Édicule du SRB Pie-IX, angle Mont-Royal (photo : EMM).

SRB PIE-IX, LIGNE BLEUE ET REM DE L’EST : OÙ EN SOMMES-NOUS?

Trois importants projets de transport collectif sont en cours de réalisation dans l’est de Montréal. Si deux d’entre eux restent embryonnaires, l’autre est sur le point d’enfin voir le jour. Suivi de ces dossiers bien distincts qui se rejoignent dans leur complexité.

Prometteurs et longuement attendus par la population, les trois projets mis en lumière aujourd’hui sont pour le moins ambitieux. En plus des bénéfices en termes de gain de temps pour les usagers, le Réseau express métropolitain (REM) de l’est compte créer 60 000 emplois durant sa construction et estime que 133 000 personnes par jour troqueront leur voiture pour un wagon de ce train. Du côté du prolongement de la ligne bleue, ses cinq nouvelles stations projetées permettraient de désenclaver des quartiers plus que mal desservis. Le Service rapide par bus (SRB) Pie-IX, quant à lui, espère permettre aux Montréalais du nord d’atteindre la station de métro Pie-IX, tout au sud, en quelques minutes. Néanmoins, ces trois projets structurants ne font pas que des heureux; citoyens comme élus, certains ont fait part de leurs craintes ou de leurs désaccords, beaucoup à propos du REM de l’est.

SRB Pie-IX : le grand jour approche

Les travaux avancent bien boulevard Pie-IX. Les chantiers lavallois maintenant presque terminés, la phase 3 des travaux de Montréal s’est amorcée à la fin du printemps 2021. Elle concerne le terre-plein du boulevard. « Cette phase se terminera en décembre », souligne Amélie Régis, conseillère corporative en affaires publiques à la Société de transport de Montréal (STM). « La phase 4, qui consiste en des travaux d’asphaltage et des essais de service, sera entreprise en 2022, pour une mise en service partielle du SRB à l’automne. » On ne note donc aucun retard en ce qui a trait à ce projet. De plus, les citoyens à proximité ont peut-être remarqué l’érection progressive des abris du SRB. « 39 abris longeront le parcours. Ceux situés à Laval ont déjà été installés et ceux initialement prévus à Montréal seront complétés d’ici la fin de 2021. L’installation des équipements dans les abris ainsi que les tests auront lieu en 2022 », ajoute Amélie Régis.

Abri du SRB Pie-IX érigé à la hauteur de Jean-Talon (photo : EMM).

Plus que quelques mois, et les usagers pourront donc investir le bus rapide qui relie Laval à l’avenue Pierre-De Coubertin. À noter que la mise en service entre les rues Everett et Bélair, où se situe la construction du tunnel piétonnier connectant le SRB Pie-IX et la future station du prolongement de la ligne bleue, n’est prévue qu’en 2023, précise la conseillère de la STM. Ce chantier est en cours au coin de la rue Jean-Talon et du boulevard Pie-IX. Et pour ce qui est du prolongement du SRB au-delà de l’avenue Pierre-De Coubertin, annoncé plus tard par le gouvernement du Québec, l’ingénierie détaillée se poursuit, et c’est dans quelques années que les usagers pourront atteindre la rue Notre-Dame par le SRB.

Travaux en lien avec la ligne bleue du métro, coin Jean-Talon et Pie-IX (photo : EMM).

Si les résidents du secteur et les habitués de cette ligne d’autobus se réjouissent de la fin des travaux, certains automobilistes s’inquiètent de voir le trafic augmenter. « La voie réservée prévue avec le SRB (24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et marquée par une chaussée colorée) sera située au centre du boulevard Pie-IX, en site propre intégral et permanent », note Amélie Régis. « Avec le SRB, les autobus ne seront plus en conflit ni avec les nombreux virages à droite, ni avec les mouvements d’entrée et de sortie des nombreuses entrées charretières sur le boulevard Pie-IX. » Les conducteurs auront donc accès à deux voies en direction nord et à deux voies en direction sud pour circuler au volant de leur camion ou de leur voiture.

La STM croit que 70 000 déplacements quotidiens se dérouleront dans le corridor du SRB Pie-IX par les différentes sociétés de transport (STM, STL, exo). Les usagers pourront accéder aux bus grâce aux titres « Tous modes » et « Bus partout » par le biais de leur carte Opus. « La tarification s’articulera autour de deux familles : la famille « Tous modes », qui donne accès à l’ensemble des modes (bus, train, métro et REM); et la famille « Bus partout », qui permet l’utilisation du bus sur l’ensemble du territoire », explique Simon Charbonneau, conseiller en affaires publiques et relations médias à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). Et ce fameux service rapide par bus pourrait-il être aménagé ailleurs dans la région métropolitaine de Montréal? « Il en existe déjà un sur le boulevard le Corbusier, à Laval », précise le conseiller. « Et plusieurs corridors sont à l’étude à travers le Plan stratégique de développement (PSD) pour les années à venir. » L’ARTM analyse d’abord les besoins des secteurs avant de déterminer quel type de mode de transport est le plus approprié. Alors, à suivre!

