Les Cours Bellerive du promoteur Inovim/Prével , un des grands projets en construction dans MHM (image courtoisie).

SPECTACULAIRE BOOM IMMOBILIER DANS MERCIER–HOCHELAGA-MAISONNEUVE

Au cours des 15 prochaines années, l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve connaîtra un rythme de développement résidentiel, commercial et institutionnel d’une intensité rarement vue, a-t-on appris la semaine dernière. Dans le cadre d’une entrevue que nous a accordée Stéphane Laurin, conseiller en développement – habitation, à l’arrondissement de MHM, nous avons eu droit à une présentation des grands projets résidentiels et mixtes en cours, de ceux dont le permis de construction est sur le point d’être émis, des projets institutionnels confirmés, et d’un aperçu du développement territorial projeté d’ici environ 2035 (en termes de grands projets immobiliers mixtes). Ainsi, après le boom immobilier de Rosemont ces dernières années, tout comme celui du sud-ouest montréalais, il semble que ce soit au tour de MHM d’annoncer l’arrivée de grands chantiers sur son territoire.

« Au-delà du fait que nous avons beaucoup d’opportunités de développement dans l’arrondissement, nous sommes aussi chanceux d’avoir sur notre territoire 9 stations de métro, donc autant de pôles qui pourraient devenir des TOD (concept de Transit-oriented development – voir plus bas), secteurs qui sont appelés à se densifier selon les grandes orientations de la CMM et de la Ville », affirme d’entrée de jeu Stéphane Laurin, qui est un peu le chef d’orchestre de l’arrondissement en termes de développement immobilier.

Le projet Vivenda, dans Assomption-Nord (image courtoisie).

De la construction d’ouest en est

Mercier–Hochelaga-Maisonneuve est un arrondissement qui a un pied bien ancré dans le « centre » de Montréal, mais dont l’autre soulier est plutôt reconnu pour danser dans l’est, surtout lorsqu’on parle de Mercier (est et ouest). Ainsi, alors que plus on se dirige vers l’est, plus il y a de terrains disponibles, on pourrait croire que les grands projets de développement se feront naturellement et principalement dans Mercier. Il semble effectivement que ce sera le cas dans les 15 prochaines années, mais Hochelaga-Maisonneuve aura tout de même une part de gâteau assez considérable dans ce développement anticipé. « Ce que l’on voit et que l’on ne voyait pas avant, et que le confinement a beaucoup aidé à ancrer, c’est la tendance à modifier les usages de terrains et bâtiments existants qui sont dépassés, à démolir et rebâtir pour faire place à de nouveaux projets qui optimiseront l’espace et les milieux de vie », explique M. Laurin. Certains secteurs de Hochelaga-Maisonneuve se prêtent bien à cette perspective, comme Préfontaine ou encore de Rouen, entre Pierre-de-Coubertin et le marché Maisonneuve, notamment.

D’ici une quinzaine d’années, l’arrondissement de MHM anticipe la construction de plus de 15 000 nouvelles unités d’habitation sur son territoire, un chiffre monumental. Environ 5 000 sont en cours de réalisation, 2 300 à l’étape de modification réglementaire (8 projets), et plus de 8 500 sont projetées dans trois secteurs de planification détaillée (aires TOD) : Préfontaine, Bennett-Letourneux et Radisson, réparties sur une trentaine de sites déjà ciblés. On parle de l’arrivée potentielle de quelque 30 000 nouveaux résidents, de la création de nombreux nouveaux commerces et services de proximité, d’écoles, de nouveaux parcs de quartier et autres espaces à bureaux et bâtiments industriels légers. Si l’arrondissement semble savoir où il s’en va avec cette planification, il demeure tout de même avare de détails puisque tous les grands projets de développement impliquent des modifications réglementaires qui devront passer par différentes étapes et approbations prévues par les règlements de la ville. Mais on nous confirme que de nombreux projets de construction sont actuellement déposés à l’arrondissement et analysés par l’équipe d’urbanisme.

Le projet « Beaugrand », situé sur l’ancienne cour de voirie, sur la rue Honoré-Beaugrand entre Hochelaga et Souligny (image courtoisie).

Secteurs TOD

Le concept de Transit-oriented development, qui influence grandement le développement urbain en Amérique du Nord depuis les années 1990, se veut une approche visant à favoriser l’articulation de l’urbanisation et du transport collectif. Le TOD propose l’établissement de collectivités dans lesquelles les habitants peuvent facilement accéder à pied (c’est-à-dire dans un rayon approximatif de 600 mètres) à un noyau de services et de commerces et à une station de transport collectif. C’est pourquoi M. Laurin parle d’un fort potentiel de développement TOD à proximité des stations de métro, mais l’arrivée du SRB Pie-IX, et plus tard du REM de l’est, vient aussi s’imbriquer dans la nouvelle perspective immobilière de MHM. Pour le moment 3 aires TOD en devenir sont donc identifiées près des stations de métro Préfontaine, Pie-IX (secteur sud-ouest – là où le promoteur Rachel-Julien vise d’ailleurs un très grand projet), Radisson, et une 4e devrait s’ajouter incessamment selon Stéphane Laurin, soit aux abords de la station Langelier.

