Rémi vous attend au Parc Saint-Joseph à Rivière-des-Prairies. Photo : Léa Villalba

DEUX HEURES AVEC LES MOUTONS DE RIVIÈRE-DES-PRAIRIES

S’évader en pleine ville, c’est ce que propose l’OBNL Biquette aves ses moutons qui parcourent les parcs de Montréal. Après avoir brouté le parc Maisonneuve pendant 5 ans, les moutons se retrouvent pour la première fois à Rivière-des-Prairies, au parc Saint-Joseph, depuis le 17 mai jusqu’au 13 juin.

Situé à deux pas de la rivière, le parc Saint-Joseph offre un bel espace aménagé à la fois pour les enfants, pour les piqueniqueurs et les promeneurs. Au loin, on peut déceler la douce fourrure de quelques moutons en plein travail. « Ils mangent jusqu’à 5kg d’herbe par jour » explique la bergère en chef Marie-Ève Julien-Denis, aussi instigatrice de Biquette. Une des missions de l’organisme est de faire pâturer les espaces verts par des petits ruminants, ce que l’on nomme de l’écopâturage. « On n’y voit que des avantages », explique Marie-Ève. Ne pas utiliser de tondeuse permet notamment d’éviter la pollution de l’air et la production de gaz à effet de serre. Cela empêche aussi la compaction du sol. « Les tondeuses de la ville sont lourdes et pressent beaucoup le sol alors que les moutons vont l’ameublir grâce à leurs pattes », ajoute-t-elle. En plus de fertiliser les sols avec leurs excréments, la présence des ruminants permet aussi la cohabitation avec d’autres espèces. « Le bruit des tondeuses fait souvent fuir les oiseaux. Grâce aux moutons, ils vont rester ou même revenir », poursuit-elle.

La bergère Marie-Ève Julien-Denis a fondé Biquette en 2015. Photo : Léa Villalba

En plus de l’écopâturage, Biquette vise aussi à éduquer et sensibiliser la population. À Rivière-des-Prairies, l’organisme collabore notamment avec l’école Simone-Desjardins, un projet pilote pour pourrait s’inscrire dans le temps. « On a offert plusieurs ateliers à des enfants ayant un trouble du spectre autistique, c’est exceptionnel de pouvoir faire ça !» se réjouit la bergère. Depuis 5 ans, l’organisme œuvre aussi dans Rosemont, au parc Maisonneuve, et offre chaque samedi des ateliers gratuits ouverts au public. « On aborde une thématique d’agriculture urbaine différente à chaque fois : à quoi sert l’écopâturage, pourquoi avoir des poules en ville, le fonctionnement d’une ruche… », détaille-t-elle. Pour Marie-Ève, amener les moutons en ville permet une réelle « reconnexion » avec la nature. « On dirait qu’il n’y a plus de lien entre le milieu rural et urbain… C’est cliché, mais parfois, les enfants ne savent même pas que le lait, ça vient de la vache et pas de l’épicerie ! » se désole-t-elle.

Les enfants sont toujours curieux de découvrir les moutons. Photo : Léa Villalba

Pour répondre aux questions et informer les passants, une équipe de bénévoles est formée pour la saison estivale. « Biquette n’existerait pas sans eux », lance Marie-Ève. Parmi eux, on retrouve notamment Caroline, engagée avec Biquette depuis deux ans. « C’est vraiment devenu une passion. C’est l’fun de pouvoir être avec les moutons, en extérieur, en plein été puis j’adore discuter avec les gens », explique-t-elle. Cet engagement de la part des bénévoles est toujours très significatif pour la fondatrice de Biquette. « Ça m’émeut à chaque fois. Pour Rivière-des-Prairies, alors que c’est la première fois qu’on vient ici, en deux semaines et demie, on a reçu plus de 50 demandes ! C’est fou, complètement fou ! », s’exclame la bergère. Dans Rosemont où l’équipe de Biquette passera trois mois cet été, ce sont une centaine de personnes qui y seront impliquées. À chaque quart de travail, 3 bénévoles et une bergère expérimentée s’occupent des moutons et répondent aux interrogations des citoyens.

