STATIONS FERMÉES SUR LA LIGNE BLEUE : L’INAUGURATION DES TRAVAUX DU PROLONGEMENT REPORTÉE
La matinée devait être synonyme de célébration, mais elle a plutôt rimé avec difficultés pour la Société de transport de Montréal (STM) et ses usagers. Alors qu’on prévoyait la tenue vendredi d’un événement qui allait marquer le commencement des travaux du prolongement de la ligne bleue, les élus de la Ville de Montréal et la direction de la STM ont dû s’expliquer sur les raisons derrière la fermeture d’urgence des trois stations vers l’est de cette ligne du métro de Montréal.
En effet, jeudi en fin de journée, la STM a annoncé d’urgence qu’elle devait fermer immédiatement les stations Saint-Michel, Iberville et Fabre par mesure « préventive de sécurité, et ce, pour une période indéterminée ». Le service de métro est ainsi en fonctionnement uniquement entre les stations Jean-Talon et Snowdon.
« Les travaux qui ont présentement cours à la station Saint-Michel ont permis de détecter une dégradation importante de certaines poutres principales au-dessus de la passerelle, à la suite de l’évaluation des équipes d’ingénierie. Compte tenu de l’emplacement des appareils de voies nécessaires au retournement des trains, les stations Fabre et d’Iberville doivent être fermées également », annonçait hier soir la STM dans un communiqué.
En mêlée de presse plus tôt ce matin, la directrice générale de la société de transport, Marie-Claude Léonard, affirmait que les stations ne seraient « pas ouvertes de sitôt », les travaux évalués pouvant prendre plusieurs jours, voire semaines. Pour remédier à cette fermeture exceptionnelle, la STM a mis en place un service de navettes d’autobus (ligne 809) entre les stations Saint-Michel et Jean-Talon.
« Il faut plus d’argent pour l’entretien »
En point de presse ce matin devant l’édicule de la station Saint-Michel, les élus et gestionnaires des effectifs du réseau de transport montréalais se sont enchaînés pour réclamer plus de financement alloué au maintien des actifs de la STM, alors que ses budgets sont actuellement restreints.
« Vous m’entendez dire sur plusieurs tribunes […] le transport collectif, le financement, c’est sur trois éléments. C’est assurer la qualité du service, ce sont des nouveaux projets […], mais vous m’entendez tout le temps dire que la question du maintien des actifs, [c’est important]. Oui, on veut construire des étages supplémentaires sur la maison, mais la fondation, il faut s’en occuper », a martelé Valérie Plante, mairesse de Montréal.
Cette dernière a ajouté que les investissements du gouvernement provincial en maintien des actifs sont « nettement insuffisants » pour être à la hauteur des besoins. « On est au niveau le plus bas depuis 2013 en matière d’investissements de la part du gouvernement du Québec en ce qui concerne le maintien des actifs », a-t-elle indiqué.
« On investit aux alentours de 300 M$ pour le maintien des actifs dans le métro, mais on aurait des besoins aux alentours de 500 M$ à 550 M$. Au cours des prochaines années […], dans le plan d’investissement du gouvernement, on est passé de 3,6 milliards en maintien d’actifs, qu’on prévoyait il y a 10 ans, à 2,6 milliards qu’on prévoit aujourd’hui pour les 10 prochaines années. Il en faut plus », a soutenu pour sa part l’élu et président du conseil d’administration de la STM, Éric Alan Caldwell.
En décembre dernier, la STM annonçait que son budget final pour 2024 inclurait 85,6 M$ en réduction de dépenses. Plus de 160 000 usagers prennent la ligne bleue du métro chaque jour, a rappelé Mme Plante.
Pas de conséquence sur le prolongement
Ces travaux d’urgence n’auront pas d’impact sur le chantier du prolongement de la ligne bleue, officiellement lancé le 25 septembre dernier, ont assuré la mairesse et la directrice de la STM.