Assomption Nord : la transformation débute

Le programme particulier d’urbanisme (PPU) Assomption Nord, adopté par l’arrondissement en 2017, visait à développer autour du boulevard de l’Assomption, entre Sherbrooke et Pierre-de-Coubertin, un quartier dense et diversifié comprenant des composantes résidentielles et un secteur d’emplois à dominantes commerciale et industrielle légère. Ce PPU prévoit, sur un horizon de 20 ans, la construction de 3 000 logements et la densification des activités qui pourraient permettre l’arrivée de 1 600 nouveaux travailleurs dans le secteur. Le prolongement du boulevard de l’Assomption vers le sud est projeté (jusqu’au port de Montréal), ainsi que la création d’une trame secondaire composée de sentiers piétons et cyclables, de places publiques et de rues locales.

La construction de ce « nouveau quartier » serait sur le point de débuter annonce l’arrondissement avec plusieurs grands projets mixtes qui n’attendent que le feu vert (permis de construire) pour lever les premières pelletées de terre. Selon Stéphane Laurin, les chantiers devraient être en activité en 2022 dans ce secteur.

Le projet du promoteur Vivenda, par exemple, prévu au 3045-3055 boulevard de l’Assomption, annonce un immeuble de 8 à 12 étages annonçant 269 logements avec commerces au rez-de-chaussée, adjacent à une future place publique. « C’est un bâtiment d’une signature architecturale assez unique et qui sera au cœur du nouveau quartier », avance Stéphane Laurin.

Projet Vivenda (image courtoisie).

Le projet Vertica (du promoteur Fratino), quant à lui, toujours situé sur le boulevard de l’Assomption, abritera 195 logements locatifs sur 12 étages et quelques commerces. Particularité intéressante : on construira sur le toit une serre fonctionnelle à l’année pour les résidents (aire commune), au lieu d’un « chalet urbain » comme on en retrouve souvent dans ce genre de complexe. Aussi, près de 40 % de la superficie du terrain sera convertie en espaces verts.

Projet Vertica du promoteur Fratino (image courtoisie).

On prévoit une serre communautaire sur le toit du complexe Vertica, au lieu de l’habituel « chalet urbain » caractéristique à ce type de bâtiment (image courtoisie).

Finalement, le site de l’actuel restaurant Au Vieux Duluth, coin Sherbrooke et boulevard de l’Assomption, accueillera bientôt un nouvel immeuble de 12 étages abritant 213 logements locatifs, avec commerces au rez-de-chaussée.

Les grands projets actuellement en chantier

Rappelons que quelques projets immobiliers d’envergure sont en cours de réalisation sur le territoire de MHM, certains depuis quelques années déjà. On parle notamment du projet Osha, sur la rue Sainte-Catherine, dans le quartier Hochelaga, dont les trois premières phases sont complétées. La 4e phase de construction est en cours, alors que trois autres sont à venir. La particularité de ce projet est qu’il s’agit de 208 unités de condos de 2 à 4 chambres à coucher destinées aux familles. Le promoteur complètera le projet d’ensemble par la construction d’un immeuble de 40 logements sociaux et communautaires.

Projet Osha (image courtoisie).

Sur le terrain de l’ancien entrepôt de Métro, rue Notre-Dame dans Mercier-Est, l’immense projet Les Cours Bellerive du promoteur Inovim/Prével est déjà bien amorcé avec l’érection d’un premier bâtiment sur Dubuisson et quelques maisons de ville. On parle ici d’un développement en plusieurs phases incluant des immeubles allant jusqu’à 12 étages, pour un total de 627 logements, dont 88 logements sociaux, en plus de quelques commerces au rez-de-chaussée. « Ce projet offre vraiment une belle diversité en termes de typologie de bâtiments, de typologie de logements, de clientèle, et le taux d’implantation est assez faible compte tenu du nombre d’étages permis, ce qui laisse beaucoup d’espace pour des aménagements verts et accueillants pour les résidents, mais aussi pour les gens des alentours », précise Stéphane Laurin.

Les Cours Bellerive (image courtoisie).

Près de la station de métro Langelier, entre les rues Sherbrooke et Parkville, le site de l’ancien Motel Le Marquis fait graduellement place à un important projet de 269 logements locatifs et quelques commerces, avec immeubles pouvant atteindre six étages.

