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SYNERGIE MONTRÉAL FAIT GERMER L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE DANS L’EST DE MONTRÉAL

PME MTL Est-de-l’île donne une nouvelle dimension environnementale à l’économie de l’Est de Montréal. Au terme d’une phase pilote réussie l’année dernière, le programme d’économie circulaire Synergie Montréal se greffe aujourd’hui officiellement aux services de la succursale pour faciliter le recyclage et la réutilisation de matières premières entre des compagnies de toutes tailles. Gros plan sur une formule gagnante… pour tous.

Ces dernières années, l’Est de Montréal peinait à retenir ses entreprises prospères attirées par les promesses fiscales alléchantes des couronnes sud et nord de l’île. «Beaucoup de PME innovantes en démarrage ou à la croissance fragile nous quittaient vers les infrastructures nouvelles et les parcs industriels de banlieues comme Laval», observe Annie Bourgoin, DG de PME MTL Est-de-l’île.

Annie Bourgoin, Directrice générale de PME MTL Est-de-l’Île. (Photo fournie par l’organisme).

En quête de solutions, l’équipe entre notamment en contact avec le Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) à Sorel-Tracy pour explorer les avenues de l’économie circulaire. En plus de sa valeur environnementale, la pratique alors peu explorée au Québec crée une boucle d’approvisionnement entre des entreprises locales qui, une fois établie, solidifie leur ancrage dans la région. PME MTL Est-de-l’île saisit l’opportunité et propose à la Ville de Montréal et différents partenaires potentiels de créer une nouvelle division consacrée à l’économie circulaire.

Les contours d’un encadrement novateur des entreprises se dessinent alors. Nommée Synergie Montréal, la branche aspire à créer de la richesse en favorisant les échanges de produits, de ressources ou d’énergie non utilisés entre entreprises du secteur, de sorte qu’elles puissent optimiser l’utilisation des ressources et réduire leur empreinte écologique.

Grâce au soutien du gouvernement du Québec, de la Ville de Montréal et d’ambassadeurs privés, le projet se met en marche en 2016. La succursale de l’Est-de-l’île fait partie des 4 premiers territoires au Québec à implanter une telle initiative. Synergie Montréal s’entoure également de partenaires de poids comme Recyc-Québec, Desjardins et Montréal International. Le conseil d’administration de l’organisme à but non lucratif unit également les forces de quinze élus, dirigeants, éducateurs et entrepreneurs issus du monde des affaires montréalais qui viennent appuyer l’initiative.

Neuf mois après la fin du projet pilote, les statistiques parlent d’elles-mêmes : l’économie circulaire s’enracine dans le fonctionnement de la plupart des compagnies soutenues par Synergie Montréal. Le mouvement compte actuellement une dizaine de projets en R et D et 83 entreprises participantes. 678 camions d’ordures n’ont pas pris le chemin du site d’enfouissement cette année, ce qui équivaut à 1200 tonnes de matériaux. Et les projets se multiplient de façon exponentielle depuis la phase pilote. «Plus il y a d’entreprises, plus c’est facile de créer des synergies entre elles. Quand tu as la réponse pour une matière première, tu appelles tous ceux qui ont les mêmes enjeux reliés à ce matériau», explique Amélie Lépine, conseillère en développement durable et écologie industrielle à PME MTL Est-de-l’île et chargée de projet de Synergie Montréal.

Opération séduction

À titre d’intermédiaire, l’organisme rapproche les entreprises en fonction de besoins complémentaires. Autrement dit, «pour jumeler deux compagnies, il faut que l’une rejette des matières que l’autre a besoin ou dont elle peut tirer profit», explique Mme Lépine. Plus d’une cinquantaine d’entreprises ont participé au projet pilote qui s’est soldé par 34 synergies opérationnelles. Du textile au bois, en passant par les emballages et l’eau, tous les matériaux étaient admissibles.