Prolongement de la ligne bleue : arrivera ou arrivera pas?

Encore très préliminaire, le projet de prolongement de la ligne bleue avancerait malgré tout. La STM et ses équipes du bureau de projet seraient mobilisées pour assurer sa réalisation. « Les employés procèdent à des études d’ingénierie en effectuant la conception architecturale des stations et en finalisant l’élaboration du dossier d’affaires, étape ultime avant la mise en œuvre du projet », mentionne Philippe Déry, conseiller corporatif aux relations publiques à la STM. Sur le terrain aussi, des ouvriers sont à pied d’œuvre. « D’importants travaux préparatoires visant à assurer le déplacement des utilités publiques – comme les égouts, l’aqueduc, les câbles électriques et de télécommunication – sont amorcés dans le secteur Lacordaire et s’étendront par la suite à d’autres secteurs. » La société de transport attend l’approbation du rapport du comité d’experts par les autorités ministérielles, c’est ce qui confirmera les paramètres clés du projet et permettra de finaliser le tout, explique le conseiller. Toujours selon ce dernier, le projet suivrait un cheminement normal.

Travaux préparatoires de la ligne bleue, coin Jean-Talon et Lacordaire (photo : EMM).

Plusieurs citoyens et élus ont fait part de leurs craintes de voir la station projetée dans le secteur Anjou retirée du projet. Du côté de la STM, on répond que la portée du projet, son tracé ou les caractéristiques des stations font partie des « paramètres clés » sur lesquels travaille justement le comité d’experts. Résidents et commerçants des secteurs touchés par les stations projetées ont déjà été approchés par le ministère des Transports du Québec (MTQ), entité mandatée par la STM pour assurer l’acquisition des lots nécessaires au prolongement de la ligne bleue. La société de transport se dit satisfaite du rythme avec lequel avance ce dossier, facilité d’ailleurs par l’adoption du projet de loi 66.

Du côté du ministère, peu d’informations à ce sujet peuvent être révélées pour l’instant comme ce volet n’est pas du tout complété. « En début d’année 2021, le Groupe d’action sur le prolongement de la ligne bleue du métro a été créé. Il a pour mandat de trouver des solutions d’optimisation pour le projet dans son ensemble, dans un souci de saine gestion des fonds publics », indique Sarah Bensadoun, porte-parole du MTQ. Parmi les solutions explorées, certaines pourraient influencer les acquisitions initialement requises. Impossible pour l’instant de connaître le statut des différents dossiers d’expropriation, pas plus que les coûts engendrés. « Le tout sera connu une fois que le dossier d’affaires sera approuvé par le conseil des ministres », étape pas encore franchie. Par ailleurs, selon notre collègue journaliste André Bérubé, qui a rencontré dans le cadre de ce dossier spécial la ministre responsable de la Métropole et ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, cette dernière aurait confirmé sa grande assurance à voir aboutir les cinq stations annoncées dans le projet initial, incluant donc celle d’Anjou.

Passage temporaire pour piétons, angle Jean-Talon et Lacordaire (photo : EMM).

REM de l’est : mandataire enthousiaste et citoyens sceptiques

Tout nouveau réseau de métro léger automatique électrique, le REM 1 accueillera ses premiers passagers l’année prochaine sur l’antenne reliant la rive-sud à la Gare centrale. Nécessitant des travaux et des investissements majeurs, le projet ne semble laisser personne indifférent… et il en est de même pour le REM de l’est. Avec des citoyens craintifs de voir leur quartier « fracturé » et les élus qui tirent la couverture de leurs côtés, la CDPQ Infra, mandatée par le gouvernement du Québec en mai 2019 pour développer une solution de transport collectif performante pour l’est de Montréal, en a visiblement plein les bras. Où en est rendu ce projet qui soulève les passions? Après l’étude des corridors, l’évaluation des habitudes de déplacement et l’analyse technique, la CDPQ Infra a dévoilé une première version du REM de l’est il y a bientôt un an. S’en est suivie une vaste campagne de consultations des parties prenantes. « À partir de janvier 2021, on a rencontré l’ensemble des élus concernés par le tracé ainsi que des organismes locaux et on a mené au printemps dernier une importante consultation publique. Le tout nous a permis de rejoindre 32 000 personnes de manière directe et indirecte », dit Virginie Cousineau, directrice des affaires publiques à la CDPQ Infra et porte-parole du REM de l’est. Pour elle, il demeure certain que des optimisations seront nécessaires au cours de la phase de développement, qui a lieu actuellement. La portion aérienne de l’antenne menant au cégep Marie-Victorin a notamment été modifiée depuis, elle est dorénavant souterraine. « On s’est rendu compte qu’on avait des contraintes très importantes au niveau du secteur de la place Henri-Bourassa », explique la porte-parole. Cette situation a également mené à la relocalisation de la station Montréal-Nord, qui se trouvera à l’angle des boulevards Lacordaire et Henri-Bourassa. La station Contrecœur a aussi changé de place, son emplacement initial se trouvant sur le site d’une future épicerie de quartier. « Le site alternatif n’est pas encore identifié, le travail se fait avec la Ville. »

