PROJET MONTRÉAL SORT L’ARTILLERIE LOURDE POUR CONQUÉRIR RDP-PAT

Chantal Rouleau siégeant maintenant à Québec, l’administration Plante redouble d’efforts en campagne électorale partielle pour mettre enfin la main sur la mairie de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. Après avoir recruté une candidate de qualité en la personne de Caroline Bourgeois, Valérie Plante multiplie ses présences dans l’arrondissement depuis le déclenchement des élections et on sent la machine de Projet Montréal bien active dans les coulisses de l’arrondissement. Quant à Ensemble Montréal, parti issu de la défunte Équipe Coderre, et à son candidat Manuel Guedes, ils font visiblement leur possible pour sauver les meubles, mais le rapport de force entre les deux organisations politiques semble en cette fin d’année 2018 plutôt inégal.

En entrevue cette semaine avec Est Média Montréal, les deux principaux candidats ont semblé s’entendre sur au moins une chose : le grand défi de cette partielle sera de faire sortir le vote le 16 décembre prochain. À quelques jours de Noël, et après deux élections récentes (municipale en 2017 et provinciale cette année), un faible taux de participation pourrait complètement brouiller les cartes, d’un côté comme de l’autre.

Une situation qui s’annonce particulière

Quoiqu’il arrive le 16 décembre, la gouvernance de l’arrondissement RDP-PAT ne sera pas nécessairement facile. Si Projet Montréal l’emporte, la nouvelle mairesse devra composer avec un conseil d’arrondissement représenté à forte majorité par des conseillers d’Ensemble Montréal (une seule conseillère de Projet Montréal a été élue en 2017). Et si M. Guedes se fait élire, l’arrondissement restera dans l’opposition alors que l’ex-mairesse Chantal Rouleau, maintenant ministre déléguée à la Métropole, travaille de près avec l’administration Plante pour les grands projets de l’Est qui s’annoncent, notamment avec la formation du comité de travail conjoint Québec-Montréal qui vient de se former pour encadrer justement le développement de l’Est montréalais.

Cette situation n’inquiète pas pour autant Caroline Bourgeois : « Je connais très bien les élus en place dans RDP-PAT, ayant été moi-même conseillère municipale dans l’arrondissement de 2009 à 2013, et ensuite chef de cabinet de Chantal Rouleau depuis le début de 2017 lorsqu’elle était mairesse. Ce sont des gens avec qui je suis habituée de travailler et je suis persuadée qu’ils ont avant tout à cœur de faire avancer les grands dossiers de l’Est, qui sont actuellement très importants pour le développement de l’arrondissement. Avec tout ce qui se passe en ce moment dans l’Est de Montréal, les projets qui se dessinent, je crois que nous ne sommes absolument pas à l’heure des luttes partisanes dans RDP-PAT », affirme-t-elle. Pour Manuel Guedes, le point de vue diffère. « Je crois que l’important pour les gens de RDP-PAT c’est de continuer le travail local amorcé par l’équipe de conseillers en place et par Chantal Rouleau depuis plusieurs années. Oui il faut participer aux grands projets de l’Est et faire valoir notre voix à ce chapitre, mais les gens de l’arrondissement n’ont pas adhéré aux valeurs et aux idées de Projet Montréal en 2017. Moi je représente l’équipe qui a été élue l’an dernier et je suis convaincu que les résidents de l’arrondissement vont encore une fois rejeter l’offre de Valérie Plante », soutient l’ex-conseiller municipal du district de La Pointe-aux-Prairies de 2013 à 2017, seul candidat d’Équipe Coderre battu dans RDP-PAT lors de la dernière élection, mais par seulement 30 voix.

Sur les traces de Valérie Plante

Caroline Bourgeois ressemble physiquement à Valérie Plante, et sa façon de s’exprimer s’apparente aussi étrangement à la mairesse. C’est du moins la première impression qu’elle a donnée à l’auteur de ces lignes. «C’est une remarque que je me fais dire souvent. Je le prends comme un compliment», dit-elle d’emblée. Avec tout juste la mi-trentaine, cette résidente de la Pointe-de-l’île et mère de famille possède déjà une feuille de route politique impressionnante, comme nous l’avons vu plus tôt. « Dès mon adolescence je me suis impliquée dans différents comités citoyens de RDP-PAT. J’ai toujours eu besoin d’être dans l’action, de participer au développement de différents projets pour améliorer la qualité de vie des gens. C’est naturel chez moi », de dire Caroline Bourgeois. Cette dernière, qui a été élue en 2009 sous la bannière de Vision Montréal, dont plusieurs membres influents de Projet Montréal sont issus (notamment les maires François Croteau et Benoit Dorais), possède un baccalauréat en journalisme et une maîtrise en management municipal de l’ENAP. « Je croyais vraiment faire carrière en journalisme. La politique s’est présentée car on m’a offert d’être candidate en 2009, et ensuite Chantal Rouleau m’a offert à son tour un poste de chef de cabinet. Mais honnêtement, faire de la politique me convient parfaitement. Ça vient combler mon besoin d’être dans l’action », explique celle qui a fait un passage à la CSDM de 2013 à 2016 au bureau politique de la présidente Harel-Bourdon.

