
L’usine Sanimax à RDP-PAT (Google Maps)
27 février 2025RDP-PAT : L’ENTENTE ENTRE SANIMAX ET L’ADMINISTRATION PUBLIQUE FRAPPE UN MUR
Un peu moins d’un an après avoir signé une entente pour limiter les nuisances liées à ses opérations d’équarrissage dans l’est, l’entreprise Sanimax et l’arrondissement de Rivière-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT) se trouvent à nouveau au cœur d’un conflit de nature administrative. Les deux parties affirment agir de bonne foi, ne pouvant pas faire avancer le dossier sans une preuve d’ouverture de la part de l’autre.
En mars dernier, la Ville de Montréal, Sanimax et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) en étaient venus à un accord. Cette entente tripartite mettait en place une zone d’intervention spéciale sur le lot de l’entreprise spécialisée dans la gestion et le traitement de carcasses animales afin qu’elle puisse procéder à certaines modifications sur ses installations qui viendraient amoindrir les nuisances liées à ses opérations. Un meilleur contrôle du transport des matières animales, des émissions aériennes et des rejets d’azote dans l’eau est au programme.
L’entente est l’aboutissement d’un long conflit maintes fois judiciarisé entre Sanimax, RDP-PAT et Montréal. De nombreuses plaintes ont été formulées au fil des ans par les administrations publiques concernant les mauvaises odeurs, les rejets dans l’eau et même des carcasses déversées accidentellement par des camions sur leur trajet en direction de l’usine.

Des représentants de la Ville de Montréal, de l’arrondissement de RDP-PAT, du MAPAQ et de Sanimax ont dévoilé le détail de l’entente en avril dernier (Emmanuel Delacour/EMM)
Or, l’administration locale affirme que l’entreprise n’a pas été en mesure de lui fournir les documents nécessaires et conformes pour lui octroyer les permis requis pour procéder aux travaux.
Il manquerait un bilan gazeux, qui est une estimation des polluants qui sont susceptibles de se retrouver dans l’air. De plus, une étude de captation des substances et particules qui sont émises lors des activités d’entreprise, document qui permet d’évaluer la captation des polluants dans l’air, manque à l’appel. Enfin, une étude globale des rapports d’ingénierie, c’est-à-dire les plans, les conceptions, les dimensions des équipements nécessaires au traitement des émissions, n’a pas été envoyée, nous informe la conseillère d’arrondissement Daphney Colin.

Daphney Colin, conseillère pour l’arrondissement RDP-PAT (Courtoisie Ville de Montréal)
« Ce sont des éléments de base, qui sont standards. On ne demande pas à Sanimax plus que ce qu’on demande à une autre entreprise, on demande la même chose, et on n’a jamais d’enjeux de la part des autres entreprises. Pourquoi est-ce que Sanimax n’est pas en mesure de nous donner ce que les autres entreprises sont en mesure de faire? », se questionne l’élue. Une usine de biométhanisation récemment ouverte à proximité, qui traite elle aussi certains produits de nature animale, serait en mesure de se conformer aux mêmes normes, illustre cette dernière.
Ce n’est pas la première fois que des difficultés surviennent en raison de permis. La Presse rapportait en décembre dernier que le chef de la direction de Sanimax, Martial Hamel, attendait déjà l’obtention d’un permis pour la construction d’un garage. La demande aurait été déposée au printemps précédent, affirmait-il à ce moment. Du côté de l’Arrondissement, on nous indique que la demande de permis a été déposée en juin, mais qu’elle n’avait pas été signée par un ingénieur, ce qui est la norme. D’ailleurs, plusieurs autres documents envoyés par Sanimax dans diverses demandes de permis à l’Arrondissement n’ont pas été dûment signés par un ingénieur, se désole Mme Colin. Enfin, selon les informations fournies par RDP-PAT, une autre demande de permis en matière de gestion des eaux a tout juste été déposée par l’entreprise il y a deux jours.
Dans une lettre envoyée à l’administration locale lundi, Sanimax aurait fait part de son intention de ne plus répondre aux demandes de RDP-PAT de lui fournir d’autres documents dans le cadre de ses demandes d’obtention de permis, rapporte la conseillère d’arrondissement.
Des exigences trop élevées
De son côté, l’entreprise d’équarrissage affirme que ses plans déjà envoyés à l’Arrondissement sont conformes à l’esprit du règlement qui a découlé du jugement de la Cour supérieure émis en mars dernier. Une firme d’ingénierie embauchée par le MAPAQ, GBI, a évalué la solution avancée par Sanimax et aurait indiqué qu’elle « respecte les règles de l’art », insiste Terry Finn, vice-président principal chez Sanimax. Une « sommité mondiale » dans le domaine, Matthias Haenel, un ingénieur engagé par Sanimax, aurait aussi attesté que les normes imposées à l’entreprise sont inatteignables, soutient-on.
M. Finn affirme qu’il est impossible de se plier aux normes exigées par l’administration locale, qui sont trop élevées. « On n’atteindra jamais la norme d’une unité d’odeur [par mètre cube] à la limite de la propriété, malgré une solution qui, selon le MAPAQ, répond aux règles de l’art. Malgré tout, la Ville continue d’exiger l’atteinte du chiffre “ 1 ” qui est une norme absolue », explique le vice-président de l’entreprise. Pour référence, le site de Sanimax pourrait faire passer ses émissions d’odeur de 200 unités d’odeur par mètre cube (u.o./m3) à 16 u.o./m3 grâce au système proposé.
« Nous avons la perception qu’on a, c’est que ça ne sera jamais assez pour la Ville. Dans toutes les communications qu’on a faites, oralement ou par écrit, c’est tout le temps cette demande-là de se conformer à cette règle d’une unité d’odeur. Il n’y a aucune ouverture », se désole le vice-président de Sanimax.