Même s’ils privilégient les jumelages locaux, les conseillers n’hésitent pas à ratisser plus large lorsque la solution se trouve ailleurs. «Pour ces cas, on élargit nos connaissances ou on trouve preneur ailleurs», résume Annie Bourgoin. S’il n’y a pas de débouchés connus, l’organisme fait appel à la communauté scientifique ou à une base de données fournie par le CTTÉI qui regroupe des entreprises à l’échelle de la province.

Les répercussions sur le fonctionnement des entreprises membres ont pris une ampleur inespérée. USD Global, par exemple, prolonge la durée de vie des bacs à déchets et de recyclage en les réparant et les distribuant dans 70 municipalités et dans des magasins à grande surface. La compagnie réussissait à tout recycler, sauf les roues des bacs faites en caoutchouc et en plastique. C’est là que Synergie Montréal s’est rendu utile en ciblant des entreprises capables de récupérer ces matériaux et de les revendre sous une autre forme comme de l’emballage ou des pneus. «On a réussi à résoudre cette problématique bien plus rapidement avec l’aide de Synergie Montréal», affirme Steve Laflamme, directeur de la succursale d’Anjou d’USD Global. Depuis, 50 000 roues de bacs par année échappent à l’enfouissement.

USD Global a finalement réussi à refiler les vieilles roues de ses bacs de recyclage à une autre entreprise de l’Est qui les transforme. (Photo fournie par USD Global).

Même constat chez l’un des tout premiers bénéficiaires, Papier Emballage Arteau. Benoit Arteau, DG de la compagnie, dit avoir complètement changé son modèle d’affaires après avoir ouvert une gamme de services liés à la cueillette de matières résiduelles recyclables. Grâce à Synergie Montréal, l’entreprise a élargi son réseau de clients. Elle donne notamment une seconde vie à certains résidus de la compagnie spécialisée en impression sur tissu Graphic M&M et du fabricant de pièces de précision par coulée Vetshell, tous deux situés à Montréal-Nord.

Changer les perspectives

Encore aujourd’hui, l’équipe s’évertue à démystifier l’économie circulaire auprès des dirigeants. Les services de Synergie Montréal étant payants, le démarchage nécessite aussi un travail d’éducation sur les économies en temps et en argent que la pratique génère. «En 2014, quand on a présenté le projet pour la première fois aux instances politiques, j’avais l’impression de parler dans un vocabulaire d’astronaute», se rappelle la DG de PME Est-de-l’Île.

Synergie Montréal adopte une approche diversifiée visant la démocratisation de l’économie circulaire. Par exemple, les ateliers de maillage organisés rassemblent des entreprises autour d’une même thématique. Les experts se fondent dans la foule d’interlocuteurs et les ententes se multiplient, le temps d’une demi-journée. «L’idée est de toucher le plus de PME possible», affirme Mme Bourgoin.

Une prise de conscience importante est en train de s’opérer à travers ces jumelages. «Une PME vit comme dans une tempête quotidienne. Les ressources humaines et financières étant rares, il faut gérer rapidement les défis. Le plus dur consiste à capter l’attention de l’entrepreneur. Il faut faire preuve de patience, car nous détenons parfois des réponses que l’entreprise n’est juste pas prête à entendre », illustre la DG.

Or, les compagnies ont plus que jamais besoin de trouver des alternatives à l’enfouissement depuis l’interdiction d’envoyer les déchets à l’étranger. «Le coût d’enfouissement ne va pas diminuer avec les années. Les entreprises qui embarquent maintenant ne peuvent que sauver de l’argent qui pourra être réinvesti dans la compagnie, la société et l’environnement», soutient Annie Bourgoin.

Synergie Montréal atteint le bon public en tissant une toile de références. Les résultats obtenus par d’autres collègues du vaste réseau de PME MTL persuadent souvent les plus récalcitrants. «Les entrepreneurs ne voient pas nécessairement les déchets comme une matière première. Pourtant, la richesse, on la voit tout de suite en scrutant les bacs à déchets des entreprises», renchérit Amélie Lépine.

