André Lavallée et sa conjointe, Chantale Bertrand (Courtoisie)

ANDRÉ LAVALLÉE : « MONTRÉAL LUI COULAIT DANS LES VEINES »

Grand bâtisseur de la métropole, André Lavallée, s’est éteint dimanche dernier à l’âge de 70 ans. Celui-ci laisse derrière lui un important legs dans l’est de Montréal et plusieurs amis et collaborateurs ont réagi à l’annonce de son décès.

Après avoir été membre fondateur des Comités Logement Saint-Louis et Rosemont dans les années 1970, M. Lavallée fut conseiller municipal de Rosemont de 1986 à 1998 sous la bannière du Rassemblement citoyens de Montréal (RCM) de Jean Doré. C’est à cette époque qu’il pilote le tout premier plan d’urbanisme de la Ville de Montréal. Il prend ensuite la barre de la mairie de Rosemont – La Petite-Patrie et de la vice-présidence du comité exécutif de la Ville de Montréal de 2005 à 2009. Il sera plus tard sous-ministre associé à la région métropolitaine. André Lavallée est également l’un des créateurs du concept de vélo en libre-service BIXI.

Christian Yaccarini, président et chef de la direction de la Société de développement Angus (SDA), côtoyait M. Lavallée de longue date. « Je l’ai connu au cours des élections du RCM en 1986. C’est probablement le politicien de tous les paliers qui a le plus porté l’est de Montréal », insiste M. Yaccarini. Ce dernier considère M. Lavallée comme un précurseur dans la revitalisation du secteur Angus. « Quand je suis arrivé dans Rosemont, il avait déjà mené la lutte contre le Canadian Pacifique (CP) et ses projets de centre d’achat après la fermeture des shops. Il a été mon mentor. C’était un fin stratège qui a tout fait pour empêcher ce projet et ça été une victoire totale contre des adversaires de taille, le maire Jean Drapeau et le CP. »

Homme qui s’attendait toujours à obtenir des résultats dans les dossiers qu’il défendait, André Lavallée a été un militant tout au cours de sa vie, selon le président de la SDA. « C’était un géant, dans tous les sens du terme. Il était très exigeant. C’était un homme de la gauche, mais qui savait faire preuve de pragmatisme. Il ne voulait rien de moins que des victoires. Au cours des dernières années de sa vie, c’était devenu un conseiller, auprès duquel ministres, maires et élus de la Ville se tournaient pour avoir son opinion. »

André Lavallée

Photo : EMM.

Avec du recul, M. Yaccarini se dit particulièrement étonné de la vision percutante de M. Lavallée, qui a su mettre en place le premier plan d’urbanisme de Montréal en 1992. « Difficile de croire qu’avant lui, pendant 350 ans, on bâtissait la ville sans plan d’urbanisme! Il est allé dans tous les quartiers de la ville les fins de semaine lors de consultations pour demander aux citoyens : Comment voulez-vous qu’on développe votre quartier dans 10-15 ans ? »

D’ailleurs, la SDA a tenu à souligner la contribution exceptionnelle de M. Lavallée en nommant le bâtiment abritant le CLSC de Rosemont au Technopôle « Édifice André Lavallée ».

« Un ami et complice, un visionnaire et bâtisseur pour qui le développement économique local prend tout son sens lorsqu’il est réalisé pour et par la communauté. Durant toutes ces années, André a su exercer une influence positive et être un allié dans la réalisation de plusieurs projets menés par la CDEC, pensons à Angus, au Cinéma Beaubien, au Campus des technologies de la Santé ou à Cyclochrome. D’un grand homme sont nés de grands projets, a souligné de son côté Jean-François Lalonde, directeur général de PME MTL Centre-Est. D’André, l’ami, le maire, le citoyen engagé, je garde ses précieux conseils, sa vision d’un développement au service de l’économie sociale et du bien commun. Salut André ! »

Un politicien passionné

« Un grand Montréalais s’est éteint. Comme plusieurs, j’ai appris avec beaucoup de tristesse le décès d’André Lavallée hier, a indiqué dans une publication Facebook François Limoges, maire de Rosemont – La Petite-Patrie. J’ai eu le privilège de l’avoir comme interlocuteur et mentor dans les dernières années de sa vie. C’était un homme d’une grande rigueur, à la mémoire encyclopédique, qui connaissait par cœur les rouages de la vie politique municipale, mais surtout, c’était un passionné de Montréal en général, et de Rosemont – La Petite-Patrie en particulier. »

