
(Photo tirée de la page Facebook de la Ville de Montréal-Est)
7 mai 2025SOMMET CLIMAT : LES INDUSTRIES DE L’EST FONT FACE À LA TRANSITION ENVIRONNEMENTALE
Des acteurs industriels et manufacturiers de l’est se disent prêts à envisager une transition environnementale, alors que la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM) annonce le lancement d’une étude stratégique à ce sujet.
Plusieurs chefs de grandes entreprises de ce territoire étaient rassemblés mardi à l’occasion du Sommet Climat, organisé par la Ville de Montréal. Lors d’un atelier à huis clos, les membres de la CCEM ont fait part de leurs souhaits et de leurs préoccupations concernant une possible transition environnementale.
La volonté de changer est au rendez-vous chez les acteurs du milieu industriel de l’est, a soutenu Richard Mimeau, vice-président, affaires publiques et développement durable chez Matrec. « Tout dernièrement, on a eu des membres d’autres entreprises qui sont venus visiter notre centre de tri. On leur a expliqué comment il est important de traiter les matériaux de construction au lieu de les envoyer à l’enfouissement et on constate un véritable intérêt de leur part à ce sujet », a-t-il assuré.
En février dernier, Matrec, une division de GFL environnemental, inaugurait à Montréal-Est son centre de tri capable de traiter 150 000 tonnes de matières recyclables. Cela représente de 15 % à 20 % du tonnage de la collecte sélective du Québec.
« On a construit chez Matrec un centre environnemental qui comporte deux centres de tri de collecte sélective des matériaux de construction les plus performants et modernes au Canada pour essayer de faire de l’est de l’île de Montréal une plaque tournante de l’économie circulaire et qu’on puisse y faire la transition nécessaire au niveau industriel », a affirmé le vice-président.

Richard Mimeau, vice-président, affaires publiques et développement durable de Matrec (Courtoisie Matrec)
Toutefois, pour parvenir à une réelle transition industrielle, il faudra des investissements et de la volonté de la part des décideurs publics. Effectivement, à lui seul, le secteur industriel est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec.
« C’est sûr que ça prend une volonté politique et je crois que, dans l’est de Montréal, on l’a. (…) Chez nous, on a eu une très belle collaboration avec la Ville de Montréal-Est et sa mairesse, Anne St-Laurent, qui a cru en notre projet. Même chose du côté de la mairesse de Montréal, Valérie Plante », a-t-il ajouté.
Ce qui motive les politiciens à s’engager dans de tels projets, c’est la promesse d’une synergie entre les entreprises qui cherchent à continuer leurs opérations, tout en étant plus « vertes ». « Ça va attirer d’autres entreprises. Je pense entre autres à Polystyvert (NDLR : un spécialiste du recyclage du polystyrène) qui peut avoir une collaboration avec nous », a offert en exemple M. Mimeau.
Enfin, ce dernier a plaidé pour une meilleure éducation du grand public au sujet des industries environnementales. « La lutte aux GES c’est plus sexy, mais l’économie circulaire est moins connue. (…) Est-ce que les gens comprennent vraiment qu’on fait une transition industrielle ? C’est moins sûr. La question de l’acceptabilité sociale est importante. Quand tu veux mettre en place des centres de tri, des établissements comme Sanimax ou Stablex, qui sont des services essentiels, les gens ne comprennent pas toujours ça. »
Décarboner ou améliorer la performance ?
Du côté de l’Association industrielle de l’Est de Montréal (AIEM), on reconnaît que l’atelier mené par la CCEM est « très important », car il permet d’explorer le potentiel de décarbonation de l’industrie, dans un contexte économique particulier, notamment en raison de la guerre tarifaire menée par les États-Unis.