Terry Finn, vice-président principal chez Sanimax (LinkedIn)
En ce qui concerne les études de captation, M. Finn affirme que, puisque l’usine opère en tout temps sous pression négative, 100 % de la captation des émissions qui pourraient provenir des points d’accès à l’immeuble est faite. En ce qui concerne les émissions produites par les cheminées, le dirigeant martèle qu’une étude à ce sujet serait « non pertinente » et « impraticable » en raison de la nature des opérations qui ont lieu à cet établissement. « Si vous êtes une compagnie qui fait 21 codes de peinture, vous faites toujours les mêmes 21 codes de peinture dans votre usine, bien que vous ayez une opération qui est stable et que vous soyez capable de mesurer cela. Chez nous, on est tributaire de ce qu’on reçoit. La nature de la matière première qui est rentrée chez nous, elle change tous les jours », insiste-t-il.
M. Finn demande ainsi que le MAPAQ intervienne dans ce dossier, sans quoi l’entreprise risque de ne pas respecter le calendrier des travaux prévus pour cet été. La construction du système d’épuration d’air dans la principale usine de Sanimax à RDP-PAT devrait se conclure au mois de décembre 2025.
Au moment d’écrire ces lignes, le MAPAQ n’avait pas répondu aux questions d’EST MÉDIA Montréal.
Pour sa part, Mme Colin rétorque que l’entreprise devrait tout de même lui fournir les études et les documents démontrant qu’il est impossible à Sanimax de se conformer aux exigences prescrites afin de faire avancer le dossier. « S’ils ne sont pas capables de s’y soumettre, qu’ils le prouvent avec de la documentation. Nous ne pouvons pas délivrer de permis sur la base de discussions avec l’entreprise. Leurs experts devraient être en mesure de produire des rapports en ce sens », soutient la conseillère d’arrondissement.
Cette dernière insiste sur le fait que les paramètres de l’entente tripartite étaient connus depuis longtemps par l’entreprise et que rien de nouveau n’est exigé par l’arrondissement.
Mme Colin affirme être toujours ouverte à la collaboration avec Sanimax afin de faire avancer le dossier, ne souhaitant pas retourner devant les tribunaux pour régler le conflit. Elle dit toutefois que son administration est prête à aller devant la Cour si aucune autre issue n’est envisageable.
Pour sa part, M. Finn affirme que l’arrondissement doit être en mesure de faire preuve de plus d’ouverture car d’autres municipalités comme Lévis et Sainte-Rosalie-Saint-Hyacinthe ont réussi à alléger les exigences réglementaires pour résoudre des dossiers similaires sur leurs territoires.