Le Pôle alimentaire de la Rivière (Courtoisie/Marion Chuniaud)

Le Pôle alimentaire de la Rivière : un projet d’économie sociale enraciné dans RDP

Dans le parc Armand-Bombardier, un pavillon tout neuf préfabriqué, climatisé et bien ancré sur ses pieux dans un coin stratégique de Rivière-des-Prairies (RDP), cache une initiative ambitieuse et porteuse d’avenir : le Pôle alimentaire de la Rivière. Lancé officiellement le 15 août dernier, ce projet d’économie sociale ouvert à toute la population a été conçu pour lutter contre les déserts alimentaires dans un quartier où les réalités de pauvreté et d’exclusion sociale sont bien présentes.

Pensé, porté et défendu par la Table de développement social (TDS) de RDP, un mandat de la Corporation de développement communautaire (CDC) de RDP, ce projet est le fruit de plusieurs années de mobilisation locale et de recherche de solutions adaptées à un territoire long de 14 km où l’accès à une alimentation saine n’est pas garanti pour tous.

Katy Lessard, coordonnatrice de la concertation à la CDC de RDP (Courtoisie)

Une idée qui germe dans un terreau fertile

L’histoire du Pôle remonte à un appel à projets lancé par la Direction régionale de santé publique de Montréal, dans le cadre du programme PASTA. Bien que la candidature du quartier n’est alors pas retenue, la détermination des acteurs locaux ne s’effrite pas pour autant. « On s’est dit que c’était un trop beau projet pour l’abandonner », explique Katy Lessard, coordonnatrice de la concertation à la CDC de RDP.

Grâce à une mobilisation interne exceptionnelle et à un appui du conseil d’administration de la CDC, une mise de fonds initiale de 120 000 $ permet de relancer le projet sur de nouvelles bases. L’idée originale, qui reposait sur deux conteneurs – un pour un marché solidaire, l’autre pour de la réfrigération communautaire – évolue vers un pavillon quatre saisons, construit à l’aide de modules préfabriqués. Ce choix, soucieux de la viabilité à long terme, permet aussi de réduire les frais fixes et d’assurer une installation réversible en cas d’échec.

Le parc Armand-Bombardier : un choix stratégique

Le site retenu, le parc Armand-Bombardier, n’est pas un hasard. Il résulte d’une analyse rigoureuse, menée avec l’arrondissement pour identifier un lieu qui répondrait aux critères de fréquentation, d’accessibilité et, surtout, de besoins. L’endroit est à la croisée de secteurs contrastés, mêlant HLM et maisons unifamiliales, ce qui en fait un terrain idéal pour un modèle d’économie sociale : « Les plus riches peuvent venir acheter des aliments et faire en sorte que les personnes moins favorisées survivent », illustre la coordonnatrice, en soulignant l’approche solidaire du projet.

Le Pôle s’inscrit aussi dans une dynamique de revitalisation du quartier, qui, contrairement à d’autres arrondissements comme Pointe-aux-Trembles par exemple, ne bénéficie pas d’un centre urbain animé. Il contribue donc aussi à créer un lieu de vie et de rencontres, animé par des programmations saisonnières, culturelles qui renforcent son attractivité.

Premiers constats : entre espoirs et réalités économiques

La première courte saison du Pôle (qui se déroule depuis le 15 août dernier et qui se poursuivra jusqu’au 2 novembre prochain) permet déjà de tirer plusieurs leçons. D’abord, l’écart entre les attentes exprimées par les citoyens en amont et leur comportement réel une fois le projet lancé. Ensuite, la difficulté de proposer des aliments à la fois nutritifs et abordables dans un marché dominé par les grandes chaînes aux marges écrasantes.

« Même quand on était dans le pic de la saison des récoltes, on n’a jamais pu offrir nos aliments à des prix aussi compétitifs que ceux des grandes chaînes », reconnaît Katy Lessard. Avec des volumes d’achats modestes et des distributeurs exigeant des commandes minimales élevées, l’approvisionnement devient un véritable casse-tête.

Pour pallier cette difficulté, le Pôle espère développer des partenariats avec des producteurs locaux et des distributeurs solidaires, capables de fournir des denrées de qualité à meilleur coût. Il envisage aussi d’intégrer des petits traiteurs ou artisans alimentaires de la région afin de diversifier l’offre et d’enrichir l’ancrage communautaire.

(Courtoisie/Marion Chuniaud)

Une structure communautaire engagée pour l’avenir

L’équipe derrière le projet repose sur une structure tripartite : un comité stratégique réunissant des partenaires, soit PME MTL, le Réseau alimentaire de l’Est de Montréal (RAEM), l’Éco de La Pointe-aux-Prairies et l’Association des gens d’affaires de Rivière-des-Prairies; la CDC, porteur officiel du projet; et une équipe de terrain renforcée cet été par trois jeunes employés via le programme Emplois d’été Canada.

Ce soutien à la jeunesse locale est d’ailleurs une des pierres angulaires du projet. « On essaie vraiment d’engager local et d’encourager les jeunes à acquérir une expérience de travail dans notre milieu et on en profite pour faire du coaching auprès d’eux », explique la coordonnatrice, fière d’avoir pu employer ces jeunes du quartier.

La pérennité : un défi à relever collectivement

Le Pôle alimentaire de la Rivière n’en est encore qu’à ses premiers pas. Une courte première saison estivale, qui se terminera d’ailleurs le 2 novembre prochain, permet de tester le modèle. Une saison complète est prévue à partir de mai prochain, mais déjà, l’équipe doit penser à l’an trois. Les financements récurrents étant quasi inexistants à l’heure actuelle, il lui faudra convaincre de nouveaux investisseurs, élaborer de nouvelles stratégies économiques et, surtout, créer une nouvelle habitude de consommation chez les citoyens.

« Venez acheter! Venez nous voir souvent! C’est le changement d’habitude qui va être difficile », lance Mme Lessard en guise d’appel à la communauté. Il s’agit d’implanter un réflexe : passer par le Pôle avant d’aller à l’épicerie et y voir plus qu’un simple lieu de vente, mais un projet porteur de sens.

En plus d’être un point de vente offrant une gamme diversifiée d’aliments pour tous.tes, le pôle alimentaire de la Rivière est un espace communautaire, une réponse concrète à l’insécurité alimentaire, une vitrine pour les producteurs locaux, un tremplin pour la jeunesse et un modèle d’économie sociale en action. Pour qu’il survive et prospère, il a besoin d’appuis : des citoyens, des organismes partenaires, des institutions publiques et des investisseurs solidaires. Comme le rappelle en terminant Katy Lessard : « C’est un super projet, mais on a besoin du monde pour que ça marche. »


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