupera le haut de la pyramide dans l’évaluation et la coordination des grands chantiers de développement de l’Est montréalais déjà annoncés pour les prochaines années tels la transformation de la rue Notre-Dame en boulevard urbain, la mise en place d’infrastructures majeures de transport collectif et la décontamination des sols. « Cette entente vient confirmer la volonté de la Ville de prioriser dans les prochaines années la revitalisation de ce territoire longtemps délaissé par les instances publiques. Les résidents et travailleurs de l’Est peuvent s’attendre dès maintenant à une cohérence des actions et des investissements de la part de Montréal et de Québec pour améliorer et accélérer le développement économique du secteur, la mobilité, mais aussi pour rendre les milieux de vie meilleurs », soutient Robert Beaudry.

Le comité serait déjà en action nous dit-il : « En ce moment les discussions tournent autour de la priorisation des actions. Je sais que les dossiers de la rue Notre-Dame, de la ligne de transport collectif qui la longerait éventuellement et des modalités concernant un budget de 200 M $ provenant de Québec pour la décontamination des sols à l’Est du boulevard Pie-IX ont été abordés, mais la structure se met progressivement en place. Nous en sommes qu’au début du processus, donc les nouvelles devraient se succéder dans les mois et les années qui suivent concernant les grands chantiers de l’Est. Mais ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est qu’ils sont bel et bien amorcés. »

Nouveaux programmes intéressants pour l’Est

Annoncé sous le règne du précédent gouvernement Couillard, la Ville de Montréal vient de débloquer en février de cette année un budget spécial de 75 M $ dédié à la décontamination des sols pour l’ensemble de ses arrondissements (non accessible aux villes liées). Cette enveloppe servira à la construction de bâtiments résidentiels, industriels, institutionnels ou pour des projets d’infrastructures publiques municipales.  L’aide financière accordée sera de 15 % des dépenses admissibles si les sols contaminés sont transportés et éliminés, 50 % s’il s’agit d’un traitement sur un site autorisé ou 70 % en cas de traitement in situ. Les entreprises ou promoteurs ont jusqu’à la fin 2023 pour s’inscrire au programme et cinq ans pour construire leur projet. Aucun plafond de subvention n’est prévu, sauf pour les anciens sites d’enfouissement. « Il s’agit d’une excellente nouvelle pour l’Est de Montréal car on sait qu’une grande partie des terrains contaminés sont situés dans ce secteur de la ville. Avec l’autre 200 M $ que Québec devrait confirmer bientôt, uniquement dédié à la décontamination des terrains à l’Est de Pie-IX, ça devrait initier beaucoup de nouveaux projets de développement et de requalification dans l’Est de Montréal pour les prochaines années », affirme Robert Beaudry.

Un deuxième programme annoncé en même temps que le précédent risque aussi d’avoir des répercussions positives dans le secteur. Les propriétaires de bâtiments industriels dans l’agglomération de Montréal, incluant les villes liées, qui désirent rénover, agrandir, reconstruire ou construire un bâtiment neuf sur leur terrain auront droit à une aide financière pendant cinq ans, en autant que leur projet soit lié au développement durable ou utilise des technologies vertes. Un crédit de taxes leur sera ainsi accordé équivalent à 100 % de la hausse de taxes foncières générée par l’amélioration ou la construction des infrastructures pendant les trois premières années, 80 % la quatrième année et 70 % la cinquième année, jusqu’à concurrence d’un million de dollars par année. Si le projet est accrédité carboneutre, ou s’il se retrouve dans un des territoires stratégiques qui seront bientôt identifiés par la Ville, les 4e et 5e années seront aussi créditées à 100 %. Ce programme de 43,6 M $ (8 M $ provenant de Québec), qui remplace et bonifie en quelque sorte l’ancien PRAM-Industrie sur le plan du développement durable, devrait être disponible jusqu’en 2030 et les bénéficiaires auront trois ans pour terminer leur projet. « Là aussi on sait que sur les 53 millions de pi2 qui sont identifiés pour être éventuellement requalifiés à Montréal, un grand nombre touche l’Est de Montréal. Ces deux mesures devraient donc ajouter de l’attraction pour les investissements privés dans la région », clame M. Beaudry.

Identification des pôles d’avenir

La ville centre procéderait actuellement à un immense travail d’analyse nous dit Robert Beaudry afin de faire la caractérisation de tout le territoire de Montréal. « On veut en savoir davantage, par exemple, sur les écosystèmes industriels, sur les zones d’emplois et sur les pôles d’activités commerciales qui évoluent sur notre territoire. En quel état se trouvent-ils et quelles sont les perspectives d’avenir. Ensuite nous pourrons partager ces données avec les autres paliers de gouvernement et identifier les zones et les secteurs stratégiques où il faut intervenir plus massivement », explique-t-il.

Cela laisse présager que l’administration municipale pourrait éventuellement annoncer des programmes incitatifs pour appuyer le développement ou la revitalisation de pôles économiques dans l’Est de Montréal, en concordance avec l’engagement Québec-Montréal d’investir prioritairement dans la région. « On regarde comment on pourrait rendre plus innovants certains secteurs caractéristiques de l’Est, comme l’industrie alimentaire par exemple ou le manufacturier. Comment atténuer les nuisances causées par le transport, comment on peut aider à les rendre plus propres sur le plan environnemental, les aider à être de meilleurs voisins avec les résidents autour. Mais ce n’est pas que pour l’Est ces réflexions, on aimerait contribuer à une saine industrie partout sur le territoire, comme toute bonne administration municipale devrait agir, mais l’Est, c’est une réalité, est bien pourvue en zones industrielles », de dire M. Beaudry.

Le meilleur exemple de réflexion et d’analyse pour la revitalisation des zones industrielles à Montréal selon Robert Beaudry est le projet de développement stratégique du pôle Assomption Sud (arrondissement Mercier—Hochelaga-Maisonneuve) qui fera l’objet dans quelques semaines d’audiences devant l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). « Ce sera très intéressant d’entendre le point de vue et la vision des parties prenantes dans ce projet de revitalisation car on parle ici d’une zone mixte en mouvance où se côtoient l’industriel, le commercial et le résidentiel. Ce sera un beau défi pour la Ville de proposer par la suite un plan d’avenir en lien avec nos aspirations et celles des différents intervenants. Ce projet de requalification, du moins en grande partie sur ce site, est très stratégique car il pourrait influencer la transformation éventuelle d’autres territoires semblables dans l’Est de Montréal », conclut-il.