Photos : EMM

P.A.T. : AUSSANT ET ROULEAU SERAIENT TOUJOURS NEZ À NEZ

La campagne électorale tire à sa fin et les intentions de vote dans Pointe-aux-Trembles n’ont pas vraiment évoluées selon les récents sondages. Ainsi, bien malin qui peut prédire qui du péquiste Jean-Martin Aussant ou de la caquiste Chantal Rouleau occupera le siège de député à l’Assemblée nationale le 2 octobre prochain. Pour la première fois de l’histoire de la circonscription née en 1988, le Parti Québécois pourrait perdre son château-fort où Nicole Léger y a régné depuis 22 ans, récoltant à chaque élection une majorité écrasante. Les projecteurs des médias nationaux se braquent aussi sur la Pointe-de-l’Île puisque la mairesse Chantal Rouleau pourrait bien être la première et la seule candidate de son parti à faire une percée à Montréal, toujours selon les données disponibles en date d’aujourd’hui.

L’avenir est à l’Est selon Aussant

Le candidat vedette du PQ se dit très confiant de garder P.A.T. dans le giron du parti souverainiste. « Notre base est extrêmement solide dans le comté et c’est représentatif de l’immense travail qu’a accompli Nicole Léger. Elle a fait beaucoup pour les gens de P.A.T., elle était très appréciée et je crois que les électeurs vont continuer d’appuyer le PQ en forte majorité le 1er octobre», affirme l’économiste.

Jean-Martin Aussant, qui est de retour au sein du Parti Québécois (il était député de Nicolet-Yamaska en 2008, avant de quitter en 2011 pour fonder Option nationale, aujourd’hui fusionné avec Québec Solidaire), a développé sa plateforme électorale locale autour de trois grands axes : le développement économique, le transport et le milieu de vie. « Ce qui m’emballe le plus dans P.A.T., c’est qu’il s’agit du secteur qui a le plus important potentiel de développement à Montréal. Il y a de grands espaces à redéfinir, des infrastructures à renouveler, à moderniser, et c’est clairement dans l’Est que ça va se passer dans les prochaines décennies. Je veux faire partie de ceux qui vont participer à sa revitalisation », soutient M. Aussant.

Jean-Martin Aussant est confiant de garder P.A.T. dans le bastion péquiste le 1er octobre prochain.

Au niveau du développement économique, le candidat milite notamment pour la décontamination des sols, vestiges de l’industrie lourde qui handicapent grandement Montréal-Est et P.A.T. « On ne parle pas de milliers, mais bien de millions de pieds carrés à décontaminer dans le secteur. Il faut profiter de cette occasion pour redéfinir notre mission industrielle et attirer de nouvelles industries liées notamment à l’énergie renouvelable, à l’innovation ou encore des entreprises d’économie circulaire. Dans cette optique, je considère qu’il aurait dû y avoir plus d’efforts de mis par les instances gouvernementales pour tenter d’attirer Solargise, le fabricant de panneaux solaires, dans l’Est de Montréal », explique le candidat. Ce dernier ajoute que ce genre de développement peut aussi permettre, possiblement du moins, la cohabitation avec des projets résidentiels et des commerces de proximité, ce qui aiderait à freiner quelque peu l’étalement urbain. « Un projet comme celui du Technopôle Angus, par exemple, pourrait très bien se faire dans le secteur », dit-il.

Le candidat péquiste avance également l’idée de créer sur le territoire de P.A.T. un centre de formation professionnelle « pour le secteur manufacturier 4.0 » dont la mission serait de palier aux besoins de main-d’œuvre technique des industries innovantes. « Les industries de l’Est changent, évoluent, et elles sont de plus en plus innovantes. Comme nous n’avons aucune institution collégiale ou universitaire dans le comté, je crois que c’est légitime de créer et d’accueillir ici un important centre de formation, c’est notre tour », affirme-t-il.

Toujours en ce qui a trait au développement économique, le candidat affirme que le PQ mettrait sur pied « une société d’initiatives et de développement exclusive à l’Est de Montréal, avec un fonds réservé. Cette société aurait pour mission de stimuler et d’appuyer concrètement l’arrivée d’entreprises et la création de projets innovants. »

Question transport maintenant, comme tous ses collègues de l’Est de Montréal, Jean-Martin Aussant réfère au projet du PQ le Grand Déblocage qui prévoit notamment un tramway pour l’Est, la réfection de Notre-Dame (avec la volonté de faire une plus grande place aux commerces de proximité) et le maintien des projets que sont la ligne bleue (métro) et le SRB Pie-IX, « dont il faudra accélérer la construction de son point d’ancrage au nord, soit la station de métro prévue.  C’est impensable que ce chantier là ne se fasse pas simultanément, c’est illogique », clame-t-il.

