Le couvent de la Résurrection de l’Ordre des Franciscains, dont la chapelle, située à gauche et construite en 1960, pourrait être démolie (Emmanuel Delacour/EMM)

ROSEMONT : LE COUVENT DES FRANCISCAINS BIENTÔT TRANSFORMÉ

Un site religieux situé dans le quartier Rosemont et dont l’importance patrimoniale a été reconnue dans le passé par la Ville de Montréal sera vraisemblablement démoli en partie pour laisser place à des immeubles à vocation résidentielle et communautaire, et ce, d’ici les prochaines années.

Localisé au 5750, boul. Rosemont, l’ancien couvent de la Résurrection appartient à l’Ordre des Franciscains. Mais depuis 2017, l’occupation du bâtiment est moindre et une réflexion a été amorcée sur la requalification éventuelle du site.

Par exemple, l’édifice de la chapelle, construit en 1960 et dont l’architecture moderniste est notable, pourrait être démoli. C’est ce que nous a révélé l’organisme Héritage Montréal qui a été en contact « à plusieurs reprises l’hiver dernier » avec les promoteurs du projet. « Parmi les enjeux, il y a le maintien de la chapelle moderniste avec une voûte plissée en béton. Mais faute de vocation possible, elle sera appelée à disparaître pour faire place à un immeuble de logements sociaux ou abordables », souligne l’organisme qui se porte à la défense du patrimoine bâti montréalais.

Lors d’une entrevue, le directeur des politiques chez Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, affirme que le promoteur immobilier, Prével, a pris les devants pour rencontrer son organisme. « On apprécie ça. C’est toujours mieux de se prononcer sur les principes d’un projet avant que tout soit ficelé », a reconnu M. Bumbaru. Ce dernier se désole toutefois que la chapelle, dont l’aspect « insolite » mériterait d’être préservé, soit probablement détruite. « Le promoteur aurait fait des recherches pour lui trouver une vocation, mais cela n’a pas abouti. Cependant, il y a des besoins à Montréal pour du logement abordable », constate celui qui agit aussi à titre de porte-parole d’Héritage Montréal.

Selon des informations trouvées sur le Carrefour Lobby Québec, des représentants embauchés par le promoteur immobilier Prével ont effectivement pour mandat depuis 2022 de proposer un réaménagement du site afin de « modifier l’usage actuel « religieux institutionnel » vers des usages « résidentiels » et « communautaires » ». Les mandats enregistrés ont comme objectif d’obtenir « un accord de principe à la requalification du site des Franciscains pour un projet à déterminer. Le projet aurait pour objectif de mettre en valeur le site, son boisé et son bâtiment historique ».

En effet, le parc du Bois-du-Pères, qui se trouve à l’arrière des édifices et qui longe la rue Dickson, pourrait être « intégré à un accord avec la Ville pour lui assurer un accès public », selon les informations transmises par Héritage Montréal.

Le parc du Bois-des-Pères, situé à l’arrière du couvent et qui longe la rue Dickson (Emmanuel Delacour/EMM)

Rejoint par EST MÉDIA Montréal, le frère Pierre Charland, ministre provincial des Franciscains du Canada, a révélé quelques éléments concernant le projet. Sans nier ni confirmer les informations fournies par Héritage Montréal, celui-ci indique que « l’acheteur pressenti est un partenariat entre l’entrepreneur Prével et la Fondation de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont ».

« Le plan prévoit que l’ancien couvent soit maintenu et occupé par un organisme d’économie sociale et solidaire », confie dans un courriel le porte-parole des Franciscains. « Ces détails sont à l’étude avec la Ville de Montréal, le nouveau zonage n’est pas encore accordé et il reste beaucoup de travail à faire pour confirmer les éléments du projet, poursuit-il dans le message. Les prochaines étapes s’échelonneront jusqu’en 2025, dont la consultation publique, l’approbation du plan d’urbanisme et le changement de zonage. »

Dans de précédents échanges, ce dernier avait assuré que les prochaines annonces au sujet du projet ne se feraient pas avant cet automne.

Un site reconnu par Montréal

Aujourd’hui, le site du couvent est composé de sept bâtiments. Les ailes ouest et sud ont été construites en 1914, tandis que l’aile est, le cloître et le soubassement ont été érigés en 1922. Enfin, l’ancienne infirmerie provinciale et la chapelle furent bâties en 1960.

Dans un « Énoncé de l’intérêt patrimonial » (pour lire l’énoncé, cliquez sur ce lien : ÉNONCÉ COUVENT) publié en 2017, la Ville de Montréal reconnaît l’importance historique du site, dont celle des bâtiments datant de 1914. « Le lieu témoigne de la présence de l’Ordre des Franciscains dans le quartier Rosemont depuis plus d’un siècle et du mode de vie disparu, en autarcie, de cette communauté à la fois contemplative dans sa vie spirituelle organisée notamment autour d’un cloître et active dans son milieu », indique-t-on dans le document.

Cependant, selon le même document, si la Ville et l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie (RPP) reconnaissent que le couvent possède un « intérêt archéologique à fort potentiel » et possède des immeubles « significatifs », aucun statut en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel ni de désignation patrimoniale fédérale ne lui a été accordé.

« Les énoncés d’intérêt patrimonial peuvent permettre d’avoir de meilleurs projets en fin de compte lorsque vient le temps de transformer un immeuble patrimonial, mais ils n’ont aucun pouvoir contraignant », rappelle M. Bumbaru.

Contactés par EST MÉDIA Montréal, la Ville de Montréal, l’arrondissement de RPP ainsi que le promoteur Prével n’ont pas souhaité divulguer l’avancement de leurs négociations ni discuter de la forme finale du projet.