Soraya Martinez Ferrada (photo : courtoisie).

« CE N’EST PAS AUX GENS À S’ENDETTER INDIVIDUELLEMENT À CAUSE DE LA COVID, C’EST COLLECTIVEMENT ET AU GOUVERNEMENT DE LE FAIRE POUR SOUTENIR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION »

C’est ce que répond avec vigueur la députée d’Hochelaga, Soraya Martinez Ferrada, quand on lui pose la question à savoir si le Canada a les moyens de ses ambitions avec ses généreux programmes d’aide financière liés à la présente pandémie. Elle ajoute à cela qu’il est, selon elle, encore trop tôt dans cette crise pour se poser des questions sur une possible période d’austérité à venir. « La COVID-19 fait vivre aux Canadien.es la pire crise depuis la seconde guerre mondiale, et nous sommes en plein dedans en ce moment sans savoir quand elle s’arrêtera. C’est sûr qu’il faudra mettre sur pied un plan pour revenir à l’équilibre budgétaire, et nous allons le faire, mais le plus important actuellement est de s’assurer que dans les mois qui viennent, les gens n’auront pas à choisir entre leur santé et leur job, entre leur maison et l’épicerie », a-t-elle déclaré à EST MÉDIA Montréal hier.

Des enjeux majeurs à Ottawa

La députée libérale fédérale s’est dite particulièrement interpellée par le récent discours du Trône livré par son chef Justin Trudeau mercredi dernier, car selon elle, il risque d’amener des changements majeurs dans la politique canadienne, en autant bien sûr que le parti libéral reste au pouvoir, même dans un contexte minoritaire. « C’était le temps de faire le point sur la vision d’avenir du gouvernement et sur nos objectifs car depuis l’élection en novembre, nous n’avons pu siéger que l’équivalent d’une douzaine de semaines environ à cause du confinement imposé par la COVID-19. Nous avons dû réagir rapidement à la situation et adapter nos interventions au fur et à mesure des événements, mais là ça prenait une pause pour recentrer nos politiques et les proposer à la population et aux autres partis. Et il y a dans ce discours des éléments très importants qui peuvent avoir des répercussions significatives pour l’ensemble du pays et au Québec », affirme Soraya Martinez Ferrada.

L’histoire canadienne démontre effectivement qu’à chaque grande crise que le pays a traversé, comme par exemple les deux guerres mondiales et la grande dépression, le gouvernement fédéral en est toujours ressorti avec des pouvoirs accrus face aux provinces, soit par nécessité et besoin d’efficacité, soit par opportunité politique. Aux yeux de la députée d’Hochelaga, c’est la première option qu’elle retient même si elle avoue que les plans de l’actuel gouvernement appelle à une certaine ingérence dans des sphères de juridiction provinciale, comme par exemple la proposition de mettre sur pied une politique nationale de soins de longue durée pour les aînés au pays. Une question qui a fortement titillé le premier ministre Legault la semaine dernière. « C’est un grand défi de rallier toutes les provinces autour de cet enjeu, c’est vrai, mais je crois sincèrement qu’il faut dans ce cas-ci travailler tous ensemble et oublier pour l’instant les enjeux constitutionnels. L’important, c’est que tous les gens au pays aient droit aux mêmes services et à la même dignité quand ils vieillissent. Ce n’est pas une question de Constitution, c’est une question de qualité de vie et de santé pour les plus vulnérables partout au Canada. La crise a démontré qu’il y a des iniquités au pays dans ce domaine, et il faut absolument régler ce problème-là », dit-elle.

Sur la question du français, sujet toujours très sensible s’il en est un au Québec, le gouvernement Trudeau affirme aujourd’hui vouloir mettre sur pied des mesures pour renforcir la position du français tant à l’extérieur du Québec qu’à l’intérieur. « Pour la première fois de l’histoire du Canada, un gouvernement fédéral reconnaît que le français est présentement en recul au Québec et qu’il est une minorité linguistique en Amérique du Nord qu’il faut protéger avec vigueur. Car le risque de perdre notre langue est réel, on le reconnait et nous nous devons aujourd’hui d’agir avant qu’il ne soit trop tard », soutient la députée. On ne connaît pas encore toute la portée de cette prise de décision du gouvernement libéral ni les propositions concrètes qui en émergeront, mais on peut déjà prévoir que cela fera probablement couler beaucoup d’encre dans les jours à venir. Le député bloquiste de La Pointe-de-l’Île, Mario Beaulieu, a d’ailleurs aujourd’hui réagi fortement à la nouvelle sur sa page Facebook.

