Esquisse de la station que projetait CDPQ Infra à Pointe-aux-Trembles (image CDPQ Infra).

REM DE L’EST : BEAUCOUP DE QUESTIONS SANS RÉPONSES

La rumeur était forte depuis le week-end dernier à l’effet que le gouvernement du Québec allait reprendre les rênes du REM de l’est des mains de CDPQ Infra, et créer une nouvelle équipe de projet où la Ville de Montréal aurait enfin le droit de regard qui lui revient. C’est maintenant officiel depuis ce matin.

« Exit » aussi la portion controversée du centre-ville jusqu’à la rue Dickson. Si le gouvernement caquiste s’épargne ainsi l’impopulaire projet d’un REM aérien sur René-Lévesque, et du même souffle une certaine contestation des riverains d’Hochelaga-Maisonneuve, sans compter l’impasse concernant le passage du train dans le parc Morgan, le fameux lien direct avec le centre-ville, qui devait sauver tant de minutes pour les utilisateurs des quartiers les plus à l’est, est quant à lui sacrifié. Tout comme la connexion avec le SRB Pie-IX. C’est du moins ce que l’on a appris ce matin, mais tout cela risque de changer bien souvent d’ici l’adoption d’un tracé ou d’une solution finale, si on se fie à la chronologie des événements depuis le début du projet du REM de l’est.

Retour à la table à dessin

Ainsi, Québec travaillera désormais de concert avec la Ville de Montréal, une belle victoire de Valérie Plante qui a finalement réussi à faire entendre raison au gouvernement Legault. Mais encore plus intéressant, l’ARTM et la STM seront maintenant partie prenante du projet, elles qui avaient été très critiques envers la vision de CDPQ Infra. C’est d’ailleurs étonnant d’entendre aujourd’hui les autorités gouvernementales affirmer que le reste du projet (excluant le tronçon centre-ville) est toujours envisagé pratiquement dans sa forme actuelle, nonobstant le passage dans Mercier-Est qui devra lui être revu en fonction d’une acceptabilité sociale qui est loin d’être acquise pour le moment. À moins que la solution souterraine soit retenue, ce qui reste à voir. On ne sait d’ailleurs pas si ce sera finalement un tracé sur Souligny ou sur Sherbrooke (ou autre?) qui s’avérera adéquat. Bref, étonnant en effet car l’ARTM et la STM avaient plusieurs réticences sur l’ensemble du projet, notamment sur le fait que le REM de l’est cannibaliserait le réseau de transport collectif en place. Donc on verra bien dans les prochains mois quelle sera leur position, quoique la question de « rentabilité » du projet ne devrait plus être un enjeu aujourd’hui.

L’antenne nord du projet, prévue entièrement souterraine jusqu’au Cégep Marie-Victorin, semble faire l’unanimité et serait toujours dans les plans tel quel. C’est donc la portion vers Pointe-aux-Trembles qui serait à revoir, en particulier la section qui traverse Mercier-Est. Si cette dernière se ferait en souterrain, il ne resterait donc que Montréal-Est et Pointe-aux-Trembles qui verraient sur leur territoire une structure aérienne. Montréal-Est et Rivière-des-Prairies demandaient également qu’une station du REM soit construite dans leur secteur, est-ce que ce sera le cas? Est-ce que le projet final inclura un tracé desservant Rivière-des-Prairies? La mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT était au côté de Valérie Plante ce matin lors de l’annonce. Il y a de fortes chances que le projet évolue au nord-est de l’Île. Mme Bourgeois a par ailleurs confirmé à EST MÉDIA Montréal cet après-midi qu’elle continuera de pousser activement pour que le REM de l’est desserve Rivière-des-Prairies. « Mes premières impressions aujourd’hui ? En fait je suis surtout heureuse de voir que le projet du REM de l’est se poursuive, que ça ne tombe pas à l’eau, car l’est de Montréal a trop besoin de ce projet. Et maintenant que la Ville de Montréal est à la table des décideurs, ce sera certainement plus efficace et rassurant pour les gens de l’est », a-t-elle déclaré.