Finalement, un autre grand projet mixte en cours de réalisation faisait partie de la présentation de l’arrondissement, le projet « Beaugrand », situé sur l’ancienne cour de voirie, sur la rue Honoré-Beaugrand entre Hochelaga et Souligny. Débuté il y a quelques semaines seulement, ce projet prévoit la construction de 325 unités d’habitation (la première phase étant dédiée à un immeuble de 67 logements sociaux et communautaires), ainsi qu’un supermarché et un lien public aménagé.

Du nouveau aussi du côté scolaire

L’arrivée de plusieurs milliers d’habitations neuves dans MHM, et de familles, nécessite évidemment une planification conséquente au niveau des établissements scolaires. « Aujourd’hui on arrime d’emblée aux grands projets de développement les besoins en termes d’écoles, de services publics, de CPE, etc., quitte même à les asseoir aux tables de discussion avec les promoteurs, ce qui ne se faisait malheureusement pas automatiquement avant », explique M. Laurin.

Parmi les projets d’infrastructures scolaires déjà annoncés sur le territoire, soulignons la construction d’une nouvelle école primaire Longue-Pointe (8075, rue Hochelaga) – l’ancien bâtiment sera démoli; d’une nouvelle école Irénée-Lussier (4410, rue Hochelaga) pour clientèle spécialisée (à définir); d’une nouvelle école primaire Sainte-Claire Annexe (3075, avenue Lebrun) – l’ancien bâtiment sera aussi démoli; l’agrandissement de l’école Saint-Justin (5055, rue Mousseau); et finalement l’agrandissement de l’école secondaire Académie Dunton (5555, rue de Boucherville).

Projection de la prochaine école Irénée-Lussier (image courtoisie).

Projection de la future école qui sera située au 8075 rue Hochelaga, pour le moment nommée Longue-Pointe (image courtoisie).

Logements sociaux et abordables

La crise du logement actuelle qui frappe l’ensemble du Grand Montréal, mais particulièrement les quartiers centraux de la métropole, combinée à l’érosion du parc locatif amorcée avec l’arrivée des condos depuis les années 1980, constituent aujourd’hui un véritable casse-tête tant pour la ville-centre que pour les arrondissements, surtout les plus touchés comme c’est le cas pour MHM.

Si l’arrondissement annonce des projets (et des investissements) de plus ou moins grande envergure sur une base régulière depuis plusieurs années déjà, c’est le Règlement pour une métropole mixte, communément appelé le 20-20-20, entré en vigueur le 1er avril dernier, qui vient changer la donne. Pour les non-initiés, le 20-20-20 encadre les futurs projets immobiliers en obligeant les promoteurs à participer de différentes façons au développement de logements sociaux, abordables et familiaux à Montréal. Par l’entremise d’une entente avec la Ville, ces derniers devront soit céder « un terrain ou un bâtiment en échange d’une contrepartie financière », réaliser « des logements répondant à certains critères » ou encore « contribuer [financièrement] à l’offre de logements sociaux, abordables et familiaux ». La Ville souhaite ainsi augmenter l’offre de tels logements, de plus en plus rares sur son territoire. Par logement familial, elle fait référence à un logement comportant un minimum trois chambres; le logement social est assujetti à un programme municipal ou provincial qui en réduit le loyer; et le logement abordable comporte un crédit de 10 % sur sa valeur marchande offert par les constructeurs puis est assujetti à « un programme de subvention en habitation qui en maintient à long terme le caractère abordable », peut-on lire sur le site de la Ville de Montréal.

Ainsi, avec tous les nouveaux projets en évaluation actuellement à l’arrondissement de MHM, on assure déjà qu’il y aura une augmentation significative du nombre d’unités de logements sociaux et abordables sur le territoire au cours des prochaines années. Toutefois ce modèle, selon la plupart des experts, ne sera pas une formule miracle pour répondre au besoin grandissant de logements sociaux, mais plutôt un outil significatif pour assurer un minimum de croissance pour ce type d’habitations.

Gentrification… ou pas?

Cette vague de développement immobilier aura-t-elle un écho proportionnel du côté de ceux qui dénoncent un embourgeoisement de MHM? Cela reste à voir. Mais le phénomène de gentrification des quartiers centraux, si on se base sur le coût des logements pour définir le terme, est loin d’être unique à Montréal. « L’abordabilité, c’est relatif. Quand je suis arrivé à l’arrondissement il y a 18 ans, un 41/2 se vendait 125 000 $, alors qu’aujourd’hui c’est 375 000 $. Mais c’est la même chose à la grandeur de la ville, dans les grandes villes au Canada et partout en Amérique du Nord », analyse Stéphane Laurin. Ce dernier ajoute que « l’arrondissement de MHM, année après année, demeure proportionnellement moins cher que d’autres quartiers centraux, et les coûts d’habitation augmentent au même rythme que l’ensemble du marché immobilier. Donc MHM est toujours plus abordable que le Plateau et Rosemont, par exemple. » Un marché sur lequel les arrondissements et la ville-centre ont, finalement, peu de mainmise.