Dimitri Tsingakis, PDG de l’AIEM (Courtoisie)
« C’est un équilibre qui n’est pas évident. D’une part, on veut s’assurer de décarboner l’industrie, tout en maintenant sa rentabilité, puis en le faisant aussi d’une façon la plus acceptable pour la société », a expliqué Dimitri Tsingakis, président-directeur général de l’AIEM.
Représentant de grandes entreprises industrielles internationales telles que Suncor, Enbridge et Shell, le PDG a fait valoir qu’il faut chercher des solutions locales à la transition, tout en plaidant contre la délocalisation de ses membres. « Ce n’est pas la solution », a-t-il soutenu, malgré le contexte urbain de l’est montréalais, où les secteurs résidentiels et industriels se côtoient. Les industries situées au Québec sont en effet plus performantes en termes d’émissions de carbone, car elles profitent de l’hydroélectricité, moins polluante, a-t-il justifié.
Quant à savoir s’il est vraiment possible de décarboner l’industrie des énergies fossiles, M. Tsingakis croit qu’on devrait recentrer le débat sur l’efficacité de la production. « Je n’aime pas trop le terme « décarboner », parce que ça fait penser à éliminer le carbone. Or, la molécule de carbone est quand même importante, utile et nécessaire. Je parle plutôt de faire du développement industriel durable. Il faut penser à l’empreinte environnementale, et pas seulement aux émissions de GES », a-t-il insisté.
Toutefois, la Ville de Montréal voit cet enjeu d’un œil un peu différent. « On veut décarboner le secteur industriel et y amener des acteurs de l’économie verte et circulaire pour y créer un pôle d’économie circulaire majeur. Il y a plein de beaux projets qui s’en viennent. En développant cela, on développe tout l’écosystème qui vient avec, soit une offre de transport collectif et un hôpital digne de ce nom », a souligné Marie-Andrée Mauger, responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal.
« C’est un très gros chantier, l’est », a-t-elle reconnu.

Marie-Andrée Mauger, responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal et Valérie Plante, mairesse de Montréal, lors du Sommet Climat 2025 (Emmanuel Delacour/EMM)
C’est pourquoi la Ville élabore, en collaboration avec le Partenariat Climat Montréal, une feuille de route pour la transition du secteur industriel. « C’est un exemple où on travaille tous ensemble, ce n’est pas la Ville qui dit au secteur industriel quoi faire. Ça se fait en synergie », a indiqué Mme Mauger.
Montréal vise à réduire les émissions de GES de 55 % d’ici 2030 et à mettre la métropole sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050. Le secteur industriel étant un des principaux émetteurs de GES dans la métropole, il devra faire sa part, selon l’élue.
« C’est toute l’importance du travail en partenariat. Il y a des acteurs engagés dans le milieu corporatif qui veulent développer une économie verte et circulaire et faire la transition énergétique. On travaille à additionner les bons partenaires et à être dans le dialogue. Une organisation comme la CCEM de son côté, doit faire le travail auprès de ses membres », a affirmé Mme Mauger.
Celle-ci concède que certains dossiers sont plus corsés dans l’est montréalais, avec certaines industries qui ne collaborent pas comme on le souhaite. Les sagas de l’usine d’équarrissage Sanimax à Rivière-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles ou de la plateforme de conteneurs de Ray-Mont Logistiques à Mercier—Hochelaga-Maisonneuve en sont des exemples.
« Il y a des situations difficiles dans l’est, c’est clair. C’est un pôle économique important. Mais c’est aussi un bassin de population super important et on ne s’empêche pas d’avancer pour ça. Dans le cas de Ray-Mont, on a cherché à trouver la meilleure voie de passage dans le contexte de l’énorme poursuite intentée par l’entreprise », a indiqué l’élue.
Une étude stratégique
En parallèle à son atelier, la CCEM a annoncé le lancement d’une étude stratégique sur la transition industrielle dans l’est de Montréal. Ce projet sera mené par les firmes Innovitech et Ricardo, experts en innovation, environnement et ingénierie, sélectionnées à la suite d’un appel d’offres. L’étude sera dévoilée au début de l’année 2026.
Cette dernière est réalisée dans le cadre du Chantier sur la transition industrielle, présidé par la CCEM et lancé lors du Sommet Climat Montréal 2024. On vise à faire le portrait de l’écosystème industriel et manufacturier de l’est de Montréal. L’étude est rendue possible grâce à un soutien financier de 125 000 $ du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec et de 125 000 $ de Développement économique Canada pour les régions du Québec. Ces sommes avaient été dévoilées un peu plus tôt cette année.
« Le développement économique de l’est de Montréal passe par une transition industrielle ambitieuse et planifiée contribuant à la fois au renforcement de notre économie et à l’amélioration de notre performance environnementale. Notre territoire est un lieu idéal pour innover et cette démarche, nous l’espérons, permettra de propulser nos industriels et manufacturiers vers une productivité durable ainsi que d’inspirer d’autres régions à faire de même », a déclaré par communiqué Jean-Denis Charest, président-directeur général de la CCEM.