Malgré la fermeture d’urgence de la ligne bleue, Valérie Plante a soutenu qu’il était encore important d’investir dans les prolongements du métro et dans la création de nouveaux réseaux de transport à Montréal. « Comme société, on doit pouvoir se permettre de développer le transport collectif, tout en s’occupant du maintien d’actifs. […] Cette logique-là doit être comprise et intégrée de la part des gouvernements supérieurs, qui eux aussi contribuent au financement du maintien d’actifs. »
La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, devait être présente vendredi matin pour la cérémonie d’ouverture du chantier du prolongement de la ligne bleue, mais cette dernière a annulé sa présence dans le contexte de la fermeture des stations. Par courriel, son cabinet a indiqué à EST MÉDIA Montréal que « la ministre a offert ce matin au président de la STM, M. Éric Alan Caldwell, une rencontre pour discuter du maintien des actifs. »
À savoir si on reverrait la stratégie de financement des fournisseurs de transport en commun de la métropole, le cabinet a répondu que « les discussions progressent bien avec les sociétés de transport pour convenir d’une entente de soutien et d’un plan de décroissance des déficits d’opérations ». Enfin, l’équipe de la ministre a refusé de se prononcer sur la validité de poursuivre des projets de prolongement du métro, dans le contexte de fort déficit que connait la STM. « Merci de soumettre cette question à la STM, qui établit les priorités pour son territoire », a-t-on indiqué.
Le résultat d’années de manque d’investissements
Le chef de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a profité de la mêlée de presse de ce matin pour dénoncer les choix du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de transports collectifs.
« Québec investit présentement en entretien du transport collectif 40 % de ce qu’il investissait en 2013. […] C’est absolument scandaleux. Le gouvernement n’investit même pas la moitié de ce qu’il investissait en 2013. […] Le métro de Montréal, c’est l’infrastructure en transport la plus utilisée dans tout le Canada. […] Ce sont des centaines de milliers de déplacements chaque jour. Quand le gouvernement du Québec se déresponsabilise de l’entretien du métro de Montréal, il se déresponsabilise de l’avenir de Montréal, il se déresponsabilise du poumon économique du Québec, et c’est tout le Québec qui en paie les frais », a insisté M. Nadeau-Dubois.
Ce dernier a aussi dénoncé l’absence de la ministre Geneviève Guilbault ce matin, qualifiant son désistement comme étant « un manque de leadership total ».
De son côté, la mairesse de Montréal-Nord, élue d’Ensemble Montréal, Christine Black, a annoncé que le parti d’opposition allait prochainement déposer au conseil de ville une motion pour demander à ce que la Ville de Montréal mettent en place un meilleur financement des infrastructures de la STM, mais aussi pour que plus de transparence soit adoptée en ce qui concerne l’état de santé de ces infrastructures. « On se demande depuis quand la STM était au courant de l’état de ces poutres », a questionné Mme Black.
Frédéric Therrien, président de la section locale 1983 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente les chauffeurs d’autobus, des services adaptés et des métros ainsi que les agents de station de la STM, a pour sa part souligné « qu’il est plus que temps que le gouvernement prenne les choses en main pour offrir les services à la population ».
« Le gouvernement de la CAQ veut que les transports collectifs fassent de l’argent. Mais demande-t-on aux hôpitaux, aux écoles de faire de l’argent? Non, ce sont des services qui sont offerts à la population. »
D’ici 2030, 93 % des infrastructures de la STM auront atteint plus de 40 ans de durée de vie utile. C’est pourquoi la STM investira 21,1 G$ d’ici dix ans dans la modernisation de ses réseaux, autobus et métro.
Le projet de prolongement de la ligne bleue prévoit l’ajout de 5 stations, sur une distance de près de 6 km, depuis la station Saint-Michel jusqu’à l’arrondissement d’Anjou. Il permettra à plus de 20 000 usagers en période de pointe du matin d’emprunter les transports collectifs. Son coût prévu est de 6,4 milliards et les 5 stations devraient ouvrir leurs portes en même temps, en 2031.