Benoist de Peyrelongue, d.g. de la CCHM, en compagnie de membres de l’organisme, sur le terrain de la SAQ (photo : Emmanuel Delacour).

LE TERRAIN EN FRICHE DE LA SAQ TRANSFORMÉ EN ESPACE D’AGRICULTURE URBAINE

Afin de mieux combattre l’enjeu de l’insécurité alimentaire, la Cuisine collective d’Hochelaga-Maisonneuve (CCHM) se lance dans une série de collaborations avec des partenaires corporatifs qui lui permettront de propulser ses efforts en agriculture urbaine. « À terme, lorsqu’on aura fini notre exercice sur 4 à 5 ans, on devrait atteindre les 50 tonnes de légumes [ qui seront produits sur cette période ] », souligne Benoist de Peyrelongue, directeur général de la CCHM.

C’est entre autres grâce à un terrain d’une superficie de 2230 m² octroyé par la Société des alcools du Québec (SAQ) que les ambitions de l’organisme à but non lucratif pourront être réalisées. L’espace en friche, qui se trouve en face du siège social de la société d’État dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM), accueillera ainsi de l’agriculture en pleine terre, ainsi qu’une serre de 530 m². De plus, une soixantaine d’arbres fruitiers y seront plantés pour y faire pousser des pommes, des prunes, des poires et des cerises. Cette collaboration avec la SAQ durera pour une période de cinq ans, avec une possibilité de renouvellement par la suite. « Ce n’est pas une chose négligeable d’avoir des terres gratuites à Montréal; ça ne se trouve pas facilement », ajoute M. de Peyrelongue.

Visiblement enjoué par cette nouvelle aventure pour la CCHM, le d.g. de l’organisme affirme que jusqu’à présent le projet n’a pas rencontré d’embûches importantes. Effectivement, même la qualité des sols, qui est souvent un problème onéreux pour ce genre d’initiative à Montréal, leur a été favorable, malgré le fait que le projet se trouve en zone industrielle. « On a fait l’exercice et on a constaté que les sols de la SAQ sont propres. C’est aussi le cas dans un autre de nos partenariats que l’on va bientôt annoncer. Dans l’est, des sols qui sont propres ça existe », indique M. de Peyrelongue.

Le vaste terrain en friche de la SAQ dans MHM est heureusement propre à l’agriculture, même s’il se trouve en zone industrielle (photo : Emmanuel Delacour).

Un autre partenariat dans les cartons avec Scientific Games, dont les bureaux se trouvent sur le boulevard de l’Assomption, ferait ainsi croître la production de fruits et de légumes de la CCHM qui en est à trois tonnes de produits maraîchers par année, à ce jour.

Autonomie alimentaire

Développé depuis il y a plus de six ans, le volet d’agriculture urbaine de la CCHM s’est concrétisé dans une optique de « d’autonomie individuelle et collective », insiste Benoist de Peyrelongue. « Le prix des légumes nous interpellent depuis longtemps. Le droit à une saine alimentation est une de nos batailles depuis toujours », dit-il.

Avec des espaces aménagés au 5600, rue Hochelaga, l’organisme a été en mesure de réaliser ses premiers efforts vers une forme d’autonomie alimentaire. En effet, les légumes produits à cet endroit approvisionnent la cuisine communautaire. Ce sont 60 % de ces récoltes qui sont données aux milieux des habitations modérées.

De son côté, après avoir expérimenté avec un petit potager sur le terrain au nord du 7500, rue Tellier, la Société d’État a voulu emboîter le pas pour promouvoir un enjeu qu’elle a inscrit dans sa mission d’entreprise. « Ce partenariat nous permet de nous engager encore davantage dans l’aide alimentaire, notre cause d’entreprise, mais encore plus particulièrement auprès des gens de l’arrondissement », a indiqué par voie de communiqué Catherine Dagenais, présidente et chef de la direction de la SAQ.

De plus, les employés du siège social et du centre de distribution de la Société des alcools pourront prendre part aux activités d’agriculture urbaine, en profitant de petits bacs à fines herbes installés sur la terrasse de leur édifice, mais aussi à la cafétéria des lieux qui rachètera une part des produits maraîchers récoltés à deux pas de là.

Photo : Emmanuel Delacour.

Pour sa part, le d.g. de la CCHM espère que ce coup de pouce sera un exemple qui favorisera d’autres partenariats avec des membres corporatifs dans l’est de la métropole. M. de Peyrelongue souhaite que les gens du milieu viennent voir le résultat du chantier dans quelques mois lors de la saison des récoltes afin qu’ils constatent l’impact positif de cette collaboration.

L’accès aux fruits et légumes, un enjeu de taille dans MHM

L’enjeux de l’accès aux produits alimentaires frais dans MHM ne date pas d’hier. Fondée en 1986, la CCHM combat depuis longtemps l’insécurité alimentaire et une vingtaine d’organismes communautaires de l’arrondissement gravitent autour de ses services. En 2020-2021, la cuisine communautaire a distribué 103 872 repas, soutenant 1456 familles et 815 personnes isolées. « Durant les deux premières années de la pandémie nous avons approvisionné nos organismes partenaires avec 200 000 paniers de denrées et en plats cuisinés », dixit le d.g. de la CCHM.

L’accessibilité aux fruits et légumes frais est d’autant plus primordiale dans les arrondissements vulnérables comme MHM, car l’insécurité alimentaire qui y règne est un frein à leur consommation. C’est ce que révèle effectivement une étude publiée en 2019 par le Département de nutrition de la Faculté de médecine à l’Université de Montréal, menée auprès de 451 adultes, responsables des provisions alimentaires dans leur ménage résidant dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Dans la recherche, on apprend que « comparativement aux ménages en sécurité alimentaire, ceux en insécurité alimentaire étaient plus nombreux à avoir des perceptions négatives de l’accès économique aux aliments sains dans leur quartier. L’insécurité alimentaire était associée à une consommation plus faible de fruits et légumes ». Au niveau de la métropole, « l’insécurité alimentaire des ménages est un grave problème de santé publique, sa prévalence se situant à 12,7% ». Il est estimé par ailleurs qu’environ 135 000 citoyens vivant avec de faibles revenus ont aussi un accès physique inadéquat en fruits et légumes frais à proximité de leur domicile, selon la même étude.