Les budgets nécessaires seraient toujours sur la table a assuré le gouvernement du Québec ce matin (plus de 10 milliards de dollars – le plus gros montant destiné à un projet de transport collectif de l’histoire au Québec). Et ce sera probablement beaucoup plus si les autorités optent pour le prolongement du projet du côté de Lanaudière (Repentigny surtout) et une connexion avec Laval à partir de l’antenne nord-est, options qui seront étudiées à partir d’aujourd’hui a confirmé François Legault. Quant à l’échéancier, c’était plutôt vague à ce sujet ce matin et cela peut se comprendre compte tenu de l’ampleur de la révision qui s’annonce. M. Legault et Mme Plante affirmant tout de même en point de presse être plutôt impatients de voir le projet du REM de l’est se concrétiser. « On ne part pas de zéro non plus, a exprimé Caroline Bourgeois, les études et tout le dossier de travail réalisé par CDPQ Infra sont toujours valides, on continue la réalisation du projet mais avec une vision différente. »

Réactions

CDPQ Infra a réagi officiellement en après-midi par voie de communiqué indiquant d’entrée de jeu que « la poursuite des différentes étapes de réalisation du REM de l’est était en tout temps la prérogative du gouvernement du Québec et sujette à l’appui de la Ville de Montréal. » Après avoir énuméré quelques réalisations en lien avec le mandat qui lui était octroyé par le gouvernement, laissant entendre une satisfaction certaine du travail effectué jusqu’à maintenant, CDPQ Infra a confirmé que « l’ensemble des études effectuées en cours de planification seront remises au gouvernement, avec le remboursement des coûts encourus pour le projet, selon les modalités prévues par l’Entente en matière d’infrastructure publique conclue en 2015. » Ainsi, il semble que Québec aura des sommes à rembourser pour prendre en main le dossier.

Du côté de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, si on salue la révision de la gouvernance du projet du REM de l’est, on déplore toutefois la perte du lien direct avec le centre-ville tel que proposait le projet initial. « Malheureusement, l’annonce d’aujourd’hui semble indiquer que la nouvelle mouture du REM de l’est n’aura pas de connexion directe avec le centre-ville. Il est impensable d’envisager que l’ouest de l’île et la rive-sud auront un lien direct avec le centre-ville de notre métropole, alors que l’est de Montréal sera en reste. D’un point de vue de revitalisation de l’est de Montréal et d’attractivité du territoire pour les entreprises, les employés et les résidents, cette connexion demeure essentielle. Nous invitons les décideurs à ne pas créer une iniquité territoriale et à assurer une connexion directe au centre-ville dans le cadre de la nouvelle mouture du projet », a déclaré Jean-Denis Charest, PDG de la CCEM.

L’organisme affirme par ailleurs qu’il est essentiel que le nouveau projet réponde à cinq principes directeurs. Le premier serait un développement de projet dont l’objectif serait de doter l’est de Montréal d’un levier de revitalisation du territoire, et ne pas aborder le projet de REM avec une approche traditionnelle de développement des transports collectifs. Le projet devrait être réalisé en moins de 10 ans, souhaite la CCEM. La solution retenue devrait être rapide, de fréquence élevée pour les utilisateurs, et offrir une connexion directe au centre-ville. Finalement, la CCEM demande le maintien des budgets annoncés pour le développement du REM de l’est.

Le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve, responsable en matière de transports à Montréal, Alexandre Leduc, est également sorti rapidement après la conférence de presse nous faisant parvenir par courriel quelques commentaires à chaud. « Il manque encore beaucoup de détails concernant le nouveau tracé, mais quelle immense perte de temps due à l’incompétence de la CAQ en transport. Le gouvernement termine son mandat tout en cafouillage en ne livrant rien de concret à l’est de Montréal en matière de transport. Il faut absolument saluer le mouvement citoyen qui a réussi à faire reculer le gouvernement sur un mauvais projet qu’il tentait de nous enfoncer dans la gorge. Les citoyennes et citoyens de Montréal ont besoin d’être au cœur des décisions, il faut vite trouver des solutions qui profitent à leur qualité de vie », a déclaré le député.

Finalement, le Conseil régional de l’environnement de Montréal est intervenu à son tour par voie de communiqué affirmant que « le gouvernement a ainsi reconnu que les critères d’investissement de son mandataire étaient incompatibles avec une implantation harmonieuse du projet au centre-ville et dans Mercier-Est. »

Selon l’organisme, « bien qu’il y ait une volonté unanime de voir le projet se concrétiser rapidement, les changements annoncés ce matin vont nécessairement entraîner une révision en profondeur de la planification et de la forme du projet. En outre, les nouveaux promoteurs devront, tout autant que leur prédécesseur, démontrer que l’infrastructure contribue significativement à la réduction de l’utilisation de l’auto solo et, plus largement, à un développement de l’est contribuant à l’atteinte des objectifs provinciaux et municipaux en matière de lutte contre les changements climatiques. »