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10 mai 2025RAY-MONT LOGISTIQUES : LE PROPRIÉTAIRE SATISFAIT DU DÉNOUEMENT
Charles Raymond, qui dirige l’entreprise familiale Ray-Mont Logistiques, accorde rarement d’entrevues aux médias, référant presque systématiquement les journalistes à son agence de relations publiques. EST MÉDIA Montréal a néanmoins pu discuter avec lui une trentaine de minutes mardi dernier au siège social de l’entreprise dans le quartier Pointe-Saint-Charles, question de connaître son opinion quant à l’entente avec la Ville de Montréal qui met un terme à la poursuite record de 373 M $ qu’il avait intentée.
« On a réussi à s’entendre sur ce qui était bon pour la Ville, et ce qui était bon pour nous. Je dois dire que ça va bien aujourd’hui avec l’administration municipale et nous sommes très heureux du développement et de l’avancement du dossier. C’est aussi un processus très transparent. Les deux côtés ont travaillé très fort ces derniers temps, de façon constructive, pour arriver à s’entendre sur l’aménagement du site », affirme d’entrée de jeu Charles Raymond. Une négociation qui impliquait l’administration Plante et l’arrondissement de Mercier−Hochelaga-Maisonneuve.
Rappelons que cette entente, qui prévoit certaines mesures de mitigation sur le site de transbordement de marchandises situé dans le secteur industriel Assomption-Sud, intervient après un deuxième jugement (cours d’appel du Québec) confirmant l’opération de plein droit de l’entreprise sur le site et une poursuite de 373 M $ contre la Ville. Un permis d’occupation qu’a toujours contesté Projet Montréal depuis son emprise sur la mairie de l’arrondissement en 2017, en grande partie influencé par une forte pression exercée par une mobilisation citoyenne impliquée et efficace (Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM).

Charles Raymond (photo Yohann Nguyen)
Est-ce que ce règlement, qui peut sembler somme toute assez simple en termes de modifications au projet initial (voir plus loin les principales mesures de mitigation négociées), vient justifier la valeur de la poursuite de 373 M $? Selon Charles Raymond, le montant de la poursuite était évalué correctement. « Nous avons eu un peu d’argent en fonction de l’entente mais si on regarde ce qui va se faire en termes de mitigation, comme par exemple le drainage, le mur antibruit, les toits verts, et bien d’autres aménagements, je crois que les deux parties vont avoir fait leur bout de chemin au niveau de l’investissement. La valeur de la poursuite n’était pas un chiffre lancé en l’air, ce sont des juricomptables qui ont évalué la cause, et personne pendant le processus judiciaire n’a mis en doute cette évaluation », dit-il.
Forcer la discussion
L’entente signée récemment avec la Ville semble démontrer que le litige n’était pas lié nécessairement à une volonté de l’entreprise d’obtenir un important dédommagement financier. Ce qui est corroboré d’une certaine façon par le porte-parole de Ray-Mont Logistiques dans ce dossier, Julien Nepveu-Villeneuve, directeur principal chez TACT, présent lors de l’entrevue avec Charles Raymond.
Julien Nepveu-Villeneuve rappelle que lorsque Ray-Mont Logistiques était en attente du procès de la cour supérieure du Québec, l’entreprise avait tendu la main à la Ville pour initier une rencontre et essayer de régler la situation, mettant sur la table « plusieurs propositions ». S’il y a eu finalement rencontre entre les parties, il n’y aurait pas eu de suite selon lui. L’entreprise gagne alors en cour supérieure. « Suite à ça nous retournons une invitation à la Ville en leur disant écoutez, la cour a tranché sur notre désaccord mais là on doit s’assoir et travailler ensemble. La Ville nous dit non, la cause s’en va en appel. Nous gagnons à nouveau. On réinvite la Ville à s’assoir, et elle ne veut toujours pas. C’est là qu’il y a eu la poursuite en dommages. C’est un peu comme le dernier recours, dire là c’est parce qu’il faut qu’on se parle. Je pense qu’au final, oui il y avait les dollars dans la poursuite, mais le but c’était de forcer une discussion », explique-t-il.
Ainsi, l’entente avec l’administration municipale arrive également après le dépôt du rapport de l’OCPM en mars dernier qui recommandait à la Ville de Montréal de revoir le projet à la suite des modifications demandées par le promoteur qui dérogeaient de son plan initial (c’est ce dernier plan qui avait fait l’objet des jugements de la cour). La Ville aurait pu encore une fois se confronter à l’entreprise mais a décidé plutôt de travailler de pair avec la direction de Ray-Mont Logistiques afin d’avoir un certain contrôle sur l’aménagement du site et des mesures de mitigation qui seront implantées.
