Raymond Chaput parcourant son album de famille (EMM/Sophie Gauthier)

SOUVENIRS DE L’EST : QUAND ANJOU DANSAIT SOUS LA PLUIE

EST MÉDIA Montréal est allé à la rencontre de plusieurs aîné.es dans différents quartiers sur le territoire, dans des résidences de retraité.es surtout, afin de discuter avec elles et avec eux en toute convivialité. Nous avons demandé aux personnes qui ont habité dans l’est de Montréal pendant longtemps de nous parler de leurs souvenirs de la vie quotidienne et de leur quartier d’enfance. Cela a donné lieu à des rencontres extraordinaires, touchantes, parfois cocasses, parfois moins, mais toujours chaleureuses et enrichissantes. Une série signée Sophie Gauthier.

Le président du Service d’aide et de référencement aîné d’Anjou (SARA d’Anjou), Raymond Chaput, fait un bond dans le passé avec en main son album photo regorgeant de souvenirs angevins. 

L’aîné de 78 ans réside à Anjou depuis toujours : « J’y habitais déjà à l’époque où ça ne s’appelait pas encore Anjou. » En effet, avant d’exister sous son nom actuel, le territoire d’Anjou appartenait à Saint-Léonard-de-Port-Maurice. C’est en 1955 que la Ville d’Anjou a été construite, à la suite de la séparation des paroisses de Saint-Léonard-de-Port-Maurice et de la Longue-Pointe. Puis, après les réorganisations municipales de 2002, la Ville d’Anjou devient l’arrondissement Anjou, incluse ainsi à la Ville de Montréal. 

M. Ernest Crépeau, maire de la Ville d’Anjou en février 1959 (Courtoisie Gabriel Desmarais)

M. Chaput dresse le portrait de sa ville en 1950. À cette époque, Anjou appartenait donc à Saint-Léonard-de-Port-Maurice et était encore très rurale : « Il y avait beaucoup de fermes, dont celles des familles Vannier et Touchette qui étaient très connues. Elles faisaient travailler les jeunes dans les champs. Au lieu de les rémunérer avec de l’argent, elles leur donnaient un sac de patates. S’ils n’avaient pas bien travaillé, ils n’avaient que la moitié du sac » explique M. Chaput. « Le maire fondateur de la Ville d’Anjou, élu en 1956, Ernest Crépeau, était très proche des ces familles », se rappelle-t-il. 

Raymond Chaput se remémore son premier emploi : « Je travaillais au pic et à la pelle. Étant donné que j’avais 16 ans, je ne pouvais travailler que 21 h par semaine et j’étais payé 21 pièces », se souvient-il. « C’était dur, mais il y avait une réelle camaraderie entre les travailleurs. » 

Lorsque l’aîné de 78 ans se replonge dans ses souvenirs, il se rappelle que durant son enfance, la plupart des secteurs sur le territoire n’avaient pas d’eau : « Du côté de la place Chaumont, il fallait que l’on creuse pour aller chercher de l’eau. » Autre obstacle quotidien, les toilettes de la plupart des maisons étaient à l’extérieur : « On appelait ça des bécosses », dit-il. 

De plus, Raymond Chaput et les résidents de l’époque se déplaçaient sans bénéficier de trottoirs puisqu’ils n’existaient pas encore : « Lorsqu’il y avait beaucoup de pluie, ce n’était plus la Ville d’Anjou, mais la Ville « d’Anboue » », plaisante-t-il. Les ouvriers locaux laissaient même leurs bottes sous un buisson à côté de l’arrêt d’autobus de la rue Tiffin : « Personne ne se les faisaient voler », ajoute-t-il. 

Raymond Chaput, âgé d’une vingtaine d’années, prend la pose devant sa première voiture (EMM/Sophie Gauthier)

Danser à Anjou 

Parmi tous ses souvenirs, Raymond Chaput se rappelle entre autres du Festival des pluies. Cet événement annuel, qui a rencontré un grand succès auprès des Angevins, a débuté en 1974 et s’est échelonné sur 15 éditions. Cet événement phare possède même sa chanson officielle, Viens voir Anjou, interprétée par Aglaé, la conjointe du pianiste Pierre Roche. 

La fête se tenait au sud des Galeries d’Anjou. Cinéma, bingo, défilé de mode… Une kyrielle d’activités avaient lieu lors de cette soirée qui attirait nombre d’Angevins : « On restait jusqu’à la fermeture vers 23 h ou minuit », se souvient avec nostalgie Raymond Chaput. Les gens dansaient pendant des heures : « C’était le rock’n’roll et le swing surtout. Personnellement, je n’ai pas fait d’école de danse, mais je dansais tout le temps! » Le Festival des pluies a hérité de ce nom « car il mouillait tout le temps à l’automne. Des parapluies de couleur faisaient partie du décor. C’était beau! », confie M. Chaput. 

L’affiche de l’édition de 1980 du Festival des pluies (Courtoisie Ville de Montréal)

Raymond Chaput est très attaché à Anjou. Il n’a jamais voulu partir ailleurs : « C’est là que j’ai grandi, que j’ai appris à travailler, et c’est là que j’ai voulu fonder ma famille », termine-t-il, l’émotion dans la voix et le sourire aux lèvres.