(Image tirée de la page Facebook du CIBÎM)

LES TENDANCES DE L’INDUSTRIE BIOALIMENTAIRE : ENTRE OPPORTUNITÉS ET DÉFIS

L’est de Montréal, secteur de prédilection pour de nombreuses entreprises de production et de transformation bioalimentaire, est également un territoire où émergent et se développent les tendances de cette industrie. Un milieu de recherche dynamique y prend forme, soutenu par un réseau solide d’entreprises. Rencontre avec le Conseil des Industries Bioalimentaires de l’Île de Montréal (CIBÎM) et l’écosystème agricole et agroalimentaire Zone Agtech afin de dresser le portrait des grandes tendances actuelles de l’industrie bioalimentaire dans l’est de la métropole.

L’est de Montréal constitue un pôle important de cette industrie. Des initiatives telles que le Réseau alimentaire de l’est (RAEM) et le Carrefour de l’innovation bioalimentaire (CIB), accompagnées du centre collégial de transfert de technologie ITEGA, s’ajoutent aux projets phares qui soutiennent cette concentration d’entreprises. « Dans l’est, on est beaucoup dans ce qu’on appelle le « agtech », indique Katell Burot, directrice des finances aux Aliments MLW et présidente du conseil d’administration (CA) du CIBÎM. « Les jeunes pousses s’y trouvent, avec un esprit que je qualifierais de conscient, et il y a évidemment de très gros joueurs aussi de l’industrie qui y sont présents. »

Katell Burot, directrice des finances aux Aliments MLW et présidente du CA du CIBÎM (Courtoisie)

Basé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, le CIBÎM regroupe plus de 250 membres. Son rôle est de soutenir l’accompagnement, l’outillage et la mise en relation des entrepreneurs dans le domaine de l’agroalimentaire. Il met l’accent sur le maillage entre les entreprises et les partenaires du secteur, pour favoriser leur croissance et leur réussite. Il offre aussi des programmes de formation, des conférences et divers projets collaboratifs.

L’opportunité de l’intérêt pour l’achat local

Selon Mme Burot, l’impact de la pandémie de COVID-19 a créé un fort élan pour l’achat local. « La pandémie a été bénéfique pour la croissance de cette tendance, même si elle a légèrement ralenti après l’inflation survenue par la suite. » Néanmoins, la prise de conscience autour de l’autonomie alimentaire et de la résilience économique, notamment, a renforcé les politiques bioalimentaires du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), sa politique 2018-2025 en faisant foi.

Et plus récemment, ce sont les politiques tarifaires américaines qui sont venues renforcer, chez plusieurs, un désir d’acheter davantage localement. Cette tendance est entre autres positive pour les petits producteurs, car malgré les défis, la situation actuelle leur offre de nouvelles opportunités, leur donnant accès au marché, selon la présidente du CA du CIBÎM.

À la Zone Agtech, un organisme à but non lucratif de L’Assomption qui regroupe des entreprises membres œuvrant en agtech, en développement industriel et en consultation, on note aussi que la demande pour les produits locaux s’est accentuée. Entre autres en réponse aux politiques américaines, impactant par le fait même le secteur bioalimentaire. « Les consommateurs montréalais montrent un intérêt croissant pour les produits canadiens (…), plutôt que pour les produits américains, qui connaissent une baisse de popularité », mentionne Guillaume Béland, directeur Investissements directs à la Zone Agtech. « Cela a un impact direct sur les acteurs du marché local, qui s’efforcent de répondre à cette demande accrue de produits frais et locaux. Ce changement de mentalité, où les produits d’ici sont de plus en plus privilégiés, représente donc à la fois un défi et une opportunité pour les producteurs agroalimentaires. »

Guillaume Béland, directeur Investissements directs à la Zone Agtech (Image tirée du site web)

Les défis de l’industrie

À l’heure actuelle, trouver un espace de travail qui respecte le budget, embaucher de la main-d’œuvre qualifiée et accéder au marché sont les trois défis majeurs de l’industrie bioalimentaire de l’est, soutient Mme Burot. « Les prix des locaux commerciaux ont considérablement augmenté, ce qui rend difficile pour les petites entreprises de trouver des espaces abordables pour leurs opérations. Puis, l’industrie bioalimentaire manque encore d’innovation et d’automatisation, ce qui empêche une optimisation plus efficace des processus de production. Finalement, bien que les grandes entreprises n’aient pas de difficulté à accéder aux grandes chaînes de distribution, les plus jeunes, souvent locales, peinent à faire connaître leurs produits. »

Par exemple, les institutions publiques telles que les écoles et les hôpitaux représentent souvent des marchés difficiles à pénétrer en raison de la réglementation rigoureuse et des contrats d’appel d’offres déjà en place. Le CIBÎM souhaite justement en faciliter l’accès, notamment avec la mise en place d’un hub (point central) pour aider les entreprises à entrer en contact avec les institutions.