En entrevue avec EST MÉDIA Montréal, M. Limoges a ajouté : « Il fut un immense défenseur de l’est de Montréal. Toujours au front, et pas seulement pour Rosemont – La Petite-Patrie, il était de toutes les discussions, on peut penser au pôle santé de Maisonneuve-Rosemont par exemple. Jusqu’à son décès, il a joué un rôle actif dans la politique et le développement de Montréal. Il téléphonait fréquemment aux élus de tous les niveaux et obligeait les décideurs à considérer l’est de la métropole. »

Pour sa part, la députée de Pointe-aux-Trembles et ministre de la Métropole, Chantal Rouleau, affirme que M. Lavallée « a porté plusieurs chapeaux au municipal et au gouvernement du Québec qui lui ont permis d’être intimement lié aux changements, aux nouvelles façons de faire et surtout de faire avancer sa vision avant-gardiste pour l’est de Montréal, qui s’est concrétisée dans Rosemont – La Petite-Patrie et dans la mobilité avec BIXI. »

« Il m’écrivait d’ailleurs il y a quelques semaines ses commentaires sur les projets de développement qui sont sur la table et en réalisation dans l’est, notamment pour le « Pôle de Pointe-aux-Trembles ». Il réfléchissait à tout, avait des opinions bien campées et j’adorais nos discussions toujours enrichissantes et inspirantes. Il va nous manquer, mais nous a beaucoup appris. Mes sincères condoléances à tous ses proches », d’ajouter Mme Rouleau.

Tantôt adversaire, tantôt ami

André Lavallée a aussi marqué plusieurs gens du milieu journalistique, qui se souviennent d’un homme passionné et aux opinions fortes.

« Depuis mes débuts en journalisme dans les années 1990, André a toujours été un incontournable pour tout ce qui touchait l’actualité municipale montréalaise. Je l’ai rencontré à maintes reprises pour en savoir davantage sur tel et tel dossier, et surtout connaître son opinion en rapport avec le développement de la ville, en particulier de l’est de Montréal dont il était un vrai passionné, a indiqué André Bérubé, éditeur d’EST MÉDIA Montréal. Il a été un grand bâtisseur du Montréal contemporain et il laisse un héritage considérable derrière lui. Il aura définitivement marqué son époque et laissé une trace particulière dans l’est de Montréal. »

Il n’était pas toujours facile de le côtoyer, surtout lorsqu’on couvrait la politique municipale. Son franc parlé et sa présence imposante pouvaient parfois en intimider plus d’un. « Nos premiers contacts ont été très tendus. J’ai toujours été très critique en tant que journaliste. La première fois que je l’ai rencontré, on était sur le bord d’un escalier; il faut se rappeler qu’André était un homme physiquement très grand. Donc le ton était monté durant la discussion. J’ai arrêté l’entrevue, j’ai monté deux marches et j’ai repris la discussion pour lui faire face », se remémore Kathleen Lévesque, professeure de journalisme à l’UQAM et ex-journaliste à La Presse.

Toutefois, de fil en aiguille, la journaliste a découvert qu’elle avait avec l’élu des atomes crochus sur le plan de leur vision de Montréal. « Les années passant, on a développé une amitié. Puisque je suis passée de la vie de journaliste à celle de professeure dans les dernières années, c’était plus facile d’entretenir une relation d’amitié avec lui. On se voyait souvent et on parlait durant de longues heures. » Preuve que cette amitié a su survivre à l’épreuve du temps, Mme Lévesque affirme avoir été en lien avec M. Lavallée et sa famille jusque dans les dernières semaines de sa vie.

D’ailleurs, dans le cadre de son travail professoral, Mme Lévesque n’hésite pas à souligner auprès de ses étudiants la contribution d’André Lavallée dans le monde de la politique municipale, surtout en matière d’urbanisme. « C’est vraiment lui qui a mis les cartes sur la table lorsqu’il a instauré le premier plan d’urbanisme de Montréal, ce qui allait établir les règles du jeu pour faire du développement intelligent. »

« Montréal lui coulait dans les veines. Il aimait profondément cette ville et il était normal pour lui de s’en occuper, au-delà de la politique, même jusqu’à la fin. C’est ce qu’il y avait de formidable avec André, c’était de pouvoir discuter de tous ces dossiers pendant des heures. Il va me manquer », conclut Kathleen Lévesque.