La pièce Le Faiseur, de Balzac, sera présentée du 25 janvier au 18 février 2023 (photo TDP).

LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER REPREND VIE DE BELLE FAÇON

L’équipe du Théâtre Denise-Pelletier a dévoilé sa programmation pour sa 59e saison le 6 avril dernier. Treize spectacles composent cette saison, dont quatre sont des productions originales chapeautées par le directeur artistique, Claude Poissant. On promet au public un mélange de relectures audacieuses d’œuvres de répertoire, des spectacles hybrides entre la fiction et le documentaire et des mises en scène originales d’artistes d’ici. Un retour en force pour le Théâtre Denise-Pelletier après deux années de pandémie plutôt laborieuses pour le milieu des arts.

Une nouvelle programmation originale

 « Il n’y a aucun spectacle qui est reporté. C’est vraiment une saison inédite » lance dès le début de l’entrevue le directeur artistique du théâtre, Claude Poissant. Celui-ci a particulièrement travaillé avec beaucoup d’autrices de talent ces derniers mois pour combler sa programmation, avoue-t-il. De ces collaborations, on note celles d’Evelyne de la Chenelière, Laurence Dauphinais, Alice Ronfard et Marie-Claude Verdier. « Ça va faire bientôt huit ans que je suis au théâtre, continue Claude Poissant. Ce qui donne de la couleur, c’est ceux et celles qui font les pièces autour de nous. Ce qui a été bien important pour moi dans le cadre de ma carrière, ce fut d’amener des auteurs et des autrices à travailler sur le répertoire et de s’approprier complètement les œuvres, que l’on fasse du Shakespeare ou autres. » Ce mandat peut s’illustrer encore une fois cette année notamment avec la pièce À cause du soleil qui replonge dans l’univers de L’Étranger d’Albert Camus, tout en lui ajoutant une touche de modernité en lien avec les enjeux du Québec d’aujourd’hui, et la pièce Le Faiseur, d’Honoré de Balzac, adaptée par des artistes d’ici.

Claude Poissant, directeur artistique du Théâtre Denise-Pelletier (photo courtoisie).

Une pandémie : le coup de théâtre ultime

Malgré des restrictions contraignantes pendant deux ans, l’équipe entourant l’institution a toujours continué à travailler pour pouvoir proposer au moment opportun des pièces au public. « La première année, ça a été l’enfer, parce qu’on n’a pas joué de mars à mars, explique Claude Poissant. Ce qui a été difficile aussi, c’était de ne pas pouvoir faire les répétitions, afin d’offrir des spectacles une fois que les restrictions seraient levées. Donc, aussitôt que les règles nous le permettaient, on s’y mettait. Tout le monde nous disait que ça ne devait pas être facile, avec les masques et la distanciation sociale, mais je préférais ça que de rester chez nous! » Claude Poissant affirme que le gros du travail pendant deux ans a été de réorganiser continuellement l’agenda à cause des imprévus liés à la COVID-19. Heureusement, grâce aux subventions, le TDP a réussi à survivre. « Mais pour les artistes individuels et pour certaines petites entreprises, s’attriste Monsieur Poissant en pensant à certains de ses collègues du milieu, il y a eu des sorts plus difficiles à gérer. » Pour l’instant, malgré le retour de la sixième vague, le directeur artistique reste positif et prend le courant comme il passe, une journée à la fois.


À LA SALLE DENISE-PELLETIER

La 59e saison ouvre avec À CAUSE DU SOLEIL d’Evelyne de la Chenelière, qui se replonge dans une lecture de jeunesse, celle de l’œuvre d’Albert Camus, et plus précisément celle de L’Étranger. Déplaçant et replaçant le projecteur qui pointe le geste irrationnel de l’indolent Meursault, l’écrivaine remet l’incriminé en dialogue avec son amie Marie, Raymond le sensible voisin, le vieux Salamano qui bat son chien, l’aumônier et l’Arabe sans nom. Et elle entrelace à cette histoire de justice d’une autre époque les émois de Medi, immigré algérien devenu Québécois, et ceux de Camille, sa bien-aimée. Florent Siaud signe la mise en scène. Avec Paul Ahmarani, Mustapha Aramis, Sabri Attalah, Maxim Gaudette, Evelyne Rompré et Mounia Zahzam. Du 21 septembre au 15 octobre 2022.

À cause du soleil (photo TDP).

La Salle Denise-Pelletier accueillera également SI JAMAIS VOUS NOUS ÉCOUTEZ de Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais, une production de La Messe Basse en coprésentation avec le Théâtre Denise-Pelletier. Entre la fiction et le documentaire, ce spectacle hybride, et musical met en scène cinq passionné·es de musique et fervent·es de science. Reprenant la réflexion de l’astrophysicien Carl Sagan qui posait sur le flan des sondes Voyager, en 1977, le Golden Record — un disque rempli d’images et de sons témoignant de l’existence de l’humanité dans l’éventualité où l’on croiserait des formes de vie intelligente —, le quintette se demande : nous reconnaissons-nous toujours dans ce disque qui représentera l’humanité pour les cinq milliards d’années à venir ? Avec Robin-Joël Cool, Simon Landry-Désy, Olivier Morin, Evelyne Rompré et Phara Thibault. Du 9 au 25 novembre 2022.

