Une image de synthèse du PSE (Courtoisie ARTM)

LE PSE ENVISAGÉ PAR L’ARTM EST « TROP OPTIMISTE » CROIT UN EXPERT

Le Projet structurant de l’Est (PSE), comme il a été proposé par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), est « trop optimiste » et la réflexion devrait être poussée plus loin avant d’aller de l’avant, affirme un expert en urbanisme.

Selon, Marco Chitti, chargé de cours à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal (UdeM) et chercheur au postdoctorat à l’Université McGill, le mode de transport choisi par l’ARTM pour le PSE, soit le tramway, ne peut pas offrir les performances attendues en matière de temps de déplacement.

Celui-ci croit que l’ARTM a surévalué la vitesse réelle à laquelle un tramway en site propre non intégral peut effectuer ses parcours. L’expert présentait aux médias mercredi un rapport de recherche au sujet du PSE réalisé à la demande de l’organisation d’intérêt public Vivre en Ville.

« Un tramway n’est pas un métro. Les performances auxquelles on peut s’attendre en termes de vitesse et de régularité de service d’un tramway ne sont pas les mêmes que celles qu’on peut atteindre avec un mode qui est complètement séparé du reste de la circulation », insiste M. Chitti.

Marco Chitti, expert international spécialisé dans les infrastructures de transport collectif et chargé de cours à l’UdeM (Photo tirée de LinkedIn)

Ainsi, si une rame de tramway, comme celle envisagée par l’ARTM, pouvait atteindre en théorie une vitesse maximale de 50 km/h, dans les faits, les déplacements se feront à une vitesse beaucoup plus basse. Le chercheur indique que plusieurs exploitants de tramways dans le monde imposent des réductions de vitesse à 40 km/h ou 30 km/h aux intersections et lors de l’entrée en station pour des raisons de sécurité. « La réalité, c’est que les tramways sont conduits par des humains », résume le chercheur. Le facteur humain est donc à prendre en considération : les piétons délinquants, les accidents. Un tramway, même lorsqu’il est accompagné d’infrastructures dédiées, doit partager la route avec les autres usagers. Il faudrait donc toujours se laisser un peu de marge dans l’estimation des trajets pour obtenir un portrait réel des temps de déplacement, selon lui.

À titre d’exemple, M. Chitti estime qu’un tramway reliant le campus du Collège Marie-Victorin à la station de métro Cadillac pourrait prendre entre 22 min 36 s et 24 min 25 s, selon les modes d’exploitation. Le rapport publié en mai dernier par l’ARTM calculait plutôt un temps de parcours de 20 min entre les 2 points. Même chose pour le trajet entre la gare de Pointe-aux-Trembles et la station de métro Honoré-Beaugrand : l’ARTM estimait qu’il suffirait de 16 min aux usagers pour aller d’un lieu à l’autre, tandis que M. Chitti évalue plutôt que ce trajet se ferait en 20 min 26 s ou 17 min 34 s, selon le type d’exploitation du réseau de tramway.

Pis encore, le temps de parcours pourrait demeurer inchangé et même augmenté entre Pointe-aux-Trembles et le centre-ville de Montréal après l’arrivée du PSE. L’attente entre de différents modes de transport (autobus, tramway, métro) viendra rajouter des minutes cruciales au temps de déplacement des usagers, anticipe le chercheur.

Trop cher

L’expert en planification des transports souligne en outre que la construction du PSE sera trop onéreuse.

« On a des problèmes de coûts; pas juste au Québec, c’est un problème généralisé au Canada. Ce sont des coûts beaucoup plus élevés que la moyenne internationale. On parle de 18 milliards pour le PSE : ça veut dire autour de 250 M$ à 300 M$ au kilomètre pour un tramway. C’est quelque chose qui se construit à 50 M$, 60 M$, 70 M$ du kilomètre maximum en France, en Italie, en Europe… », affirme M. Chitti. Ces coûts trop élevés sont une embuche additionnelle à la planification judicieuse d’un réseau de transport adapté aux besoins des usagers dans l’est de Montréal, croit le chercheur.

Par ailleurs, ce dernier se désole du fait que l’intégration avec le réseau de transport en commun local et métropolitain n’ait pas suffisamment fait l’objet de discussions dans l’espace public et que toute réflexion sur l’architecture globale du réseau pour le Grand Est a été évacuée de l’exercice de conception du projet.

M. Chitti souhaite que l’on mette de côté l’approche « passe-partout » du tramway et que l’on privilégie plutôt la mise en place de plusieurs mesures pour améliorer les déplacements dans les transports collectifs dans l’est. Les options de prolonger les lignes de métro bleue et verte, d’améliorer la desserte des autobus, de créer de nouvelles lignes de service rapide par bus (SRB), en plus de construire de lignes de tramway devraient toutes être considérées, croit-il.

Toujours en planification

En mai dernier, l’ARTM déposait la version finale de son analyse complémentaire pour le PSE.

Le parcours mis de l’avant par l’ARTM envisage deux branches qui relieraient Montréal-Nord ainsi que Repentigny (en passant par Pointe-aux-Trembles et Montréal-Est) au réseau du métro de Montréal. Le coût total de cette proposition est de 18,6 milliards, incluant les coûts de construction de 6,7 milliards.

Le tracé projeté compte 31 stations réparties sur un parcours de 38 km. Les études d’achalandage de l’ARTM évaluent le nombre de passagers en 2036 à 29 800 en période de pointe le matin, avec un achalandage quotidien estimé à 97 000 passagers.

Le tracé final du PSE proposé par l’ARTM (Courtoisie ARTM)

À la suite des nombreuses critiques mises de l’avant par M. Chitti, l’ARTM a souhaité remettre en contexte l’analyse du PSE faite dans son rapport final. Dans un courriel, on indique qu’« il est important de rappeler que le rapport transmis au gouvernement n’est pas un dossier d’opportunité et qu’il représente une première phase de planification. Cette planification doit se poursuivre, comme recommandé dans le rapport du 24 mai ».

« À ce stade-ci du projet, il est tout à fait normal que certains éléments méritent développement, poursuit-on dans le message. L’intégration des réseaux est à la base de la démarche. La prochaine étape vise justement à approfondir les analyses, en collaboration avec les intervenants municipaux du milieu, notamment pour soutenir la vitesse commerciale, détailler l’intégration aux réseaux et l’insertion urbaine plus fine. »

 « Nous avons la certitude qu’il s’agit d’une proposition de projet performant, attrayant, financièrement responsable et rassembleur qui s’inscrit dans une vision ambitieuse et cohérente pour l’avenir du transport collectif dans l’est et le nord-est de la région métropolitaine de Montréal », conclut l’ARTM dans son courriel.