Est-ce que cet accord à propos des nouveaux aménagements est au cœur de l’entente entre l’entreprise et la Ville? « Ce n’est pas juste cela. C’est un tout, mais ça fait partie des discussions c’est certain. Si on avait fait le projet selon les plans de 2021 il n’y aurait juste pas eu de bâtiments sur le site, pas eu de mur antibruit, pas eu d’arbres, juste des conteneurs partout », affirme Charles Raymond. En fait, l’entreprise pouvait construire certains types de bâtiments sur le site selon son plan initial « mais ce n’était pas des bâtiments qui auraient nécessairement été adaptés à nos opérations aujourd’hui. ». L’entreprise avait besoin d’infrastructures plus grandes, mais en contrepartie elle s’est engagée à leur installer des toits verts, à titre d’exemple quant à l’entente entourant les nouveaux aménagements. « Nous avons aussi accepté de déplacer nos opérations pour les éloigner le plus possible de la zone résidentielle. Nous serons à plus de 100 mètres des habitations, alors que sur notre site à Pointe-Saint-Charles en ce moment nous sommes à 10 mètres sans causer vraiment de nuisances », déclare le président de Ray-Mont Logistiques.
Les mesures de mitigation
L’élément central des mesures mitigation dans ce projet vient d’initiatives et de financements des instances publiques. Il s’agit d’un « écran vert » proposé par la Ville de Montréal qui cherche à enclaver le plus possible les opérations de Ray-Mont Logistiques ou du moins ériger une barrière entre la zone résidentielle et industrielle dans ce secteur. Pour ce faire elle a mis la main récemment sur des terrains du CN (17 M $), d’Hydro-Québec (42 M $) et d’autres seraient à venir. Un règlement d’emprunt de 88 millions a par ailleurs été annoncé par la Ville le mois dernier pour fin de verdissement et d’aménagements urbains, incluant l’implantation d’une voie réservée et d’une voie cyclable protégée sur la rue Hochelaga, ainsi que l’aménagement d’un parc linéaire.
Du côté de Ray-Mont Logistiques, on parle de 9 points qui auraient été négociés avec la Ville, dont la participation de l’entreprise au déploiement de stations de mesures (niveaux sonores et qualité de l’air); la plantation de 184 arbres sur le site et 1610 sur des terrains avoisinants; la préservation du talus végétalisé sur le site et l’aménagement de toits verts, la mise en place d’un comité de suivi avec des représentants de la communauté, des paliers de gouvernement concernés et autres acteurs du secteur; le déploiement de nouveaux outils de communication avec la communauté; ainsi que l’élaboration d’une politique d’engagement auprès d’organismes d’aide alimentaire de l’arrondissement.
Un BAPE peu probable selon le promoteur
Paradoxalement à son désir d’en conclure avec Ray-Mont Logistiques, l’administration municipale affirme, via Alia Hassan-Cournol, conseillère de Maisonneuve−Longue-Pointe et membre du comité exécutif, qu’elle continuera de demander la tenue d’un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), selon un article publié par La Presse le 9 avril dernier.

Julien Nepveu-Villeneuve (courtoisie TACT)
Toutefois, la tenue d’un BAPE est loin d’être chose évidente dans ce dossier soutien Julien Nepveu-Villeneuve. « Ce que l’OCPM a dit dans ses recommandations c’est, entre autres, qu’il y a une loi à l’étude à Québec mais qui n’est pas adoptée encore. Si un jour cette loi est adoptée, le ministre aurait potentiellement le pouvoir qui lui permettrait d’évaluer ce projet-là. Donc considérant ce scénario hypothétique, l’OCPM recommande à la Ville de demander l’évaluation du ministre le cas échéant. Au stade où est rendu le projet, avec deux jugements de la cour et l’entente avec la Ville, ce serait étonnant qu’on en arrive là selon moi. Ce serait du jamais vu. »
Pas de plan B pour l’entreprise
Avec toute la saga juridique et le faible taux d’acceptabilité sociale que génère le projet, on peut certainement présumer que des négociations ont eu lieu pour que l’entreprise s’installe ailleurs que dans MHM. Sans démentir cela, Charles Raymond est toutefois catégorique : il n’y avait pas de plan B pour déménager les opérations. « Notre objectif a toujours été de diminuer le plus possible le transport des marchandises, donc il fallait se rapprocher du Port de Montréal. Le site sur Assomption-Sud est idéal en ce sens, nous avons réduit au minimum le transport par camion vers le transport maritime et c’était ça le but. Pour nous, se faire offrir d’aller plus loin, sur la rive-sud, ça ne fait aucun sens. Le site sur Notre-Dame permet de réduire de façon exceptionnelle nos émissions de gaz à effet de serre, ce qui est l’objectif environnemental, et en plus cela réduit nos coûts d’exploitation qui se reflètent sur la facture de nos clients. Et je ne crois pas que nos activités vont créer plus d’impact pour les résidents que nos activités actuellement dans Pointe-Saint-Charles. Même si nous aurons plus de conteneurs, ils seront plus loin des habitations et par le fait même, ces conteneurs, et c’est le paradoxe, agissent aussi comme mur antibruit », soutient-il.
Souvent présenté comme la plus grande plateforme logistique intermodale au Canada, le site de Ray-Mont Logistiques dans l’est de Montréal n’est en fait qu’un joueur de moyenne taille dans le marché, malgré ses 2,5 millions de pieds carrés. Au niveau de Ray-Mont Logistiques il s’agit de leur 2e site d’importance après celui de Prince Rupert (mais devant Vancouver, Seattle et Charleston), alors que d’autres joueurs, comme le CN, opèrent des installations de plus grande envergure, notamment dans la région de Montréal.