Le candidat est aussi en faveur d’instaurer une navette fluviale permanente de P.A.T. au centre-ville : « une idée de Madame Léger et de Parizeau dans les années 1990. Pour ceux qui pensent que c’est un projet récent, eh bien non, ça vient à l’origine du PQ. »

Spécifiquement pour le comté, Jean-Martin Aussant aimerait y voir s’installer des stations de BIXI et convaincre les entreprises d’autopartage d’y offrir leurs services. Il a également comme projets de créer un parc linéaire longeant le Vieux Pointe-aux-Trembles et de militer en faveur d’un aménagement « moderne et élaboré » d’un tronçon cyclable jumelé au boulevard Gouin Est.

Concernant l’amélioration du milieu de vie des résidents de la Pointe-de-l’Île, le candidat croit que le programme de son parti promet beaucoup de mesures concrètes à ce niveau, dont « l’augmentation du nombre de places et la baisse des frais en CPE, la rénovation des infrastructures scolaires, et le réinvestissement important, soit 200 millions de dollars de plus, dans le support aux organismes communautaires. Je suis d’avis que ces derniers valent beaucoup, beaucoup plus que ce qu’ils nous coûtent collectivement.»

Au sujet de la santé, M. Aussant tient à mettre de l’avant les mesures annoncées que sont « le réinvestissement massif en soins à domicile, la climatisation de tous les CHSLD dès l’été prochain et l’ouverture des CLSC avec minimalement des infirmières spécialisées 7 jours sur 7 jusqu’à 21h. »

Appelé à commenter la montée fulgurante de la CAQ dans Pointe-aux-Trembles, c’est sans surprise que le candidat péquiste y voit l’occasion de lancer quelques flèches : « L’avantage de la CAQ c’est que sa candidate est aussi mairesse de l’arrondissement, et j’ai un problème avec ça. Je sais bien que Mme Rouleau dit sur toutes les tribunes qu’elle suit les recommandations du commissaire à l’éthique de la Ville de Montréal, mais ce que dit ce dernier, c’est que la façon de faire de la mairesse, qui touche son salaire pendant les élections, n’est pas contre la loi. Ça ne veut pas dire que sur le plan éthique, ça respecte l’esprit de la loi… Je suis persuadé qu’après cette élection, les règles à la ville vont changer afin qu’une telle situation ne se reproduise plus », affirme M. Aussant.

Le candidat se questionne également sur la vision plus à droite de la CAQ au niveau de la gestion gouvernementale qui s’inspirerait largement du secteur privé selon lui : « La CAQ veut gérer le Québec comme une entreprise, et c’est la dernière chose à faire. Une entreprise, ça maximise le profit pour ses actionnaires et ça ne pense pas à la collectivité, alors qu’un état c’est tout l’inverse, ça doit penser à tout le monde et surtout les plus démunis. C’est ce qui m’inquiète le plus de Legault. »

Rouleau veut « aller chercher plus d’outils »

« Je fais le saut au provincial parce que si, comme mairesse, j’ai pu construire des bases solides pour remettre P.A.T. sur les rails, je pourrais faire encore plus pour l’Est avec les outils provenant de l’Assemblée nationale. C’est juste pour ça, c’est pour que l’Est se donne plus de moyens, pour qu’enfin on puisse se sortir la tête de l’eau », affirme d’entrée de jeu Chantal Rouleau. La candidate caquiste déplore que « ces 20 dernières années il n’y a pas eu d’investissement majeur des gouvernements provincial et fédéral dans l’Est et certainement pas dans Pointe-aux-Trembles. Il faut maintenant corriger cette situation injuste », dit-elle.

Force est d’avouer qu’il est difficile de discuter avec la candidate en déambulant dans les rues de P.A.T. Est Média Montréal en a fait l’expérience au début du mois de septembre et au moins une dizaine de personnes sont venues l’aborder en moins de 20 minutes. Chantal Rouleau est populaire, c’est évident, et elle est probablement la seule personne qui peut s’imaginer déloger les péquistes du comté. Un coup de maître de Legault affirment d’ailleurs de nombreux analystes.

Chantal Rouleau en plein coeur de l’ancienne voie du CN où son projet de tramway devrait circuler.

