Interprète en Langue des signes québécoise (LSQ) : une pénurie qui se fait encore sentir (photos : courtoisie SIVET).

TOUJOURS UN GRAND BESOIN D’INTERPRÈTES POUR LES PERSONNES SOURDES

Dans l’est de Montréal, la grande majorité des personnes sourdes font appel au Service d’interprétation visuelle et tactile (SIVET) lorsqu’elles ont besoin d’un interprète en Langue des signes québécoise (LSQ). Cet OBNL créé en 1992 et situé aux frontières de Rosemont et du Plateau Mont-Royal engage en ce moment près de 80 interprètes spécialisés, dont 42 à plein temps. Il faut dire que le territoire desservi par le SIVET est toutefois large et densément peuplé : Laurentides, Lanaudière, Laval, Montréal et Montérégie. Donc pas étonnant que l’organisme soit aussi le plus important fournisseur de services d’interprétation francophone au Canada pour les personnes sourdes, étant celui retenu pour opérer le Service de relais vidéo (SRV) en langue française d’un océan à l’autre (par l’organisme national mandaté par le CRTC).

Dans un texte publié en avril 2019, EST MÉDIA Montréal avait traité du sujet d’une importante pénurie d’interprètes en LSQ, mais la situation, quoique toujours problématique, s’est toutefois beaucoup améliorée nous a récemment déclaré Suzanne Laforest, directrice générale du SIVET. Rappelons que d’après l’Association des Sourds du Canada, il y aurait au pays environ 357 000 personnes sourdes et 3 210 000 malentendants, donc plus ou moins 1/10 de la population serait touché par un problème de surdité, qu’il soit léger ou majeur. Les personnes sourdes peuvent faire appel aux interprètes dans plusieurs circonstances, notamment dans le cadre scolaire, lors de visites médicales, pour des services juridiques, en milieu de travail, ou tout simplement lors d’activités culturelles, sportives ou de loisirs. Le coût de ces services est souvent défrayé par le gouvernement québécois via différents organismes tels les CIUSSS, le réseau de l’éducation (centres de services scolaires, cégeps, universités), ou des OBNL subventionnés.

Interprètes recherchés

« Nous avons travaillé très fort ces trois dernières années pour améliorer nos conditions de travail, pour mieux recruter nos interprètes, pour assurer une meilleure formation continue à nos employés et aussi pour promouvoir le métier d’interprète LSQ auprès des jeunes. Je crois que tous ces efforts ont finalement porté fruit car, même si nous avons encore des postes à combler, c’est vraiment moins préoccupant aujourd’hui », explique Suzanne Laforest. Un constat d’autant plus encourageant si on considère que la demande pour les services du SIVET a fortement progressé depuis 2016 et qu’un compétiteur du secteur privé est venu récemment gruger quelques parts de marché dans le petit milieu de l’interprétation LSQ dans la grande région de Montréal.

Suzanne Laforest, directrice générale du SIVET.

S’il y a toujours quelques ouvertures pour des postes d’interprètes à plein temps, c’est surtout du côté du temps partiel et de la liste de rappel qu’il y a de nombreuses opportunités. « Comme notre service est offert 7 jours sur 7 et aussi en soirée, les interprètes qui désirent faire du temps partiel ou même que quelques heures par mois sont précieux. Nous avons plusieurs employés qui travaillent dans un autre domaine ou étudient à temps partiel, qui possèdent la formation d’interprète LSQ, et qui profitent des occasions offertes par le SIVET pour augmenter leurs revenus, sur une base régulière ou occasionnelle », ajoute la directrice générale.

Pour un interprète à plein temps au SIVET, la journée de travail type se compose d’une assignation à l’extérieur, comme par exemple un accompagnement chez le médecin, l’avocat, le notaire, ou une foule d’autres situations générant un besoin d’interprétation pour une personne sourde, et d’un complément d’heures en Service de relais vidéo. Pour du temps partiel ou sur appel, il s’agit la plupart du temps d’assignations à des rendez-vous, quoiqu’il arrive aussi que les besoins soient pour du service en vidéo.