Tendres ruminants

Le 3e objectif de Biquette est d’égayer, une mission qui semble d’autant plus efficace depuis le début de la pandémie d’après Marie-Ève : « On a souvent des personnes qui nous disent “Ça fait du bien surtout ces temps-ci”. Les gens ont besoin de vivant, de l’élément nature, encore plus qu’avant j’ai l’impression ». Quelques règles doivent cependant être respectées : ne pas toucher ni nourrir les moutons. Les curieux peuvent simplement observer les moutons, une activité qui a un « effet apaisant » selon la bergère. « Je trouve ça beau de voir le monde regarder les moutons et tout simplement sourire… Pour certains, ça rappelle des souvenirs d’enfants, quand ils étaient chez leur grands-parents ou même ailleurs dans le monde. Ça évoque des moments de vie, c’est beau », s’émeut-elle. Marie-Ève a aussi constaté au fil du temps que ce ne sont pas seulement les plus jeunes qui s’émerveillent face à ces doux ruminants, mais bien tous les âges. « On a souvent des familles, c’est sûr, mais aussi des ados, des personnes âgées …», livre-t-elle. Pour certains, aller voir les moutons devient une activité quotidienne, pour d’autres, un moment qui permet de créer des liens avec leur entourage comme le raconte Caroline. « Il y a un vieux monsieur qui est venu souvent et qui connait par cœur chaque mouton. Il a amené ses fils adolescents l’autre jour et leur a tout expliqué », raconte-t-elle.

La traversée se fait en toute sécurité. Photo : Léa Villalba

Les 13 moutons de Rivières-des-Praires sont pleinement libres d’errer d’un endroit à un autre du parc, mais aussi de retourner à la bergerie mobile qui se trouve en face du parc. « Les bénévoles sont là pour coordonner les déplacements et éviter tout accident notamment lors de la traversée de la route », rassure Marie-Ève. Selon la température, ils restent plus ou moins longtemps à l’abri. « Les moutons ont une bonne mémoire des lieux, ils savent que la bergerie est leur maison donc ça les réconforte de venir ici plusieurs fois par jour. Le parc, c’est leur lieu de travail », raconte-t-elle. Pour aller à leur rencontre, il faut donc parfois parcourir le parc et faire une véritable « chasse aux moutons ». « C’est important d’expliquer aux gens que ce n’est pas un zoo urbain ou comme dans un centre commercial où les animaux restent à la même place. Ils sont là pour travailler », spécifie la bergère.

Après leur journée de travail, le troupeau rentre tranquillement dans la bergerie mobile où ils passent la nuit, en toute sécurité. « La police de quartier fait plus de rondes la nuit pour surveiller la bergerie. Il y a tout un écosystème de sécurité autour des moutons, c’est vraiment une belle collaboration », informe Marie-Ève.

Thérèse se repose à l’ombre après plusieurs heures de broutage. Photo : Léa Villalba

La bergerie mobile de Biquette. Photo : Léa Villalba

« Je pense qu’il va y avoir de plus en plus de projets comme le nôtre », pense Marie-Ève. En effet, depuis la 3e année d’existence de Biquette, elle a vu les demandes augmenter. « Chaque année, plusieurs arrondissements nous approchent et on n’a pas les moyens de répondre à tout le monde ! C’est un beau problème », s’amuse-t-elle. Pour continuer ses activités, Biquette a récemment lancé une campagne de sociofinancement qui servira à la nouvelle bergerie dans Rosemont où les moutons s’installeront cet été. L’organisme souhaite récolter 22 000 $. Plus de 7 000 $ ont été amassés en 5 jours.

Rémi, Kit-Kat, Thérèse, Madrid et les autres brouteront à Rivière-des-Prairies jusqu’au 13 juin prochain. Ils seront par la suite au parc Maisonneuve dans Rosemont jusqu’au 5 septembre. Bêêêeuh !!