Qu’est-ce qui explique la popularité de la mairesse Chantal Rouleau dans son patelin? Selon la principale intéressée, ce serait sa capacité à mener les projets à terme : « Je suis là pour réaliser et c’est ma marque de commerce, comme je l’ai toujours fait ailleurs comme gestionnaire, tant dans le privé que dans le secteur public. Les gens voient bien que ça a bougé dans P.A.T. ces dernières années, il y a eu beaucoup de réalisations, et ça provient du municipal ces changements. Je crois que j’ai prouvé que je suis capable de faire bouger les machines administratives », soutient la candidate.

Mme Rouleau met l’accent sur deux principaux champs d’activité dans le cadre de sa campagne locale. Tout d’abord et sans surprise elle fait la promotion du plan de transport de la CAQ pour l’Est de Montréal dont la pierre angulaire est un tramway électrique moderne « comme on en retrouve dans toutes les grandes villes du monde », dit-elle. Ce tramway utiliserait le corridor qu’occupait l’ancienne voie ferroviaire du CN un peu au nord de Notre-Dame, une friche qui avait été rachetée par l’AMT il y a plusieurs années pour un projet de voie spéciale d’autobus qui n’a finalement jamais vu le jour. Le Tramway de l’Est irait du centre-ville jusqu’à la Pointe-de-l’Île pour continuer sa route jusqu’à Rivière-des-Prairies. « Un investissement de 1,2 milliard de dollars, et c’est sans parler de la réfection complète de Notre-Dame en boulevard urbain. La CAQ s’engage à amorcer ces projets dans un premier mandat, c’est du jamais vu comme investissement dans P.A.T. », déclare Mme Rouleau, qui ajoute qu’il s’agit toutefois de projets « absolument nécessaires et urgents, et plus réalistes en temps et en argent que la construction de nouvelles stations de métro dans ce secteur de la ville. » Parlant rail, la candidate milite aussi pour augmenter la fréquence du train de l’est aux heures de pointe, qui pourrait selon elle être beaucoup plus efficace.

Toujours question transport, Chantal Rouleau aimerait que la navette fluviale de P.A.T. au centre-ville, qui a fait l’objet d’un projet-pilote cet été, devienne un moyen de transport permanent, du moins 10 mois par année alors qu’il est possible de naviguer sur le fleuve. « Plus de 1 000 personnes par jour ont utilisé la navette cet été, c’est beaucoup plus que les prévisions avancées par la STM. Je crois que le succès du projet-pilote démontre que la navette fluviale est une option viable pour l’Est de Montréal et pourrait même être jumelée à un transport inter-rives avec nos voisins du sud », soutient Mme Rouleau. Cette dernière profite également du sujet pour fournir un exemple des « outils » qu’elle veut aller chercher pour faire avancer certains dossiers : « Je me suis battu depuis des années comme mairesse pour réussir enfin à avoir une ligne d’autobus supplémentaire sur Saint-Jean-Baptiste (81), ça c’est ce que je pouvais faire au niveau municipal. Ça prend plus, beaucoup plus que la 81 pour régler les problèmes de transport épouvantables dans l’Est de Montréal, pour les résidents, pour les travailleurs et pour les entreprises. Mais il faudra régler ça à Québec avant tout. »

Le second champ d’activité qui mérite une attention particulière dans la région selon la candidate caquiste est le développement économique, qui passe aussi selon elle par, notamment, la décontamination des terrains industriels. La CAQ a d’ailleurs annoncé sa volonté d’injecter 200 millions de dollars dans un premier mandat strictement pour décontaminer les terrains de l’Est montréalais. « C’est un autre dossier, bien connu, qui fait l’objet de nombreuses discussions, de nombreux pourparlers depuis 20 ans. Et ça bouge très lentement. Maintenant c’est le temps de passer à l’action », déclare Mme Rouleau.

Selon la candidate, le volet industriel du territoire doit continuer d’évoluer vers une industrie moins lourde et mieux adaptée à la cohabitation urbaine, transformation qui a commencé avec « un autre type d’activité dans le secteur pétrochimique que le raffinage, plus axé sur la recherche et le développement et sur les composés modernes de la pétrochimie d’aujourd’hui. » Chantal Rouleau n’hésite d’ailleurs pas à faire un lien entre la transformation industrielle de l’Est et le virage vert que met de l’avant les administrations municipales du secteur depuis quelques années. « S’il y a une chose qui me tient vraiment à cœur, et j’ai travaillé fort pour cela, c’est de faire passer l’Est de Montréal du brun, du gris terne, au bleu et au vert. On commence à changer le visage de l’Est, et je crois qu’il faut garder la vision d’en faire une zone de développement durable, industrielle oui, mais adaptée à une cohabitation urbaine moderne et saine. Mais je crois que là-dessus tout le monde est d’accord », conclut-elle.