Institut universitaire en santé mentale. Photo : Léa Villalba

SANTÉ MENTALE : LE CIUSSS DE L’EST TIENT BON FACE À LA DEMANDE

Stress, dépression, anxiété … les troubles de santé mentale ont pris le devant de la scène médiatique depuis le début de la pandémie. Et c’est bien normal puisque la province de Québec a dénombré une augmentation des demandes de soin en situation de crise de 30%. Qu’en est-il de l’est de Montréal ? Comment cette année de pandémie s’est illustrée au sein des équipes en santé mentale du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal ?

« La santé mentale, tout le monde en a une et il faut en prendre soin », explique Jonathan Brière, directeur du programme de santé mentale pour le CIUSSS de l’est. Depuis le début de la pandémie, la santé mentale des citoyens est rudement mise à l’épreuve, un constat qui s’est notamment confirmé avec la hausse des demandes de consultation en psychothérapie. « Au début de la première vague, on a observé une augmentation de près de 30% dans nos services, ensuite, ça s’est calmé pendant l’été », se souvient M. Brière. Lors de la 2e vague, en automne dernier, une légère hausse a été constatée puis le chiffre a diminué pour se stabiliser depuis. « Bien qu’il y ait eu une explosion au printemps 2020, on garde une moyenne de 150 demandes par semaine environ, et ce, depuis plusieurs années déjà », rassure le directeur.

Environ 19 000 enfants et adultes figureraient présentement sur une liste d’attente au Québec pour une consultation en santé mentale selon les récentes données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), un chiffre 20% plus élevé qu’en novembre dernier. Le CIUSSS de l’est, quant à lui, compte 940 patients en ce moment en attente d’un premier rendez-vous, un chiffre qui a diminué de 50% depuis le début de la pandémie. « Avant mars 2020, on avait plus de 2000 patients en attente. On a travaillé fort pour améliorer l’accès à nos services et réduire les listes d’attente », exprime M. Brière.

En ce moment, une personne qui a besoin d’un premier rendez-vous en santé mentale doit attendre une trentaine de jours pour l’obtenir au CIUSSS de l’est, un délai qui varie selon les arrondissements. Au CIUSSS du Centre-Sud, on compte environ 13 jours. « Ce n’est pas un secret, la population de l’est est plus vulnérable. On a souvent des personnes avec des faibles revenus, des difficultés familiales… c’est sûr que ça a un impact sur le nombre de demandes de services », explique M. Brière.

Des situations inquiétantes

Le CIUSSS de l’est a constaté une recrudescence marquée des démarches pour une consultation en santé mentale chez les jeunes, une clientèle que les professionnels du Centre sont moins habitués à voir en grand nombre. « Ils vivent beaucoup d’inquiétude, de détresse… Leurs portes de sortie habituelles, ce sont les amis, les projets, l’école et là, tout a été bloqué. La pandémie a été particulièrement difficile pour eux », relate le directeur du programme. Il reste aussi préoccupé par l’état physique et mental des professionnels du réseau de la santé, parfois oubliés. « Eux aussi ont vécu les vagues de COVID-19 les unes après les autres et ont en plus dû s’occuper de la population ! », exprime-t-il, inquiet.

Autre point préoccupant, l’augmentation des demandes en situation de crise. On parle notamment de crise psychosociale, de deuil difficile à vivre à cause de la COVID-19, de problèmes conjugaux ou encore de vives attaques d’anxiété. « Les crises situationnelles ont bondi de 30% dans toute la province et on n’a pas été épargné. Beaucoup de personnes nous ont fait part de leurs problématiques qui allaient parfois jusqu’à des idées suicidaires », détaille M. Brière. Ces situations de crise peuvent être prises en charge très rapidement par le CIUSSS de l’est grâce à l’équipe mobile « Résolution », mise en place depuis quelques années. « Il n’y a aucun temps d’attente, explique-t-il. Nos équipes mobiles se déplacent directement à domicile au besoin, des professionnels sont disponibles 24h/24h, 7 jours sur 7 pour intervenir. On offre aussi de l’hébergement de crise à court terme ».

Prévoir et prévenir

Bien que la conjoncture pandémique semble s’améliorer, M. Brière confie être toujours inquiet par la situation. « Il y a sûrement plusieurs personnes qui ne réalisent pas encore ce qui s’est passé, qui n’ont pas pris le temps de vivre un deuil… En plus, avec les difficultés d’accès au logement et les problèmes professionnels et familiaux que la crise a soulevés, on anticipe d’avoir une augmentation des demandes de consultation en santé mentale dans les prochains mois », pense-t-il. Pour prévenir plutôt que guérir, le CIUSSS de l’est compte prochainement mettre en place « un réseau d’éclaireurs ». Ceux-ci auront un rôle de vigie auprès des citoyens qui vivent des difficultés et pourront les orienter vers les services les mieux adaptés à leur situation. De plus, le CIUSSS de l’est prévoit de continuer à améliorer l’accès à son offre de services et réduire encore la durée des listes d’attente. « Il faut que les gens puissent avoir accès à l’aide dont ils ont besoin », livre le directeur de programme.

Parmi les autres solutions, M. Brière évoque le fait de normaliser davantage les émotions au sein de notre société, une pratique qui pourrait aider la santé mentale de tout un chacun. « Ce n’est pas parce qu’on est en colère ou en deuil qu’on a tout de suite besoin de psychothérapie ou de consultation en santé mentale, rassure-t-il. C’est normal de vivre des émotions, il faut juste conscientiser le monde sur cela, une période difficile peut être un simple passage et une situation tout à fait normale ». Enfin, même si le déconfinement est à nos portes, il conseille de rester vigilant envers nos proches et de garder contact le plus possible. « Il y a beaucoup de services qui peuvent aider : des organismes, des lignes d’écoute…. Faut pas rester avec un problème qu’on vit, conclut-il. Il ne faut jamais hésiter à parler, à demander de l’aide ».

En novembre dernier, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé un investissement de 100 millions de dollars pour bonifier l’offre de services et de soin en santé mentale. 25 millions doivent notamment être destinés à réduire les listes d’attente en offrant des séances auprès de psychologues du privé.