RECRUTER DANS L’EST : UNE FACILITÉ OU UN OBSTACLE?
Recruter de la main-d’œuvre lorsqu’on est une entreprise située dans l’est de Montréal s’avère-t-il plus difficile qu’ailleurs dans la métropole? Si le secteur possède certains avantages comparativement au reste de la région métropolitaine, de nombreux défis continuent de constituer des freins à l’embauche dans l’est.
A priori, il est ardu de répondre à la question en ouverture, puisque les données qui examinent l’attractivité de l’est montréalais par rapport au reste des zones d’emploi se font rares. De plus, le marché du travail dans le secteur est vaste et diversifié; il ne se présente pas comme un monolithe.
Selon Xavier Thorens, directeur général de la firme de recrutement Thorens Solutions, il faut s’attarder à la nature du travail avant de tenter de résoudre le problème de l’attractivité de l’est. « On y trouve une importante zone industrielle et ça peut venir avec ses avantages. Je pense surtout aux personnes qui viennent de l’extérieur de l’île, de Terrebonne et de la Rive-Sud. C’est plus facile de faire de la conciliation travail-famille, parce que pour les automobilistes, c’est beaucoup plus facile de trouver du stationnement près de leur lieu de travail, contrairement aux grands centres », affirme celui-ci.
La venue du prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal et d’un éventuel train léger sur rail dans l’est pourraient faire augmenter l’attractivité du secteur. Il s’agit de projets cruciaux, puisque pour une vaste portion des travailleurs, souvent rémunérés en dessous de la médiane salariale, l’accès aux transports collectifs est essentiel. « C’est sûr que pour eux, c’est beaucoup plus difficile, pour l’instant, de se déplacer dans l’est », observe M. Thorens. Ce dernier souligne qu’il faut toutefois prendre garde aux généralisations concernant l’est de Montréal; il est question d’un vaste secteur avec des quartiers différents les uns des autres et des défis qui leur sont propres en matière de main-d’œuvre.
Le taux de chômage un peu plus élevé dans la région de Montréal (2024 : 7,8 %) qu’ailleurs au Québec (2024 : 5,4 %) joue aussi en la faveur des employeurs, selon M. Thorens. « Si vous regardez les Bois-Francs, ils ont encore un taux de chômage inférieur à 5 %, même chose dans les Laurentides, ils sont encore en plein emploi et ils ont de la difficulté à se trouver de la main-d’œuvre. C’est difficile dans ce contexte de prendre de l’expansion. Cependant, à Montréal, le taux de chômage est plus élevé, ce qui permet d’avoir accès à un bassin plus grand de travailleurs », explique-t-il.
Toutefois, certains secteurs qui demandent une main-d’œuvre spécialisée peinent très certainement à combler leurs postes dans l’est. Le secteur industriel et les emplois qui y sont liés restent toujours en demande. On peut penser aux ingénieurs d’usine, aux électrotechniciens ou aux responsables de l’approvisionnement comme à des types d’employés très convoités dans l’est.
La mobilité, un enjeu de taille
Pour Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM), l’image de l’est comme lieu de travail s’est améliorée durant les dernières années.
« Cela étant dit, on n’a pas encore senti les impacts d’amélioration au niveau du transport collectif. La capacité de se déplacer dans l’est demeure encore une fois importante, insiste-t-il. On se rend compte que le taux de chômage des citoyens du nord-est est plus élevé, parce que beaucoup de zones d’emploi se trouvent plus au sud ou dans le centre de l’est. Pour les personnes qui se trouvent dans les quartiers du nord-est, où il y a une forte concentration de personnes sans voiture, c’est extrêmement difficile de se déplacer vers ces zones d’emploi. »
En effet, selon un sondage réalisé par la firme Léger en 2020 dans le cadre d’un portrait des perspectives d’emploi dans l’est montréalais, l’arrivée d’un réseau structurant dans le secteur aurait pour effet d’accroître son attractivité auprès des travailleurs. L’enquête menée auprès de 1000 répondants de la région métropolitaine de Montréal démontre qu’un nouveau système de transport collectif ferait passer la population favorable à un emploi dans l’est de 59% à 71%.
« Il y a eu des changements importants avec le télétravail et la création de nouveaux pôles d’emploi, tel que le pôle Angus, mais il reste encore du travail à faire pour améliorer l’attractivité », constate le PDG de PDG.
Dans son portrait sur les perspectives d’emploi dans l’est, publié en février 2021, la Chambre de commerce identifiait quatre enjeux pour le marché du travail. Outre la présence d’un bon réseau de transports collectifs pour attirer les travailleurs, une pénurie de main-d’œuvre détenant des compétences numériques constitue un défi de taille.
Le rapport souligne également que le recrutement de travailleurs issus de l’immigration nécessite une gestion considérable de la part des employeurs. « C’est d’autant plus difficile pour les PME qui n’ont pas de département de ressources humaines. Il faut qu’ils aient accès à des programmes pour les aider à gérer cette question », note M. Charest.
Enfin, la collaboration entre les écoles et les entreprises demeure « extrêmement importante », affirme ce dernier. Les milieux collégiaux et universitaires sont une source d’innovation, mais aussi un milieu de formation dans lequel sont créés les talents de demain, qu’il sera essentiel de retenir dans l’est pour soutenir la transition déjà entamée de l’économie locale.