Quatre grandes priorités

Le discours du Trône du gouvernement Trudeau reposerait, dans les grandes lignes, sur quatre grandes priorités souligne Soraya Martinez Ferrada. D’abord sur la santé des gens : « Nous voulons nous assurer que lorsqu’un vaccin efficace sera créé, il soit accessible rapidement et universellement à tous les Canadien.es. Pour cela il faut contribuer financièrement à la recherche et c’est ce que nous proposons. Nous travaillons aussi à accélérer le processus d’homologation pour le matériel médical et les tests de COVID afin d’être en mesure d’augmenter encore notre capacité de dépistage, tout en assurant une meilleure gestion du matériel de protection pour les autres vagues éventuelles », avance-t-elle.

La priorité suivante du gouvernement serait le soutien financier dans le cadre de la pandémie. La proposition d’Ottawa est maintenant connue à ce sujet : la PCU est terminée et fait place à trois nouvelles prestations pour aider les Canadien.es qui subissent une baisse de revenu à cause de la COVID. Il s’agit de la Prestation canadienne de la relance économique pour les travailleurs indépendants ou ceux qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi et qui ont encore besoin d’un soutien du revenu; de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique pour les travailleurs qui sont malades ou qui doivent s’isoler pour des raisons liées à la COVID-19; et de la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants pour ceux admissibles qui sont incapables de travailler parce qu’ils doivent s’occuper d’un enfant de moins de 12 ans ou d’un proche dont l’école, le service de garde ou l’établissement de soins est fermé à cause de la COVID-19. Il en est de même si un enfant ou un proche est malade ou doit être placé en quarantaine. De plus, le régime d’assurance-emploi sera simplifié et favorisera l’accès aux prestations de l’assurance-emploi, notamment avec 120 heures de travail requis pour être admissibles

Ainsi, dans les faits, la plupart des gens qui subissent des contrecoups financiers de la COVID continueront d’obtenir une aide financière d’Ottawa. « La subvention salariale est également prolongée jusqu’à l’été prochain, et cela est très important notamment dans l’Est de Montréal car nous avons actuellement sur le territoire une panoplie d’entreprises qui survivent grâce à elle, on parle de milliers d’emplois ici », affirme Mme Martinez Ferrada.

La troisième priorité, selon la députée, est de « rebâtir mieux. » Pour l’Est de Montréal, cela se traduirait par appuyer des initiatives d’économie verte, comme par exemple les projets de l’écoparc industriel de la Grande Prairie (secteur industriel l’Assomption-Sud), le transport structurant (REM, tramway, métro, SRB), ou encore la décontamination des sols industriels. « Et j’ajouterais que dans l’Est particulièrement, le taux de chômage est très inquiétant au niveau des femmes. C’est inquiétant aussi du fait que notre territoire compte une grande proportion de femmes monoparentales. J’aimerais contribuer à mettre sur pied un programme spécifique dans l’Est de Montréal pour les aider, et pas seulement à court terme », exprime Soraya Martinez Ferrada.

Finalement, la députée d’Hochelaga affirme que le discours du Trône tient aussi compte des valeurs canadiennes bien ancrées telles que la lutte à la discrimination systémique ou encore l’accueil adéquat des immigrants, mais elle identifie et ajoute aussi l’équité pour les créateurs de contenus en cette ère numérique. « Il faut que le Canada rattrape son retard à ce sujet sur la scène internationale et légifère afin d’exiger la contribution des géants du Web à la production du contenu qui est assurée par les entreprises canadiennes », dit-elle.

Logements sociaux et Est de Montréal

Est-ce que l’entente de principe entre Québec et Ottawa annoncée ce mois-ci concernant le financement fédéral pour le logement social a un lien avec la situation des campeurs sans-abris longeant la rue Notre-Dame Est? « Bonne question mais non, ce n’est pas lié. Il faut savoir que les deux paliers de gouvernement négocient intensivement depuis plus d’un an et demi pour conclure cette entente, donc cela n’a pas de rapport avec la situation actuelle sur Notre-Dame. Et il s’agit d’une entente de principe, l’accord n’est pas encore ratifié officiellement », explique la députée d’Hochelaga

Elle ajoute cependant que cette entente est très importante car elle permettra de construire rapidement de nouveaux logements sociaux mais aussi d’acheter des bâtiments déjà construits, ce qui pourra dans certains cas accélérer encore plus le processus. Soulignons que le fédéral aide aussi sous une autre forme dans la crise actuelle via son programme « Vers un chez soi », qui a permis notamment de financer des refuges transitoires pour les sans-abris, dont celui du YMCA Hochelaga-Maisonneuve.

« L’enjeu de l’itinérance n’est pas juste une question de logement. C’est aussi une question d’accompagnement, de refuge et de soutien aux organismes qui travaillent avec cette clientèle », affirme la députée. Cette dernière ajoute que la crise actuelle et sans précédent dans l’Est de Montréal, aux abords de la rue Notre-Dame, est aussi une résultante de l’abandon que connaît le centre-ville depuis la pandémie. Beaucoup d’itinérants se sont ainsi déplacés vers l’Est.