L’Est précurseur de l’économie circulaire

L’économie de l’Est connaît une grande période de renouveau. Avec l’accès facile au Port de Montréal, ainsi qu’aux infrastructures ferroviaires et routières, la région se révèle un endroit de choix pour y ériger des usines. La plus récente stratégie de développement économique pour l’ensemble de l’agglomération de Montréal met notamment l’accent sur cette région qui a encore beaucoup d’espaces disponibles à offrir aux entrepreneurs. Les secteurs du transport, des énergies propres, du numérique, de la culture et de la création, ainsi que des sciences de la vie ont également été identifiés comme les domaines d’avenir par la Stratégie. Dans la trame industrielle, le virage 4.0 annonce une plus grande coopération entre les secteurs et on ne parle plus seulement de chimie, de bois ou de plastique, mais de toutes sortes d’industries qui s’interpellent au niveau des biens et services afin d’assurer leur bon fonctionnement au quotidien.

L’industrie bioalimentaire est un des pôles qui risque de prendre de l’ampleur. Lorsqu’il a vu la quantité astronomique de fruits et légumes que Courchesne Larose, l’un des plus grands distributeurs de fruits et légumes de la métropole, jetait tous les jours, David Côté a alors quitté la compagnie RISE Kombucha qu’il a fondée. Quelques mois plus tard, il installait les quartiers de Mission Loop directement dans l’usine du distributeur située à Anjou! Depuis, il gère avec sa compagne et associée, Julie Poitras-Saulnier, les opérations des populaires jus Loop, dont la matière première s’avère être les fruits et légumes mis au rancart par Courchesne Larose.

«PME MTL m’a vraiment aidé» dit l’entrepreneur qui a contracté plusieurs prêts majeurs pour le démarrage de Mission Loop avec la succursale de l’Est-de-l’Île. Si Mission Loop n’a pas pris part directement au programme Synergie, elle s’inspire de la même philosophie. «L’économie circulaire remet en circulation les surplus et les déchets industriels, en plus de transformer certaines pertes d’une entreprise donnée en revenus», explique le cofondateur de l’entreprise située à Anjou. Et il est aussi vrai que des compagnies peuvent dépenser des centaines de milliers de dollars par année uniquement pour payer les coûts de gestion de leurs déchets.

Mission Loop applique les principes de l’économie circulaire en pressant à froid plusieurs centaines de tonnes de fruits et légumes trop mûrs pour les étalages et autrefois envoyés à l’enfouissement. La boucle est bouclée lorsque la pulpe restante est convertie en croquettes pour chien par la compagnie Wilder & Harrier. Une bière fabriquée à base du surplus de pain des boulangeries s’ajoutera bientôt à la gamme de produits offerts.

L’économie circulaire prend son envol

Synergie Montréal se trouve à un moment décisif de son existence. «On veut se consacrer pour la suite sur notre expertise, au lieu de la recherche constante de financement. Certaines ententes sont en train de se former pour établir le programme et le déployer sur l’ensemble des PME de l’agglomération de Montréal», annonce Annie Bourgoin.

À l’échelle provinciale, le mouvement de l’économie circulaire a le vent dans les voiles Les toutes premières Assises québécoises sur l’économie circulaire auront lieu le 5 décembre au Palais des congrès. «On espère des annonces et des engagements de la part du nouveau gouvernement, car nous sommes encore sur la ligne de départ de cette pratique», espère Annie Bourgoin.

NDLR : PME MTL Est-de-l’île œuvre auprès de quatre arrondissements de l’Est-de-Montréal : Anjou, Montréal-Nord, Saint-Léonard et Rivière-des-Prairies, ainsi qu’auprès de la ville de Montréal-Est. L’organisme fait partie du réseau à six pôles de PME MTL.