Des tendances influencées par les innovations

Selon Mme Burot, l’industrie bioalimentaire de Montréal demeure avant-gardiste, avec ses entreprises en agriculture urbaine, en production de végétaux ou encore en revalorisation des ressources.

Les innovations technologiques jouent également un rôle clé dans l’évolution de cette industrie dans la métropole. La croissance des fermes urbaines et l’essor des fermes verticales en dépendent. « Des initiatives comme celles des Fermes Lufa illustrent parfaitement cette dynamique, avec leur modèle agricole en ville qui fait partie des réussites les plus notables », note la présidente du CA du CIBÎM.

La revalorisation des produits alimentaires est aussi un secteur en pleine évolution, avec des entreprises comme LOOP et Still Good qui œuvrent dans la transformation de produits alimentaires avec pour objectif d’éviter le gaspillage. Cependant, ces innovations se heurtent souvent à un problème majeur : la rentabilité. « Bien que ces projets soient prometteurs sur le plan environnemental, leur viabilité économique reste un défi crucial pour leur pérennité », souligne Mme Burot.

Guillaume Béland, de la Zone Agtech, met quant à lui de l’avant les tendances qui concernent les produits à base d’insectes ainsi que la fermentation de précision. « Ces innovations apportent des avancées intéressantes, même si elles n’ont pas encore atteint une large adoption dans le marché », indique-t-il. Ce dernier voit également les algues comme un secteur prometteur avec un fort potentiel de croissance dans l’industrie bioalimentaire, tout comme la production de viande cellulaire. « Mais celle-ci n’est pas encore légale au Canada, ce qui limite son développement », ajoute-t-il.

(Image tirée de la page Facebook du CIBÎM)

L’avenir

L’industrie bioalimentaire de Montréal bénéficie donc d’un environnement économique favorable, soutenu par un écosystème d’entreprises et de recherche riche et diversifié. La métropole profite également d’une position géographique stratégique en tant que pôle logistique clé, tout en étant proche des marchés nord-américains, ce qui facilite son accès.

Néanmoins, même si l’écosystème est déjà très développé, il souffre de fragmentation, croit Katell Burot. Plusieurs acteurs de l’industrie risquent de compliquer la collaboration nécessaire pour la réalisation de projets à grande échelle. « La concertation entre les différents acteurs, du local au provincial, est essentielle pour structurer et soutenir un développement cohérent et à long terme », résume-t-elle.

À la Zone Agtech, on se dit confiant face à l’avenir de l’industrie bioalimentaire dans le métropole. « Montréal bénéficie de bons accords de libre-échange, notamment avec l’Europe, ce qui devrait continuer à soutenir le développement du secteur », indique Guillaume Béland. Il souligne également l’importance de continuer à investir dans la transformation agroalimentaire, un domaine où le Québec a déjà démontré sa compétitivité, en particulier dans la transformation du grain et du pain.

Le directeur des Investissements directs déplore toutefois la lenteur de l’innovation qui, selon lui, caractérise la province. « Il existe un potentiel énorme dans des secteurs comme les protéines alternatives, par exemple. Si le Québec parvient à surmonter ses réticences, il pourrait devenir un leader mondial dans ces domaines. »

En somme, la pérennité des projets dans l’industrie bioalimentaire dépend de l’engagement des différents partenaires publics, qui doivent être prêts à investir dans l’avenir du secteur, croit Mme Burot. « Montréal et le Québec, en général, sont bien positionnés pour poursuivre l’innovation dans le secteur bioalimentaire. Il s’agit de continuer à promouvoir une économie autonome et résiliente », conclut-elle.


Le dossier spécial INDUSTRIE BIOALIMENTAIRE 2025 est produit en partie grâce à la contribution financière du Collège de Maisonneuve.