Si le SIVET possède bien sûr ses installations permettant aux interprètes de travailler sur place, l’organisme est aussi très flexible afin de permettre à ceux et celles qui le désirent de travailler de la maison. Une méthode qui de toute façon s’est imposée en ces temps de COVID. « Il y a un protocole bien défini à suivre, comme un environnement visuel standardisé par exemple, mais on fournit tout le matériel en ce sens, l’arrière-plan, l’équipement informatique, etc., donc oui c’est possible pour nos interprètes de travailler de chez eux », souligne Mme Laforest.

Selon la directrice générale de l’organisme, les avantages de travailler au SIVET se seraient considérablement bonifiés ces dernières années. On parle aujourd’hui par exemple d’un versement annuel au REER de l’employé équivalent à 8 % de son salaire, d’une échelle de rémunération plus généreuse, d’une bonne assurance collective, d’une grande flexibilité pour la conciliation travail-famille et pour les études, d’un plan de formation continue et de perfectionnement offert à tous les interprètes, etc. « Nos employés à plein temps peuvent aussi maintenant faire du temps supplémentaire rémunéré s’ils désirent prendre des affectations en dehors de leur horaire de travail, c’est apprécié de plusieurs interprètes », soutient Suzanne Laforest.

Seriez-vous un bon interprète?

Tout d’abord, avant de parler des qualités requises pour devenir un bon interprète LSQ, sachez qu’il existe depuis l’an dernier une majeure universitaire (20 cours ou 2 ans d’études à plein temps) au lieu de la mineure comme auparavant, formation phare pour devenir interprète LSQ professionnel. « Il faut faire la différence entre apprendre pour son propre compte ou son propre plaisir la Langue des signes québécoise, et en faire une profession. Pour devenir un interprète qualifié, les cours de la formation universitaire sont fortement encouragés. D’ailleurs, tous nos interprètes sont continuellement en perfectionnement, c’est un travail très sérieux », affirme Suzanne Laforest.

Très exigeant aussi. Car le métier demande beaucoup de qualités en parallèle, comme une capacité de concentration très élevée, une bonne maîtrise de la langue française, et surtout une excellente capacité d’adaptation, car les clientèles sont variées, mais aussi les contextes dans lesquels peuvent se retrouver les interprètes. Ainsi, un employé du SIVET peut une journée travailler pour un adolescent chez le médecin pour des problèmes… d’adolescent, le lendemain chez le notaire pour un divorce, accompagner une personne sourde dans un délicat conflit judiciaire, etc. Donc, ça prend aussi un respect du code d’éthique et une discrétion irréprochables. « Le cerveau d’un interprète travaille sans cesse. Il paraît que l’interprétation est une des tâches les plus exigeantes sur le plan cognitif et peut même se comparer au pilotage d’avion », souligne Mme Laforest.

En terminant, pour ceux qui se demandent si le service d’interprétation en LSQ est important lors d’annonces d’intérêt public, comme lors des conférences de presse par exemple, et pourquoi on ne se contente pas simplement de sous-titrer leur contenu, il faut savoir qu’un bon nombre de sourds au Québec sont malheureusement encore aujourd’hui considérés comme des analphabètes fonctionnels. « C’est vraiment essentiel, car imaginez toutes les informations et les consignes que les gens doivent comprendre et assimiler en temps de pandémie. Si des gens ne peuvent pas entendre et ont de la difficulté à lire, comment on va les rejoindre? Il faut absolument penser à cette clientèle, et on ne parle pas de quelques cas, on parle de dizaine de milliers de personnes qui sont dans cette situation », nous dit Suzanne Laforest.


Pour en savoir davantage sur les postes offerts au SIVET et sur le métier d’interprète LSQ, consultez le site Web de l’organisme : www.sivet.ca