CDPQ Infra a finalement retiré sa réserve foncière sur le terrain au coin de Sherbrooke et Contrecoeur, laissant le champ libre pour l’arrivée d’un supermarché, depuis longtemps attendu par les résidents du secteur (photo : EMM).

Un comité aviseur (aussi appelé comité d’experts indépendants) a été mis sur pied en mai dernier, nommé par le gouvernement du Québec. Réunissant des spécialistes en patrimoine, en urbanisme ou encore en architecture, le comité compte déjà plus d’une dizaine de rencontres et les travaux vont bon train. « On a travaillé par exemple à comprendre pourquoi nous avons identifié la solution d’un métro léger automatisé comme étant le meilleur mode de transport pour l’est de Montréal », souligne Virginie Cousineau. Le comité s’est également penché sur différentes solutions d’insertion en souterrain au centre-ville de Montréal. « Les travaux du comité visent à alimenter nos ingénieurs et nos architectes qui produiront les lignes directrices pour l’intégration urbaine et architecturale du REM de l’est. » La CDPQ Infra souhaite, à la suite du travail du comité, fournir des rendus et des perspectives architecturales à la population, qui pourra alors se prononcer.

Pour l’instant, les insatisfactions des citoyens et des élus tournent principalement autour de quatre pôles : la portion aérienne dans le centre-ville, la portion aérienne dans Hochelaga-Maisonneuve, la portion aérienne dans Mercier et la demande d’ajout d’une station à Rivière-des-Prairies. La CDPQ Infra se dit soucieuse de ces préoccupations. Les frustrations entourant la portion du centre-ville ont partiellement été réglées, une partie de la structure aérienne a été transformée en souterraine sur René-Lévesque, entre Robert-Bourassa et Jeanne-Mance. Du côté d’Hochelaga-Maisonneuve, des résidents souhaitent préserver la bande verte rue Notre-Dame ainsi que le parc Morgan. Ils craignent aussi une nuisance future, lors des opérations. La CDPQ Infra dit travailler très fort à satisfaire la population et qu’elle devra de toute façon agir en fonction des recommandations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), dont le processus d’évaluation aura lieu au printemps 2022. À Mercier, une partie de la population s’inquiète aussi des nuisances potentielles reliées aux opérations. « Les gens cherchent à préserver leur intimité et leur quiétude dans leur quartier. On travaille pour élaborer une solution », soutient Virginie Cousineau. Par ailleurs, l’administration municipale de MHM, s’appuyant sur une étude qu’elle a elle-même commandée, a proposé tout récemment un tracé différent pour une portion de Mercier, souhaitant entre autres qu’une station centrale soit construite dans le secteur Radisson (aux abords de la Place Versailles et connectée à la station de métro). CDPQ Infra dit avoir « pris acte » de la demande, sans autre commentaire.

Finalement, sur la question de l’ajout d’une station à Rivière-des-Prairies, la CDPQ Infra en prend également acte, mais ne s’aventure pas plus loin dans sa réponse pour l’instant. « On est en discussion continue avec l’ensemble des élus de l’arrondissement. Le dialogue est toujours ouvert et en place », indique la porte-parole. Elle mentionne aussi que la STM repensera certains circuits de bus pour faciliter et accélérer l’accès à la station terminale du REM de l’est. Montréal-Est aussi s’est montrée intéressée à voir une station s’ériger sur son territoire. Que ce soit sur ce sujet ou un autre, la CDPQ Infra continuera, dit-elle, de consulter les parties prenantes du projet jusqu’à la signature des contrats et la mise en chantier, dans deux ans.

D’ici là, le processus d’approvisionnement est entamé, avec la publication récente de l’avis au marché le 19 octobre dernier. Le travail du comité aviseur se poursuit en vue de l’élaboration de l’architecture. Et l’étude d’impact sur l’environnement suivra au printemps, avec l’évaluation du BAPE en 2022. « On vise toujours une mise en chantier en 2023. On estime qu’environ six ans de travaux de chantiers seront nécessaires pour arriver à une mise en service en 2029 », termine Virginie Cousineau.


Le dossier spécial « EST en développement 2021 » a été rendu possible grâce à la collaboration de :