Fait à souligner, l’ex-mairesse Chantal Rouleau a passé outre les considérations partisanes en allant chercher Caroline Bourgeois comme chef de cabinet en 2017. À l’origine sous les mêmes couleurs de Vision Montréal en 2009, leurs chemins s’étaient séparés en 2013 alors que Mme Rouleau avait bifurqué vers Équipe Coderre, et que Caroline Bourgeois s’était fait battre sous VM. Elles étaient alors des adversaires politiques. « Mais ça faisait longtemps que je connaissais Mme Rouleau. Nous avions déjà travaillé ensemble dans le milieu communautaire environnemental avant de faire de la politique active, en fait au Comité ZIP Jacques-Cartier. J’ai accepté le poste de chef de cabinet car je voulais faire avancer les choses dans RDP-PAT et je voyais bien que Mme Rouleau faisait bouger la machine. Nous nous rejoignons beaucoup dans l’action toutes les deux », affirme-t-elle.

Caroline Bourgeois, candidate à la mairie de RDP-PAT sous Projet Montréal. (Photo : EMM)

Pourquoi Projet Montréal

Caroline Bourgeois se dit avant tout attirée par les « valeurs démocratiques et citoyennes » de Projet Montréal, qui sont en continuité avec la dernière génération de Vision Montréal. « C’est une alliance naturelle pour moi. Le programme me rejoint tout comme l’énergie de Valérie Plante. Projet Montréal c’est un renouvellement de la classe politique municipale que je trouve particulièrement rafraîchissant », clame la candidate.

Au-delà des valeurs du parti, il y a aussi le fait que pour une femme d’action impliquée dans son territoire, les conjonctures sont actuellement beaucoup plus favorables pour la réalisation de projets majeurs du côté de PM, d’autant plus que la ministre de la Métropole s’est fortement rapprochée de l’administration Plante ces dernières semaines. « C’est sûr que c’est une belle opportunité pour les gens de RDP-PAT d’assurer une place au conseil d’arrondissement à la table des décisions. C’est maintenant que ça se passe, que les investissements sont annoncés pour la réalisation de grands projets. C’est le temps de travailler ensemble, pas de se chicaner, pour moi c’est évident », soutient Mme Bourgeois.

Priorités locales

L’aspirante mairesse met beaucoup d’emphase dans ses enjeux locaux sur l’importance de « travailler autant pour RDP que pour PAT », deux quartiers qui sont souvent perçus comme « deux solitudes », compte tenu de leurs caractéristiques propres et du fait qu’une autoroute les sépare. « Il faut notamment qu’on pousse pour faire débloquer le projet majeur Espace Rivière dans Rivière-des-Prairies. Le quartier a vraiment grand besoin de ce projet structurant », dit-elle, en ajoutant que « ce secteur a aussi besoin que l’on stimule l’émergence de commerces de proximité, et que l’on accélère le réaménagement du boulevard Gouin. »

Sans surprise, la candidate affirme toutefois que la priorité numéro un pour l’arrondissement est l’amélioration significative du transport collectif. « C’est la pierre angulaire de tout projet de développement dans le secteur. Le transport collectif a des répercussions directes sur la venue de nouvelles entreprises, sur la création d’emplois, sur les services de proximité, et bien sûr sur la qualité de vie de notre population. Nous avons la chance d’avoir un territoire qui a encore de l’espace à développer, mais il faut régler le problème du transport avant tout », explique Caroline Bourgeois. Cette dernière est d’avis que la ligne rose est toujours à prioriser pour desservir Montréal-Nord et l’ouest de Rivière-des-Prairies et qu’une infrastructure lourde comme un tramway est aussi nécessaire pour Pointe-aux-Trembles. « Mais il faut aussi améliorer le réseau d’autobus, nous aurons d’ailleurs d’autres unités qui arriveront bientôt, et ne pas oublier le projet de navette fluviale qui a donné de bons résultats cet été lors du projet-pilote. J’aimerais aussi voir, enfin, une flotte de voitures en autopartage sur le territoire », dit-elle.