Si jamais vous nous écoutez (photo TDP).

De plus, le théâtre propose LA SOCIÉTÉ DES POÈTES DISPARUS, écrit par Tom Schulman et basé sur le film de Touchstone Pictures, a grandement marqué le printemps 2019 sur les planches du TDP. On se réjouit de retrouver cette saison Monsieur Keating, ce professeur de littérature à la prestigieuse Welton Academy, qui surprend les étudiants avec une pédagogie anticonformiste. Le metteur en scène et auteur Sébastien David renoue avec cette œuvre qui le hante depuis l’adolescence, dans une traduction de Maryse Warda. Avec une nouvelle distribution réunissant Mustapha Aramis, Philippe Boutin, Katrine Duhaime, Gérald Gagnon, Tommy Joubert, Jacques L’Heureux, Renaud Lacelle-Bourdon, Félix Lahaye, Simon Landry-Désy et Maxime Mompérousse. Du 6 au 16 décembre 2022 et en tournée au Québec de janvier à mars 2023.

La saison se poursuit avec LE FAISEUR d’Honoré de Balzac, la pièce la plus notoire du maître du roman. Avec cette famille de corrupteurs qui jongle avec le sentiment humain comme avec la monnaie, Balzac sait de quoi il parle, endetté lui-même et écrivant du théâtre pour renflouer ses comptes. Alice Ronfard, metteure en scène aguerrie, se délecte ici de ces coups de cravache portés aux traders, investisseurs, courtiers et autres encaisseurs. Ce FAISEUR, finement adapté par Gabrielle Chapdelaine, est créé pour la première fois professionnellement à Montréal. Avec Alex Bergeron, Mohsen El Gharbi, Alexandra Gagné-Lavoie, Annette Garant, Karine Gonthier-Hyndman, Christophe Payeur, Maxime-Olivier Potvin, Jules Ronfard, Isabelle Roy et Valérie Tellos. Du 25 janvier au 18 février 2023.

En clôture de saison, Claude Poissant signe la mise en scène de CHÂTEAUX DU CIEL, une pièce fulgurante et déchirante qui emprunte à l’histoire de l’Europe, geste insolite et rarissime dans la dramaturgie québécoise. On se transporte en 1864, alors que le fascinant Louis II de Bavière est couronné ; un homme amoureux d’art et d’opéra, constructeur de châteaux, idéaliste, brouilleur de pistes et peut-être queer avant le temps. La pièce que signe Marie-Claude Verdier réunit notamment dans ces CHÂTEAUX DU CIEL l’impératrice Sissi, le chancelier Bismarck et le compositeur Richard Wagner. Une histoire réelle et un drame romantique invitant l’art, les rêves et leurs vertiges dans l’arène du pouvoir. Avec Mikhaïl Ahooja, Félix Beaulieu-Duchesneau, Annick Bergeron, Frédéric Blanchette, Dany Boudreault, Myriam Gaboury, Maxime Genois, Yves Jacques et Mary-Lee Picknell. Du 15 mars au 15 avril 2023.

Châteaux du ciel (photo TDP).


À LA SALLE FRED-BARRY

Le Théâtre du Double signe, compagnie sherbrookoise, ouvre la saison avec UNE FILLE EN OR, spectacle baroque où quatre femmes vivent d’étonnantes métamorphoses, toutes plus mystérieuses les unes que les autres : une Fille en or, en terre, en double et en pixels… Librement inspiré par Les Métamorphoses d’Ovide, et par un processus collectif au centre duquel se déploie la créatrice Amélie Dallaire, l’auteur, comédien et metteur en scène Sébastien David échafaude un univers grunge aux mutations tragicomiques, mis au monde à Sherbrooke en novembre 2021. Avec Amélie Dallaire et Sébastien David. Du 6 au 24 septembre 2022.

Avec LOLITA N’EXISTE PAS du Théâtre de La Foulée, Paméla Dumont s’inspire du concept de lolita tiré du roman homonyme de Vladimir Nabokov, pour finement le déconstruire. Ici, le personnage de ELLE embrasse son adolescence et rêve de prouver au monde entier qu’elle aussi peut être grandiose. Pour impressionner la galerie, elle prend la route vers Atlantic City avec LUI, un pur inconnu beaucoup plus vieux qu’elle. Du bluff badin aux montagnes russes de la côte atlantique, le road trip dérive vers un jeu ambigu. Avec LOLITA N’EXISTE PAS, les enjeux féministes d’aujourd’hui s’incarnent sans fard. Avec Sylvio Arriola, Paméla Dumont et Alexandre Ricard. Du 4 au 22 octobre 2022.