Parmi les autres projets qu’elle aimerait réaliser, soulignons la mise sur pied d’événements parlementaires publics de type « town hall », impliquer plus étroitement les citoyens dans la mise en place de mesures touchant à la circulation, continuer à développer les projets liés au Plan bleu-vert, donner plus de ressources aux associations de commerçants et régler la problématique du désert alimentaire au bout de l’île. « Avec l’arrivée de grands projets de développement pour l’Est de Montréal, il faut également, et absolument, prévoir dès maintenant les besoins d’aménagement public à venir, comme des écoles, des infrastructures de santé, des services de proximité, etc.  On en est là dans RDP-PAT », termine Caroline Bourgeois.

Manuel Guedes confiant

Le candidat d’Ensemble Montréal, d’entrée de jeu, ne croit pas que Projet Montréal a le vent dans les voiles dans RDP-PAT, malgré les efforts de terrain déployés par l’actuelle mairesse. « Ce n’est pas ce que je perçois quand je rencontre les gens, au contraire, j’ai plutôt l’impression que la population du coin ne veut pas de Valérie Plante », affirme Manuel Guedes, qui a remplacé au pied levé le candidat initial Theo Vecera, qui a dû se retirer pour cause de santé.

Manuel Guedes, élu en 2013 sous la bannière d’Équipe Coderre, affirme qu’il veut continuer le programme de développement de l’arrondissement initié par Chantal Rouleau et la plupart de ses collègues qui sont actuellement au conseil d’arrondissement. « Nous avions identifié à l’époque trois pôles importants à développer dans l’arrondissement, soit la revitalisation du Vieux Pointe-aux-Trembles, qui est pas mal complétée, la création de la Plage de l’Est, qui en est à sa deuxième phase de construction, et la mise sur pied d’Espace Rivière, qui est à réaliser. Pour moi, il faut compléter avant tout ce que nous avons commencé », affirme-t-il.

Manuel Guedes, candidat d’Ensemble Montréal à la mairie de RDP-PAT. (Photo fournie par Ensemble Montréal).

M. Guedes, banquier dans l’arrondissement pendant un quart de siècle jusqu’à ce qu’il se concentre entièrement à la politique en 2014, dit avoir l’appui non seulement des conseillers de son parti au conseil d’arrondissement, mais aussi de l’état-major d’Ensemble Montréal. « Il n’y a pas que Valérie Plante qui se promène dans RDP-PAT ces jours-ci, beaucoup de conseillers d’ailleurs à Montréal viennent m’appuyer activement sur le terrain, et le maire d’Anjou aussi, à titre d’exemple », nous dit celui qui partage d’ailleurs les mêmes origines portugaises que Luis Miranda (maire de l’arrondissement d’Anjou).

Ses priorités locales

« Ce qui m’a emmené en politique en 2013, c’est que je commençais à être frustré de voir que bien des gens profitaient des largesses de l’ancienne administration municipale, au détriment d’organismes et de gens qui essayaient de faire beaucoup avec peu de moyens. Je me suis occupé pendant tellement longtemps d’organismes dans le sport et au niveau scolaire pour savoir qu’il était temps que ça change, et nous avons réussi avec Mme Rouleau. Il faut dans un premier temps continuer d’être vigilant à ce niveau », affirme M. Guedes.

Question transport collectif, le candidat se dit absolument contre le projet de ligne rose de l’administration Plante : « La ligne rose, ça ne vient même pas dans l’arrondissement, c’est irréaliste et surtout ça ne comble aucun besoin dans RDP-PAT. Ce que ça nous prend, c’est le tramway, ou le REM dans P.A.T. avec au moins une station dans RDP », soutient M. Guedes, qui est d’avis que ce projet doit être complémentaire au prolongement de la ligne bleue et à l’ajout d’autobus dans le secteur.

Autre cible importante pour lui : l’aide aux commerçants de quartier. Il préconise fortement la création d’une Société de développement commercial (SDC) dans Rivière-des-Prairies (Maurice-Duplessis). « Le secteur doit revitaliser son offre commerciale de proximité, c’est important pour la qualité de vie de la population locale. J’aimerais que l’on puisse stimuler la création d’une SDC, qui à son tour pourrait développer des attraits et des services pour attirer d’autres commerçants. On voit que des regroupements de commerçants ça donne des résultats, comme dans le Vieux P.A.T. par exemple », dit-il.

Quant à la possibilité de voir l’arrondissement de RDP-PAT demeurer dans l’opposition au conseil de ville, Manuel Guedes n’y voit pas une contrainte au développement du territoire. « Le travail de revitalisation est bien amorcé dans l’arrondissement et il a été fait et planifié par l’équipe en place en ce moment, et tout le monde dit que le travail qui a été fait a été excellent. On va juste continuer à suivre le plan. Et on va collaborer entièrement aux grands projets de l’Est de Montréal, qui doivent d’ailleurs se faire avec nous. On ne peut pas ignorer l’administration en place parce qu’elle n’est pas de Projet Montréal », conclut le candidat.