Pour huit représentations seulement à la Salle Fred-Barry, FOREMAN, le spectacle corrosif de Charles Fournier, est de retour avec ses cinq chums de gars qui se retrouvent sur une terre à bois, pour régler leurs comptes et panser leurs plaies. Nommée « Œuvre de l’année 2019 dans la Capitale-Nationale », présentée à guichet fermé à l’automne 2021 à la Salle Fred-Barry, cette première création de la compagnie Mon Père Est Mort déboulonne avec bienveillance, mais sans rien censurer, les jeux de construction du masculin. Avec Pierre-Luc Désilets, Miguel Fontaine, Charles Fournier, Steven Lee Potvin et Vincent Roy. Du 3 au 12 novembre 2022.

Avec PLASTIQUE, le Théâtre du Portage ranime le jeu masqué au cœur d’une tragi-comédie futuriste campée en 2122, alors que le pétrole n’est plus de ce monde. Seule une poignée de centenaires se souvient de l’odeur de l’essence et des nouilles de piscine qui se désagrègent au soleil. Apparemment disparu de la surface, le plastique est néanmoins recherché par quelques zélés qui croient que cette impérissable matière recèlerait le secret de la vie éternelle.  PLASTIQUE de Félix Emmanuel et Zoé Girard célèbre le jeu masqué dans toute sa contemporanéité. Aussi lucide que bédéesque ! Avec Yann Aspirot, Agathe Foucault, Zoé Girard et Zoé Lajeunesse-Guy. Du 22 novembre au 10 décembre 2022.

Avec BRILLANTE, Clara Prévost crée une fable sombre et magique, sans personnage adulte, sur fond de guerre. Sur le terrain de jeu improvisé d’une école en ruines, un groupe d’enfants et d’adolescents masquent l’ennui et bravent l’impossible. L’arrivée d’un orphelin bouscule soudain leur équilibre. D’où vient-il ? Est-il l’un d’eux ? Pourquoi devraient-ils le croire lorsqu’il prétend que Brillante, sa poupée, est dotée de pouvoirs magiques ? Après La Place Rouge, créée aussi à la Salle Fred-Barry, Productions Fil d’or poursuit sa quête d’un langage artistique qui puisse estomper les barrières culturelles et sociopolitiques. Avec Laurence Barrette, Thomas Derasp-Verge, Marine Johnson, Alice Moreault, Emmanuel Prud’homme, Madeleine Sarr et Madani Tall. Du 17 janvier au 4 février 2023.

Jolène Ruest coadapte avec Jonathan Caron son roman LES DANSEURS ÉTOILES PARASITENT TON CIEL (publié chez XYZ et récipiendaire du Prix des nouvelles voix de la littérature 2022 du Salon du livre de Trois-Rivières), où une jeune danseuse professionnelle remet en question sa destinée. Troquant malgré elle la musique classique pour le punk, et les souris de Casse-Noisette pour de la vermine, elle redécouvre Hochelaga-Maisonneuve d’un autre œil, à l’aide de Javel, un exterminateur des plus dégourdis. Et il y a cette pensée, obsédante : les étoiles ont-elles un chemin tracé d’avance ? Cette création à l’humour sagace rend hommage à la résilience des nouvelles générations et à la solidarité insubmersible des quartiers populaires. Avec David Bélizaire, Jean Belzil-Gascon, Maude Bouchard, Andréanne Daigle, Sarah-Maude Laliberté et Maxime Lepage. Du 14 février au 4 mars 2023.

Imago Theatre et Tarragon Theatre présentent REDBONE COONHOUND, une coproduction Montréal-Toronto initiée par Imago Theatre, où les auteurs Amy Lee Lavoie et Omari Newton subliment leur réflexion sur le racisme systémique. On y fait la connaissance de Mike et Marissa, un couple interracial qui croisent un autre couple de joggeurs et leur chien John, un Redbone Coonhound. Dès lors, les certitudes se brouillent et l’humour devient un virus insidieux. Fulgurante satire sur les polémiques liées à la racialisation et aux privilèges systémiques, cette pièce à tableaux voyage dans le temps et les genres, convoquant la culture pop comme la mémoire vive de la militante Harriet Tubman. Avec Lucinda Davis, Brian Dooley, Deborah Drakeford et autres interprètes. Du 21 mars au 1er avril 2023.

Toujours là pour électriser la parole adolescente, le laboratoire d’écriture qu’est LE SCRIPTARIUM naîtra en 2023 sous l’impulsion de la cinéaste abénakise Kim O’Bomsawin, à qui l’on doit notamment le vibrant documentaire Je m’appelle humain. Ayant découvert que ses aïeux avaient ajouté le O’ de son nom pour lui donner une allure irlandaise et contrer le racisme envers les Premiers Peuples, la commissaire invitée a posé aux jeunes autrices et auteurs des questions aux mille échos : D’où viens-tu ? Quelles sont les traces de ta lignée dans ta vie, et quelles luttes a-t-elle menées ? Compagnie phare du théâtre pour adolescents, le Théâtre Le Clou marie les voix et les formes, l’unicité et la pluralité, réitérant que la liberté naît de l’exploration. Leur 43e création marque une nouvelle collaboration avec la metteuse en scène Myriam Fugère. Du 20 avril au 6 mai 2023.


Pour plus de détails et billetterie, consultez le site www.denise-pelletier.qc.ca.